Ghalia Mokhtari :« le Royaume est bien positionné pour réaliser son ambition de devenir un véritable hub énergétique »
Dans une tribune publiée dans « The Parliament Magazine », le magazine du parlement européen, Ghalia Mokhtari,avocat au barreau de Casablanca, spécialiste des financements de projets énergétiques et des problématiques climatiques revient sur les efforts et chantiers du Maroc en matière de stratégie énergétique. À travers sa situation géographique, ses projets et son engagement dans la lutte contre le changement énergétique, le Maroc se positionne comme un hub énergétique entre l’Afrique et l’Europe.
L’UE bénéficiera de la révision de la stratégie énergétique du Maroc
Depuis les premières mesures du gouvernement à la fin des années 1990, le Maroc a entrepris un examen approfondi de sa stratégie énergétique. Cette refonte a été réalisée grâce à un certain nombre de projets concrets. Tout d’abord, positionner le Maroc comme un acteur de premier plan en Afrique du Nord et en Méditerranée. Les premières tentatives ont consisté à entamer des négociations de joint-venture, au milieu des années 1990, sur le gazoduc Maghreb-Europe avec l’Algérie, l’Espagne et le Portugal.
Deuxièmement, développer la capacité de production d’électricité du Royaume, notamment par des modifications législatives permettant aux acteurs privés de développer des projets énergétiques. Il s’agit notamment de projets de grande envergure tels que le projet Jorf Lasfar, qui a récemment vu son accord d’achat d’électricité avec l’ONEE (Office national de l’électricité et de l’eau potable du Maroc) prolongé jusqu’en 2044.
Enfin, développer plus de projets renouvelables, y compris des projets d’énergie éolienne tels que le rééquipement du parc éolien de Koudia Al Baida dans le nord du Maroc, développé pour la première fois en 1997.
Le Maroc leader des énergies renouvelables
Depuis 2009, le Maroc a mis en place un ambitieux programme d’énergies renouvelables visant à augmenter la part des énergies renouvelables dans le réseau énergétique national à 42% d’ici 2021 et 52% d’ici 2030. Le programme marocain, qui définit des stratégies dédiées à l’éolien et au solaire, comprend le développement de plusieurs projets renouvelables par des promoteurs comme Nareva, Engie et ACWA. Les projets Noor développés par MASEN (l’Agence Marocaine de l’Energie Durable) devraient produire jusqu’à 582 MW lorsqu’ils seront pleinement opérationnels.
Le Maroc est aujourd’hui un leader dans le secteur des énergies renouvelables tant en Afrique du Nord que sur l’ensemble du continent africain. Grâce à sa situation géographique privilégiée avec un accès à la Méditerranée et un très long littoral sur l’Atlantique, le Royaume est bien positionné pour réaliser son ambition de devenir un véritable hub énergétique.
Le Maroc en tant que hub énergétique méditerranéen et partenaire clé de l’Europe
Développer une stratégie énergétique régionale en partenariat avec l’Union européenne, notamment une stratégie verte, permettrait au Maroc de jouer un rôle majeur dans la création d’un hub énergétique méditerranéen dans le sud de l’Europe, garantissant la sécurité énergétique de l’Europe et du monde. En outre, faciliter la coopération Sud-Sud – entre les pays en développement – profiterait également aux pays du Nord qui, en échange d’une assistance technique et financière, récoltent souvent des bénéfices des projets qu’ils contribuent à développer alors que leurs homologues du Sud deviennent d’importants fournisseurs d’énergie.
Ces pays en développement sont des puissances à part entière, contribuant à plus de la moitié de la croissance mondiale ces dernières années. Aujourd’hui, le commerce intra-sud représente plus d’un quart du commerce mondial, et les flux d’investissements directs étrangers venant des pays du Sud représentent actuellement un tiers des flux de capitaux mondiaux. Le Maroc a déjà pris des mesures pour atteindre son objectif de partenariat avec l’Europe, avec l’annonce du projet de gazoduc Maroc-Nigeria en 2016, qui aidera à positionner le Royaume comme un hub entre la rive sud de la Méditerranée et les pays africains exportateurs d’énergie.
Le projet, actuellement en phase de développement, devrait permettre de relier les ressources gazières nigérianes aux pays d’Afrique de l’Ouest et au Maroc, et de là à l’Europe. D’un point de vue purement économique, les interconnexions donnent un accès aux marchés offrant de meilleures opportunités commerciales et donc des incitations financières plus attrayantes pour les projets d’énergie renouvelable, en permettant de tirer pleinement parti du potentiel d’énergie renouvelable de la région et d’explorer le développement d’autres projets comme l’offshoring.
Lire aussi| Hydrogène : Comment le Maroc peut devenir le premier fournisseur de l’Union Européenne
Pour tous ces projets, l’Union européenne a intérêt à participer à l’élaboration d’une stratégie d’intégration régionale.
Si les arguments économiques en faveur d’une meilleure intégration régionale n’étaient pas suffisants, la logique politique est tout aussi convaincante, notamment en ce qui concerne la normalisation des relations diplomatiques tendues au Maghreb.
L’engagement du Maroc dans la lutte contre le changement climatique
Loin de se concentrer uniquement sur le potentiel économique et politique de sa stratégie énergétique, le Maroc est également profondément conscient des défis environnementaux et climatiques auxquels le monde est confronté. Compte tenu de l’importance mondiale de ces questions climatiques, le Maroc a lancé plusieurs programmes verts au début de cette année, y compris le programme Génération verte 2020-2030, qui vise à développer le secteur agricole en favorisant l’économie d’eau d’irrigation et en réduisant la dépendance du Royaume à l’agriculture pluviale.
En outre, suite à la nomination des membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), le Maroc a commencé à élaborer un code environnemental. Le code et le nouveau modèle de développement devraient inclure des mesures concrètes et ciblées pour mieux protéger l’environnement et réduire les émissions de gaz à effet de serre.