Ghita Mouttaqi-Allah, présidente du Rotary Club Casablanca La Sqala : « On veut vulgariser et partager des expériences touchant la maladie d’Alzheimer »
Le Rotary Club Casablanca La Sqala a mis en place ses premières activités autour de son action phare : la maladie d’Alzheimer, en organisant le webinaire : « Alzheimer au Maroc, et si on parlait ? », lundi 21 septembre. L’occasion d’évoquer le quotidien des patients avec la présidente de l’ONG, Ghita Mouttaqi-Allah.
Challenge : Pourquoi avoir organisé ce webinaire ?
Ghita Mouttaqi-Allah : D’abord, nous avons placé ce webinaire sous un chapeau mondial à savoir la Journée mondiale de la maladie de l’Alzheimer qui est célébrée dans le monde depuis 1994. Le Rotary Club Casablanca La Sqala n’avait pas la prétention d’organiser un forum scientifique mais plutôt d’échanger avec une audience plus large un sujet à la fois peu connu, tabou et que certains membres du clubs ont réellement vécu en leur qualité de proches aidants de parents malade d’Alzheimer. On voulait vulgariser et partager des expériences touchant cette maladie à date incurable, une maladie si particulière, difficile à anticiper, difficile à diagnostiquer, à gérer et difficile à prendre en charge partout dans le monde mais encore plus sur le continent africain.
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C’était aussi pour nous l’occasion de lancer un appel aux associations et aux bénévoles à qui nous avons tendu la main hier pour nouer des partenariats. Objectif : profiter des différentes expertises et ne plus travailler de manière séparée et individuelle sur des sujets comme celui-ci. La maladie d’Alzheimer est un problème qui concerne tout le monde, quel que soit son statut, âge ou sexe et qui mérite réflexion au Maroc.
Challenge : Quel état de lieu faites-vous aujourd’hui de l’accompagnement des malades d’Alzheimer au Maroc ?
Il est très faible malheureusement, voire inexistant. Le malade d’Alzheimer est comparé à un nouveau-né : il est fragile, sensible et a besoin d’être nourri, d’être changé plusieurs fois par jours, d’être transporté malgré son poids pour être lavé, etc. Il n’y pas de structure d’accueil capable de couvrir tous les besoins d’un malade et il n’existe malheureusement pas de structures ou cellules psychologique pour accompagner la famille pour qui la maladie représente de nombreux sacrifices. C’est dire que le système de santé actuel ne comprend pas de prise en charge pour l’Alzheimer.
Le malade a besoin d’être suivi régulièrement par une médecine pluridisciplinaire qui demande des moyens financiers. Même un gériatre, spécialistes des personnes âgées qui sont rares au Maroc, sont loin d’être suffisants par rapport au 10% de personnes âgées de la population marocaine (chiffres HCP 2019) : on parle d’un gériatre pour 1,2 million de personnes âgées. Vous voyez qu’il ne s’agit pas d’une priorité pour diagnostique et traiter l’Alzheimer!
Challenge : Selon vous, quelles sont les pistes à actionner pour à la fois alléger la souffrance des malades et de leurs familles et rendre cette maladie moins taboue au Maroc ?
Pour moi, et parce que je l’ai personnellement vécu pendant plus de 15 ans avec ma mère, le tabou ne peut être levé que par des partages d’expérience comme celui d’hier et de la sensibilisation dans les médias et auprès des leaders d’opinion.
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Les pistes actionnables restent les caravanes massives dès que la pandémie du coronavirus soit passée pour diagnostiquer avec une équipe médicale pluridisciplinaire (généraliste, neurologue, neuropsychologue et orthophoniste) la maladie et l’expliquer aux familles que ce soit en milieu urbain ou rural.
En ce qui concerne les familles, il faut créer des cellules d’écoute et des outils pour atténuer leur souffrance psychologique. En effet, par le biais de kit de sensibilisation, ils auront une meilleure connaissance des actes à faire et ne pas faire vis-à-vis d’un malade au premier stade surtout, le stade où le malade commence à faire des bêtises comme un enfant et demande beaucoup d’énergie. Je finirai en disant qu’il faut développer l’aide à domicile comme le fait très bien la France pour les seniors dépendants. Cela soulage beaucoup les familles. Les maisons pour personnes âgées au Maroc ne peuvent se convertir en maison de retraite médicalisée à moins d’avoir les ressources et les compétences pour le faire.