Grève générale : coups de semonce pour Benkirane
Les syndicats fourbissent leurs armes et ont procédé à une première réunion pour préparer une grève générale dans les semaines qui suivent. Poussés à la réaction par l’attitude du Chef du gouvernement, le bras de fer semble engagé et inévitable.
Benkirane l’a voulu, il l’aura finalement obtenu. Galvanisés par le gel du dialogue social depuis l’entrée en fonction du premier gouvernement Benkirane, les quatre syndicats les plus importants du Maroc ont signé l’union sacrée pour se lancer dans un bras de fer avec le Premier ministre. Abdelilah Benkirane aura réussi à unir les syndicats de gauche qui sont passés outre leurs rivalités et dissensions pour s’unir contre un ennemi commun: lui-même. Après une réunion préparatoire que le secrétaire général de l’UMT Miloudi Mokharik qualifie de “moment historique d’union des antennes syndicales du Maroc”, les syndicats comptent passer à la vitesse supérieure avec une manifestation, avant de passer à un mouvement de grève générale. Le pire est à attendre, puisque les premiers secteurs qui entreront en grève sont ceux de la justice, de la santé et de l’enseignement. Interrogés par nos soins, des militants des syndicats présents lors de la réunion préparatoire de ce mercredi 29 janvier de l’UMT, la CDT et de la FDT -qui à eux seuls représentent 40% des salariés syndiqués, estiment cela comme : “un nouveau G8, qui à l’instar de la formation politique éponyme qui faisait front contre le PJD lors des dernières élections, fera front contre lui dans la rue.” Ce “nouveau G8” comme le qualifient les militants syndicalistes se compose quant à lui de quatre partis politiques et de quatre syndicats. Dans un sens, c’est comme si l’opposition sortait de l’enceinte du Parlement pour porter son action contre le parti au pouvoir dans la rue. Autre surprise, le syndicat proche du PJD, le Syndicat National des Travailleurs Marocains (UNTM) a également suivi la réunion, et se prête de ce fait à un jeu dangereux. Il est composé de militants syndiqués dont les intérêts ne sont plus représentés par leur syndicat depuis que celui-ci s’est mis à faire de la politique et non plus du syndicalisme. “Ils parlent la langue de bois et défendent les positions du gouvernement ”, tempêtent les militants des autres syndicats présents lors de cette conférence pour présenter les résolutions de leur réunion préparatoire. Là encore, on en arrive à se demander si l’UNTM ne serait pas pris entre Charybde et Scylla, à savoir entre devoir faire le choix entre leurs responsabilités envers leurs adhérents et leur loyauté au chef du parti dont ils se réclament. Le dilemme est d’autant plus cruel que les antennes syndicales n’ont pas réellement de marge de manoeuvre puisqu’elles sont pressées de toutes parts.
Bagarre en vue, au détriment de tous
Les pressions venues de la base sont quant à elles justifiées. D’une part, Abdelilah Benkirane a refusé de poursuivre le dialogue social initié par les gouvernements Abbas El Fassi. Depuis, le premier Ministre a “augmenté les prix des denrées alimentaires de base, du carburant et du fuel sans revoir à la hausse les salaires”, développe Mokharik. Les responsables syndicaux de la FDT et de la CDT avancent leur devoir de défendre les intérêts des travailleurs et de la classe laborieuse. “Il s’agit de défendre la dignité des travailleurs”, pointe Abderrahmane Azzouzi SG de la FDT. Cependant, pour d’autres observateurs de la place, c’est avant tout une question d’attitude. Benkirane a pris les syndicats de haut et ne leur a pas laissé de latitude pour faire face au mécontentement grandissant de leurs adhérents. Acculés par ce que certains perçoivent comme des attaques frontales, voire une “atteinte au droit constitutionnel de grève ”, comme avance Noubir Amaoui, SG de la CDT. Le projet de loi encadrant le droit de grève, ferait encourir des peines privatives de libertés pour motif de grèves. Autre motif de tension, la stagnation des salaires dans la fonction publique. Les salariés du privé s’attendaient à des hausses de salaire promises lors de la campagne du PJD, quand Benkirane parlait d’un SMIG à 3000 DH. Ce qui s’est avéré impossible à réaliser. Depuis, il a mené le projet de décompensation du gasoil, et veut revoir à la hausse aussi bien le montant des cotisations de retraite, que l’âge de départ à la retraite. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, dit l’adage. Mais dans cette conjoncture, on est en droit d’affirmer que Benkirane a enchaîné une succession de déclarations de guerre qui ne pouvaient que déboucher sur la situation actuelle. A savoir, un bras de fer avec les centrales syndicales et des tensions sociales. Ce que le Maroc ne peut se permettre. Une dépréciation de l’image du pays à l’international est à craindre. Les caméras sont braquées sur la région, et il faut dire que tout débordement ne pourrait qu’être rapporté, magnifié, et, au final, ne ferait que jouer en défaveur de l’image du pays à l’international. L’Art de la Guerre avait une formule intéressante à ce sujet: lorsque le combat est impossible à remporter, refusez-le.