Dossier

Foncier : Les prix s’embrasent à Casablanca

Du jamais vu ! Les fourchettes des prix de terrain dans le grand Casablanca dépassent l’entendement. En dépit de la mise en place de 19 nouveaux plans d’aménagement sur les 34 à renouveler, la spéculation sur le foncier continue de plus belle. Pire, le mètre carré du lopin de terrain s’est renchéri. Résultat : les transactions foncières se font au compte-gouttes. Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les prix pratiqués quartier par quartier ? Qu’est-ce que les nouveaux plans d’aménagement ont programmé de changer quartier par quartier au niveau du résidentiel ? Enquête réalisée par adama sylla

Sur les 34 plans d’aménagement à renouveler, 26 nouveaux documents sont déjà opposables aux tiers (dont 19 ont franchi l’ultime étape de la publication au Bulletin officiel), couvrant près de 68 % de la superficie du Grand Casablanca. Mais en dépit de la mise en place de ces documents d’urbanisme, la spéculation sur le foncier continue de plus belle. Pire, le mètre carré s’est renchéri. « Beaucoup de quartiers sont passés de zones villas à zones immeubles, mais le hic est que la plupart des terrains ne pourront accueillir que des immeubles R+3. Seuls quelques immeubles sont programmés pour des R+4 et R+5 », souligne Mohamed Lahlou, Président de l’Association marocaine des agences immobilières (AMAI) et directeur général de Carrefour Sakane. Il faut dire, qu’en dépit des 19 plans d’aménagement homologués sur les 34, l’ardeur des spéculateurs fonciers ne s’est pas calmée. Au contraire, les prix des terrains flambent sans aucune logique de marché. « Le premier plan d’aménagement qui a été adopté, est celui de Hay Hassani. Mais ce document urbanistique homologué depuis le 5 décembre 2011, n’a pas relancé les transactions au niveau de la zone. Une dizaine de transactions seulement ont pu être concrétisées. Dans ce quartier et au niveau de la Ferme Bretonne par exemple, située sur la route d’Al Jamiâ, (entre Bd Ghandi et Route d’El Jadida), les transactions devraient normalement se multiplier mais jusqu’à présent, seules sept ventes ont été réalisées. Le niveau de prix demandé oscille entre 28 000 et 32 000 DH le m2. Pourtant, la zone ainsi que celle mitoyenne, notamment la zone Laya, sont passées de zone villas à immeubles », fait constater Mohamed Lahlou. Il faut dire qu’aujourd’hui, promoteurs, agents immobiliers et notaires sont unanimes pour dire que le premier frein à la réalisation des transactions foncières dans la capitale économique, se situe au niveau des prix exigés par les propriétaires de terrains. Or, le foncier est, rappelons-le, le principal centre de coûts des promoteurs : il représente 30 % dans un projet immobilier, les 70 % restants concernent le volet construction. Résultat des courses : pour pallier cette situation de rareté de terrains, les opérateurs parient sur la hauteur. Construire plus haut pour loger le plus grand nombre semble être, à ce jour, la seule alternative. Et les R+5 et R+6 ne courent pas les rues. Valeur aujourd’hui, le prix du mètre carré du terrain se négocie à Casablanca à partir de 12 000 DH jusqu’à…100 000 DH! Le pic est au niveau du Bd Massira : 100 000 DH le m2. Sur le Bd d’Anfa, le mètre carré de terrain oscille entre 60 000 et 70 000 DH. Presque pareil à Gauthier où les prix affichés sont de 55 000 DH. Au quartier Racine, les prix varient de 50 000 à 55 000 DH, voire plus selon l’emplacement. A Derb Omar, la fourchette se situe entre 30 000 et 35 000 DH le m2. Idem pour le quartier Maârif Extension (côté Princesses) où le nouveau plan d’aménagement a d’abord arrêté la hauteur à R+3 avant d’autoriser finalement les immeubles R+5. Que ce soit également au quartier Palmier ou encore sur le Bd Oum Rabiâ à Sidi Maârouf, les prix pratiqués actuellement vont de 25.000 à 30.000 DH le m2. Quant à Bourgogne et Belvédère, les prix demandés sont respectivement de 25 000 DH et 22 000 DH le m2. Du coté de la Route d’Ouled Ziane, les prix affichés gravitent autour de 16 000 DH le m2. A noter évidemment, que ces prix pratiqués concernent les terrains de petite taille ne dépassant pas les 500 m2. D’ailleurs, il est très rare de trouver de grandes parcelles de terrain dans ces quartiers, contrairement aux zones comme Gironde, Roches Noires, Aïn Sebaâ et Oulfa. Et là, plus la superficie est grande, plus le prix devient plus bas. A cela, s’ajoutent d’autres facteurs selon que le terrain dispose d’une bonne façade ou se situe sur un boulevard ou une ruelle. Quoi qu’il en soit, dans le quartier Gironde, il est possible de dénicher des terrains, souvent des anciennes usines ou entrepôts, pour des prix allant de 15 000 DH à 18 000 DH le m2. Dans le quartier Roches noires également, les prix demandés pour les terrains se situant dans des ruelles sont un peu en dessous : ils varient de 12 000 DH à 15 000 DH le m2. Non loin de là, à Ain Sebaâ, même si les prix semblent attractifs par rapport au marché, les tarifs demandés oscillent entre 10 000 DH et 12 000 DH le m2 pour des immeubles R+4, voire R+5. Pourtant, il y a une année, il fallait débourser seulement 6 000 DH pour dénicher un terrain de grande superficie. Pour trouver une parcelle de terrain qui se rapproche de ce niveau de prix d’alors, il faut aller à Oulfa où les terrains d’un hectare et plus sont proposés à partir de 4 000 DH le m2. Actuellement, ce n’est pas un hasard si les transactions ne se font quasiment que dans ces zones où les promoteurs immobiliers achètent des terrains pour trois raisons : les grandes superficies, le niveau de prix comparé au marché, mais aussi et surtout la générosité des nouveaux plans d’aménagement en termes de hauteur dans ces quartiers (voir encadrés). « D’une manière générale, les parcelles de terrains sont actuellement plus chères d’environ 25 % que ce que sont prêts à débourser les acheteurs. Les vendeurs de terrains ont leur propre analyse du marché. Pour eux, les promoteurs immobiliers ont toujours la possibilité de jouer sur les prix des logements. Mais ce qu’ils oublient, c’est que les acquéreurs de logements ne sont plus disposés à acheter avec certains niveaux de  prix», souligne le Président de l’Association marocaine des agences immobilières. « La majorité des projets immobiliers sont lancés par les petits promoteurs, les grands préfèrent attendre et ne se lancent que lorsque la hauteur est assurée », assure un promoteur immobilier. Faudrait-il encore qu’ils trouvent le financement. En effet, les banques abandonnent le financement des promoteurs immobiliers. Elles poursuivent leur politique prudentielle à l’égard de ces promoteurs. L’encours des crédits accordés aux promoteurs immobiliers entre janvier et septembre derniers, a atteint seulement 64,5 milliards de dirhams, en recul de 6% par rapport à la même période de l’année écoulée, selon les récentes statistiques fournies par Bank Al Maghrib. Cette régression est imputable aux risques majeurs auxquels est confronté le marché immobilier en raison d’un déséquilibre entre l’offre et la demande. Sur le terrain actuellement, à en croire les promoteurs, seuls trois établissements bancaires de la place continuent à leur octroyer des crédits. « Les banques, non seulement ne nous financent plus à 100 %, mais ne donnent plus de crédit pour l’acquisition de terrain », confie l’un d’eux qui précise qu’en plus du prix du mètre carré devenu le principal facteur de blocage à l’achat du foncier, les mises en vente accusent le coup de certaines dispositions intégrées en 2013 dans la taxation des revenus des ventes des terrains nus dans le périmètre urbain. Cette taxation a été divisée en trois paliers. La première tranche qui concerne les biens acquis il y a moins de 4 ans est assujettie à un taux de 20%. Si le terrain n’a pas fait l’objet de transactions entre 4 et 6 ans, la loi en vigueur depuis deux ans lui associe un taux de 25%. Le plus fort taux qui est de 30% est, depuis, appliqué aux biens dont la durée de possession est supérieure à 6 ans. «Si avec une taxation à 20% les gens étaient réticents à la vente ou avaient recours à des pratiques frauduleuses, les 30% ont beaucoup contribué à bloquer les transactions», estime un notaire. Pis encore, l’augmentation de la taxe sur le profit foncier a favorisé encore plus la pratique du noir et stimulé la hausse des prix. Autre facteur bloquant, selon ce notaire, est la mesure appliquée depuis 2 ans et qui concerne la cession d’immeuble acquis par héritage. Pour ce cas, dit-il, le prix d’acquisition considéré était la valeur vénale des immeubles inscrite sur l’inventaire dressé par les héritiers dans les douze mois suivant le décès. « Cette valeur devait en principe correspondre au prix du marché. Sauf que depuis 2013, la taxation se fait sur la base de la valeur historique et donc du prix d’acquisition du bien par le défunt. «Vu que la valeur historique est généralement peu importante, si le bien a été acquis depuis plusieurs dizaines d’années, la taxe est appliquée, quasiment, au prix de la cession», martèle-t-il.

1. Maârif
Dans cette zone qui englobe Maârif Extension, Palmiers, Derb Ghallef, Oasis…, nombreux sont les quartiers qui sont passés dans le cadre du nouveau plan d’aménagement  de zone villas à zone immeubles, cela jusqu’à R+7 en front bâti, comme c’est le cas dans une partie des Boulevards Bir Anzarane et Yacoub El Mansour. Ainsi, à l’Oasis, la zone villas située sur la route Al Jamia passe en zone immeubles R+3 avec un front bâti en R+5. Idem pour les zones sises sur la route de l’Oasis et le long de l’autoroute au sud du secteur.  Au niveau de Maârif Extension, la zone villas, située entre la rue Ibnou Jaber Attarabi et le boulevard Ibn Sina, passe également à zone immeubles R+5. Le Bd Anoual dans le quartier des Hôpitaux, n’est pas en reste. Que ce soit à son nord ou encore à son sud, les immeubles R+2 vont passer respectivement à R+5 et R+4.

2. Mers Sultan
Changement de taille dans cet arrondissement, notamment le long de la route Ouled Ziane. En effet, la partie Est, qui accueille actuellement quelques unités industrielles et des dépôts, sera transformée progressivement en zone résidentielle. A noter par ailleurs, qu’au niveau du Bd Zerktouni et de l’Avenue 2 mars, la zone villas jalonnant ces deux axes mutera en zone immeubles. A cela, s’ajoute le foncier qui sera libéré avec le déménagement de la caserne militaire et de la prison.

3. Al Fida
Ce qu’il faut retenir pour cet arrondissement, c’est qu’outre le Bd El Fida où sont désormais autorisés des immeubles R+5 sur tout l’axe, les anciens quartiers Omar Bnou Khattab, Chorfa-Tolba et Fokara-Koréa se sont vus autorisés une surélévation d’un étage supplémentaire.

4. Ain Sebaâ
Dans cet arrondissement, de nouveaux programmes résidentiels ont été prévus par le nouveau plan d’aménagement. Il s’agit de la zone résidentielle R+4 programmée dans le cadre de l’élargissement des voies actuelles reliant le nord et le sud d’Aïn Sebaâ. Une deuxième zone résidentielle R+3 et R+4 est prévue. Et ce n’est pas fini, puisqu’une troisième est programmée (R+4) au sud de la voie ferrée. A noter que cette zone d’habitat conservera quelques poches de la zone villas existante.

5. Lahraouiyine
Globalement, pas moins de 25 hectares ont été programmés par le nouveau plan d’aménagement au développement d’immeubles R+5, sans compter 142 hectares supplémentaires qui sont dédiés à des immeubles R+3 et R+4.

6. Aïn-Chock
Dans cet arrondissement, de nouvelles zones ont été programmées pour être ouvertes à l’urbanisation et accueillir de l’habitat collectif. Ainsi, pas moins de 1 300 hectares non encore immatriculés situés essentiellement au niveau des zones de Lamkanssa et de Sidi Massoud sont concernés.

7. Mohammédia
Ici, un changement important est à noter et concerne le nouveau centre, créé en front de mer. Cet espace qui accueille actuellement des immeubles de logements  R+2 et R+3, peut recevoir désormais, des immeubles R+5 ainsi que des villas.

8. Sbata
Au niveau de cet arrondissement, le changement phare programmé par le nouveau plan d’aménagement, concerne les terrains situés sur le boulevard Mohammed VI dont la hauteur passe de R+4 à R+6.

9. Ben M’sik
C’est une nouvelle zone urbaine résidentielle qui verra pratiquement le jour dans cet arrondissement. Ce nouveau centre accueillera en effet, des immeubles R+4 et R+6 sur les terrains encerclant actuellement les bidonvilles.

10. Hay Moulay Rachid
Le nouveau plan d’aménagement semble donner la part belle à cet arrondissement qui a vu son périmètre multiplié par deux, soit 500 hectares supplémentaires en termes d’extension. Ce qui n’est pas sans accorder une place de choix au volet habitat. Ainsi, il est programmé dans cette nouvelle extension, du résidentiel sous forme d’immeubles collectifs à R+3 et R+4 sur de grandes superficies, de l’habitat sur de petites et moyennes parcelles à R+2 et R+3, ainsi qu’une zone d’habitat individuel sous forme de villas. Au-delà de la zone d’extension, le nouveau plan d’aménagement prévoit au niveau de la zone existante jonchant les voies principales, un habitat avec des immeubles R+3 et R+4.

11. El Mansouria
Ce sont pas moins de 530 hectares qui ont été programmés pour le résidentiel dans cette municipalité, à mi-chemin entre Casablanca et Bouznika, plutôt connue pour sa vocation balnéaire et touristique. Cette zone accueillera pratiquement autant d’habitats collectifs, qu’individuels.

 
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