Garanties bancaires : Un grand pas vers la digitalisation
Avec l’entrée en service du Registre National Electronique des Sûretés Mobilières (RNESM), le régime juridique des garanties mobilières sort de son cadre archaïque et accède directement à l’ère du numérique.
C’est un pas de géant qui aura pour avantage de restaurer la crédibilité de ce type de garanties auprès des bailleurs de fonds, ce qui va faciliter l’accès des entreprises et des professionnels au financement auprès des banques. En effet, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi relative à la refonte du régime des garanties mobilières adoptée l’année dernière, il a été procédé le 02 du mois courant au lancement effectif du Registre National Electronique des Sûretés mobilières (RNESM) qui est l’un des apports essentiels de cette réforme. L’objectif recherché à travers l’instauration de ce registre, est de fluidifier le processus de «gestion» des garanties mobilières et par là de simplifier les formalités d’accès au financement bancaire.
C’est sans doute un événement qui va contribuer à l’amélioration du climat des affaires et, par là, au classement du Maroc dans le prochain Doing Business grâce à son impact positif sur l’indicateur relatif à «l’obtention des prêts» sur lequel notre pays a été toujours crédité d’une faible note à cause de son régime des garanties.
La question qui mérite d’être tirée au clair est la suivante : pourquoi ce registre électronique est si important et comment peut-il contribuer à la facilitation de l’accès au crédit ?
D’une manière générale, le RNESM va permettre de simplifier la «gestion» des garanties mobilières, de les sécuriser et de les réhabiliter aux yeux des bailleurs de fonds, notamment les banques. La simplification réside dans le remplacement de centaines de registres aux niveaux des tribunaux du pays par un seul registre. Dorénavant, il y aura un seul registre centralisé au niveau national pour tous les types de nantissement sans dépossession, alors que par le passé il y avait un registre pour chaque type de garantie mobilière (nantissement des produits agricoles, nantissement des produits et matières, nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement etc.).
Même plus, le RNESM va être utilisé comme support pour des opérations assimilées aux sûretés mobilières à savoir, la cession de créance, la vente mobilière avec clause de réserve de propriété, le crédit-bail, la cession des créances professionnelles et l’affacturage.
Reste que la grande simplification réside dans la digitalisation de ce registre, sachant que les registres étaient tenus sur support papier par les tribunaux dans des conditions qui laissent à désirer en termes de sécurité, de transparence et d’accessibilité. Toutes les formalités relatives aux garanties mobilières seront dorénavant effectuées de manière électronique, c’est-à-dire de l’inscription de la garantie jusqu’à sa radiation, en passant par les inscriptions modificatives ou complémentaires. Même le paiement des droits (fixés à 100 dirhams seulement) est effectué électroniquement. Et la cerise sur le gâteau, les formalités peuvent être effectuées 24 H sur 24, ce qui va faciliter énormément le travail tant aux créanciers nantis, qu’aux constituants des nantissements.
L’autre aspect positif de ce registre est la transparence. Sa consultation est publique et toute personne peut extraire une attestation relative aux inscriptions, aux modifications éventuelles et aux radiations. En outre, les inscriptions sont opposables aux tiers à compter de la date et de l’heure de leur accomplissement.
Sans exagération, la création du RNESM est une petite révolution, en matière de garanties bancaires, qui aura certainement un effet très positif sur l’accès au crédit des toutes petites entreprises, des petites et moyennes entreprises et des grandes entreprises. Pourquoi ?
Tout d’abord les délais de mise en place des garanties seront sensiblement raccourcis, ce qui va accélérer le déblocage des crédits. Le coût des garanties sera aussi nettement allégé non seulement en termes de droits à payer, mais surtout en termes d’économie des frais de déplacement dans les tribunaux, surtout quand l’agence bancaire ne se trouve pas dans le chef-lieu du tribunal dont elle dépend.
Vu les avantages de la dématérialisation de toutes les procédures et formalités relatives aux garanties mobilières, une question s’impose : pour quand la dématérialisation des autres garanties bancaires ? De notre point de vue, pour faciliter davantage l’accès des entreprises au financement, il devient urgent d’étendre cette réforme aux autres types de garanties bancaires. Il s’agit notamment du nantissement des véhicules automobiles, de l’hypothèque sur les aéronefs, de l’hypothèque maritime et de l’hypothèque foncière.
Et c’est surtout cette dernière, c’est-à-dire l’hypothèque sur les biens immeubles, qui mérite d’être priorisée puisqu’elle est la principale garantie en matière de financement bancaire. Actuellement, elle ne favorise pas l’accès au financement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, son inscription (son transfert ou sa radiation aussi) nécessite plusieurs jours et parfois plusieurs semaines, surtout depuis l’entrée en vigueur du Code des droits réels qui impose le passage par un professionnel du droit (notaire, Adel ou avocat).
Ensuite, son coût est excessivement élevé comme le confirme d’ailleurs la comparaison que dresse chaque année le Doing Business entre 190 pays. Outre les frais du professionnel du droit, l’inscription d’une hypothèque sur les livres de la Conservation Foncière peut aller jusqu’à 2% du prêt contracté auprès de la banque (frais d’inscription et frais de radiation). Et si on ajoute les honoraires du professionnel du droit, le coût de l’hypothèque ne serait pas loin dans certains cas de 3% du montant du crédit. Ceci veut dire que la cherté des crédits n’est pas imputable en totalité aux banques, mais aussi à l’Etat qui fait des droits de Conservation foncière un impôt déguisé destiné, en bonne partie, à alimenter son budget.