Forces et faiblesses de notre gestion publique
Le rapport de Bank Al Maghrib est attendu par le gouvernement et par les parlementaires. C’est une synthèse sur l’état de l’économie. Les lectures politiques ne sont pas très loin de la présentation des chiffres. L’autonomie des banques centrales n’est pas toujours convenable pour certains responsables politiques.
Nous avons pris l’habitude de lire les chiffres de notre économie à travers plusieurs sources aussi crédibles et légitimes les unes que les autres. Répondant à une question de Challenge sur les prévisions et les projections du HCP et sur la multitude des prévisions en matière de taux de croissance, M. Lahmimi a préféré la polyphonie dans ce domaine et a considéré comme salutaire l’absence de la voix unique. Quelques jours après ce rendez-vous, nous voilà devant une lecture de la politique économique du gouvernement, des chiffres de notre monnaie, des échanges avec nos partenaires extérieurs et surtout devant une analyse du rythme des réformes menées par ceux que la vox populi a mis aux commandes des affaires publiques.
La première observation du rapport est positive et souligne l’atténuation sensible des déficits jumeaux et l’amélioration de la croissance qui est passée de 2,7% à 4,4%. Toutefois, l’appréciation ne peut cacher le rôle du facteur climatique dans la performance et notamment la progression de 19% de la valeur ajoutée agricole. Celle-ci influence actuellement toutes les prévisions pour 2014. Le retour au rythme d’une agricole normale crée des creux de vagues au niveau des chiffres. La croissance provenant des secteurs non agricoles est passée de 4,4 % à 2,3%. Le secteur secondaire a connu une très modeste croissance de 0,3% consécutive à la baisse de l’activité minière et au ralentissement des BTP. Le secteur tertiaire est relativement boosté par l’accroissement des arrivées de touristes qui ont franchi les 10 millions de visiteurs. La consommation des ménages s’est améliorée alors que celle des administrations publiques a diminué. Cette diminution s’est accompagnée d’une autre au niveau des investissements publics.
Le marché de l’emploi subit les effets de l’absence d’une reprise de la croissance des secteurs non agricoles. Depuis cinq ans, le secteur des industries n’a pas contribué d’une manière significative à la création des emplois. En 2013, l’industrie n’a créé qu’environ 5 000 postes. Le secteur des services et le secteur agricole constituent les principaux employeurs et créateurs de postes mais n’arrivent pas à combler les déficits induits par l’arrivée annuelle de 157 000 demandeurs d’emplois. Le taux de chômage a atteint en 2013 le seuil de 9,2% au niveau national et plus de 14 % en milieu urbain.
Les déficits jumeaux : une amélioration et des craintes
Nos comptes extérieurs sont toujours préoccupants malgré l’amélioration du déficit du compte courant de la balance des paiements de 2,2 points de pourcentage. Les nouveaux métiers du Maroc ont renforcé ses exportations et ont permis de contrebalancer les replis des exportations des produits miniers qui ont enregistré une diminution de 22,9% consécutive à la baisse de la demande mondiale sur les fertilisants et à la baisse des cours mondiaux. Les IDE qui ont atteint 39,6 milliards de dhs ont permis de maintenir les réserves internationales nettes «légèrement » au-dessus de quatre mois d’importations de biens et de services.
Le déficit des finances publiques, qui constitue une préoccupation très importante du gouvernement, s’est allégé de deux points du PIB en 2013. La reprise du système d’indexation des prix des carburants a entrainé une baisse sensible des dépenses de la compensation. Les autres mesures ayant porté sur les dépenses d’investissement et l’encaissement des dons en provenance des pays du golf expliquent cette amélioration. Les recettes fiscales et douanières ont globalement baissé mais n’ont pas eu un effet notable sur le déficit budgétaire qui a atteint (hors privatisation) 5,5 % du PIB. La dette du Trésor a franchi le seuil de 60 % du PIB et continue sa hausse tant au niveau de sa composante interne (+ 12,6) qu’au niveau de sa composante extérieure (11,1%)
Les politiques publiques : des constatations et après…
Le rapport revient sur une des questions récurrentes dans les rapports de Bank Al Maghrib à savoir, la dimension disproportionnée de la masse salariale publique. Le ratio le comparant au PIB est parmi les plus hauts par rapport à plusieurs pays se situant à des degrés différents de développement économique. Ce ratio est de 11,3% en 2013. Les dépenses relatives à cette rubrique ont augmenté de 56,2% entre 2006 et 2013. Bank Al Maghrib note que ce volet constitue un handicap pour le budget de l’Etat mais ne propose aucune alternative au gouvernement dans ce domaine. Il est facile de constater les dysfonctionnements mais il est souvent plus délicat sur le plan politique de mettre en pratique des mesures restrictives au moment où le climat politique dépend de la paix sociale. Les acteurs sociaux et l’opposition n’ont pas cessé de critiquer le non reprise du dialogue social et la création jugée timide des postes dans le secteur public. L’accès au crédit bancaire est de plus en plus difficile. La prudence des banques devant les risques d’insolvabilité a fragilisé le taux de croissance des crédits en le ramenant à 3,9 % au lieu de 4,6%. Seuls les crédits à l’équipement ont échappé à cette décélération. L’autre souci soulevé par le rapport est l’augmentation des créances en souffrance dont le taux est passé de 4,9% à 5,9%.Ces constats ont été compensés par les performances des banques marocaines à l’extérieur des frontières et notamment, sur le continent africain. Cette extension des activités n’est pas seulement porteuse de croissance mais aussi de risques et partant, d’un devoir de surveillance des activités extraterritoriales des banques marocaines en collaboration avec les autorités de régulation dans les pays concernés.
Les avancées en matière des équilibres macroéconomiques
Le rapport de Bank Al Maghrib note avec satisfaction les avancées sur le plan des équilibres macroéconomiques en 2013. Le rapport parle de rattrapage des dérapages de 2012 et dont les éléments explicatifs se trouvent dans la flambée des coûts de la compensation qui se sont rapprochés de 60 milliards de dhs. Le rapport cite l’appréciation positive des institutions financières internationales et le renouvellement de la ligne de précaution et de liquidité du FMI, ainsi que des évaluations positives des agences de notation. Les investisseurs ont reçu les messages des institutions internationales et le volume des IDE a progressé en 2013. La stabilité politique que connaît le Maroc et la transition démocratique qu’il a réussie ne sont pas étrangères à cette situation. Les efforts des pouvoirs publics en matière de sauvegarde des équilibres macroéconomiques sont soulignés. Le rapport aurait pu utiliser le terme «gouvernement au lieu de «pouvoirs publics» pour intensifier son message.
Les dossiers de réforme qui attendent
Le rapport de la Banque revient sur les points faibles de l’action gouvernementale pour relever la quantité de dossiers qui attendent l’action. «Plusieurs projets de réformes déjà finalisés ou largement débattus doivent trouver leur chemin vers la mise en œuvre » A la tête de ces projets figure celui des régimes de retraite dont l’urgence n’est plus à démontrer. Le chantier des régionalisations considérées comme structurant dans sa relation concrète avec la démocratie locale. La réforme de la justice permettra de renforcer l’Etat de droit et d’améliorer le climat des affaires pour rejoindre des pays qui ont accompli des avancées réelles dans ce domaine. Les niveaux de la recherche scientifique, de l’innovation technologique et du système de formation et d’éducation. Les taux de scolarisation au secondaire et au supérieur sont faibles et la durée de scolarisation enregistre une moyenne de 4,4 années contre 4,7 années en Afrique Subsaharienne et 6 années dans les pays arabes. La qualité de la formation est estimées en deçà des conditions requises pour son adaptation au marché du travail. Les assises fiscales sont soumises à une lecture normale en fonction de la mise en œuvre des recommandations. L’essentiel est dans l’intégration du secteur informel dans le secteur organisé et l’impact économique d’une telle transition et notamment, sur l’élargissement de l’Assiette fiscale.
Les ambitions du Maroc dans le domaine financier régional interpellent sur «la pertinence de notre système de change». La viabilité du régime de change qui a bénéficié ces dernières années d’une flexibilité est à inscrire dans la fragilité structurelle du niveau de nos réserves de change. Des prérequis sont nécessaires à la réussite d’une transition vers plus de flexibilité. La position de la Banque est donc presque clairement exprimée. Le Maroc doit préserver ses positions et ne pas s’embarquer dans des politiques qui peuvent s’avérer préjudiciables sur le niveau des réserves internationales.
Les chiffres les plus importants relatés par le rapport de Bank Al Maghrib sont le PIB qui est passé de 827,5 milliards de dhs à 872,8 milliards de dhs en 2013. La formation brute du capital fixe est passée de 258,9 milliards de dhs à 263,3 milliards de dhs en 2013.