Gouvernement : vers un remaniement
La crise créée par la position du Conseil national de l’Istiqlal trouvera sa solution dans un remaniement qui répondra aux revendications de Chabat.
L
a coalition gouvernementale affiche ses divisions. Hamid Chabat a fait adopter par le Parlement de son parti une résolution appelant au retrait du gouvernement. L’intervention Royale, par le biais d’une communication téléphonique avec le nouveau secrétaire général du plus vieux parti du Maroc, ne porte pas sur le fond pour le moment comme le laisse entendre le communiqué de la MAP.
La presse se fait l’écho des petites phrases et certaines sont fort compromettantes. Passons sur les noms d’oiseaux, mais quand un chef de parti, membre de la majorité, accuse le gouvernement de recevoir des instructions de l’étranger, de respecter un agenda dicté par des puissances étrangères, nous sommes dans une autre dimension.
Les différends PJD-Istiqlal sont nés dès l’élection de Hamid Chabat à la tête du PI. Il est dans son droit quand il réclame le contrôle de ses ministres. Dans un gouvernement politique, les ministres sont nommés par un parti, dont ils doivent refléter la politique par leur action, et non pas à titre personnel.
Ces différends concernent maintenant les choix de politiques publiques. L’exécutif est face à une crise budgétaire, l’économie à un ralentissement. L’Istiqlal, par le biais de ses économistes plaide pour une batterie de mesures censées réaliser des économies tout en relançant la consommation en protégeant les couches moyennes. Le PJD préfère surtaxer ces mêmes couches. C’est un différend objectif, qui peut enrichir le débat démocratique. Les polémiques sur les petites phrases, l’appauvrissent au contraire.
Les scénarios fous
Maintenant que le coup est parti, que le comité exécutif du parti de l’Istiqlal a reçu mandat pour organiser la sortie du gouvernement, que va-t-il se passer ? La Constitution laisse la porte ouverte à tous les cas de figure. L’Istiqlal peut quitter le gouvernement sans que celui-ci ne tombe, soit en trouvant un autre allié, le RNI par exemple, soit parce que l’Istiqlal continuerait à le soutenir au Parlement. Chabat a évoqué cette possibilité, mais elle fragiliserait le Chef du gouvernement.
L’option élections anticipées est prévue par la Constitution. Elle peut d’ailleurs émaner du chef de l’exécutif, dans des conditions et des formes précises. Ces scénarios ne répondent pas au contexte politique national. Le PJD, bien que non majoritaire, est arrivé en tête d’élections, elles-mêmes organisées après l’adoption d’une nouvelle Constitution. C’est la première alternance par les urnes de l’histoire du Maroc. La consolidation des institutions fait de la continuité de l’expérience un impératif. En dehors de toute considération politicienne, l’intérêt national nécessite que la législature aille à son terme normal.
En dehors des déclarations publiques des uns et des autres, cette conviction est partagée par l’ensemble de la classe politique parce qu’elle relève du simple bon sens. C’est cela qui permet de dire que l’on se dirige plutôt vers un remaniement que vers les scénarios décrits plus haut.
Un remaniement qui répondrait en partie aux exigences de Chabat. La nature des départements dévolus à l’Istiqlal, le ministère de l’Equipement en particulier, feront l’objet d’âpres négociations. Les noms des ministres proposés, et c’est normal, sont de la responsabilité de Chabat. El Ouafa par exemple, devrait être logiquement sacrifié.
Cela va-t-il résoudre le problème définitivement ? C’est très difficile à dire, parce qu’il y a une dimension passionnelle dans les relations entre Benkirane et Chabat. Mais il est évident qu’il faut renégocier le contrat de l’alliance majoritaire, sur le fond celui des politiques à mettre en place et sur la solidarité gouvernementale. La cohésion minimale est à ce prix et elle est nécessaire pour assurer le fonctionnement normal de l’exécutif.
L’image de la division est coûteuse. Jusqu’ici, aucune réforme n’a été proposée. Les élections municipales sont renvoyées aux calendes grecques, maintenant la Deuxième Chambre dans l’illégalité. Les lois organiques pour la mise en place des institutions prévues par le Parlement n’ont pas entamé le processus législatif. Cette lenteur au démarrage, dans un contexte économique difficile, est dommageable pour la démocratie. Il renvoie aux électeurs un mauvais signal et n’incite pas à la confiance des investisseurs.
Si le clash actuel permet de ressouder la majorité et d’accélérer l’action de l’exécutif il aura été bénéfique. Sinon, il faut accepter les règles du jeu démocratique, où aucune coalition n’est éternelle.