Immobilier: l’argus du fisc ne résout pas tout
S’il est vrai que la pratique du noir cause beaucoup de préjudices au fisc qui doit redresser les contribuables, certains ont été taxés à tort. Le nouvel argus des prix élaboré par l’administration Fiscale résout le problème des promoteurs immobiliers, mais certains devront payer, même s’ils n’ont jamais fraudé. Un recours est toutefois possible. PAR MAR BASSINE NDIAYE
Quels sont les contribuables qui réalisent une transaction immobilière et qui ne font pas l’objet de redressement ? Pratiquement tous ceux qui, particuliers ou professionnels, vendent un bien immobilier, sont exposés à la contestation du prix par le service des impôts.
Redressé à tort
Cet ex-propriétaire d’un appartement en a fait les frais. Au titre de l’impôt sur le revenu, il a été redressé de 90.516 dirhams pour un appartement vendu en mai 2008. Sachant que l’impôt est au taux de 20%, le fisc lui reproche d’avoir minoré son prix de 453.000 dirhams. «Dans une transaction remontant à 2008, J’ai cédé un appartement au quartier Bourgogne de Casablanca au prix de 7850 dirhams/m2 seulement», raconte S.F., un contribuable qui avait alors acquis son appartement depuis moins de huit ans. La précision est de taille puisqu’à cette époque, il est vrai que les prix moyens dans sa zone dépassaient largement les 11.000 dirhams/m2. De plus, étant donné qu’il occupait l’appartement depuis moins de huit ans comme habitation principale, il ne bénéficiait pas de l’exonération totale prévue dans le cadre des dispositions sur l’impôt sur le revenu. Mais, «l’appartement a été affiché à la vente depuis plus de trois mois à 10.000 DH/m2, sans trouver acheteur», précise-t-il. Il a donc vendu au premier venu qui lui a fait une offre.
L’acheteur contacté par nos soins, affirme également qu’il n’y a pas eu de majoration du prix, puisqu’à l’époque il a bénéficié d’un financement à 100% par sa banque. Il explique n’avoir rien payé au noir. Mais le fisc ne l’entend pas de cette oreille. Et le 27 décembre 2012, une dernière sommation à été adressée à S.F.. Au cas où, elle ne s’exécute pas, elle devrait payer des majorations qui peuvent rapidement atteindre 15% et 0,5% par mois de retard. Evidemment, ce particulier n’est pas le seul. D’autres comme lui sont concernés, mais également de nombreux promoteurs. Puisque, les redressements des prix de cession des biens immobiliers, sont le seul moyen dont dispose le fisc pour pallier le manque à gagner venant de la pratique du noir. Car faut-il le rappeler, si les transactions entre particuliers se font sans payer de somme hors la vue du notaire, c’est loin d’être le cas avec la plupart des ventes d’appartements neufs. Et d’ailleurs, souvent les promoteurs immobiliers payent sans rechigner.
Argus
En effet, dans l’immobilier, il y a le camp des entreprises transparentes et celui des promoteurs qui le sont moins. Le Fisc a tranché la question depuis longtemps. Ceux qui font partie de la deuxième tranche, font systématiquement l’objet de redressement. Si les bases du redressement étaient jusqu’ici peu connues, désormais le Fisc s’attelle à fixer les redressements sur une base plus cohérente, avec l’argus de l’immobilier qu’il s’apprête à mettre en place. L’argus permettra évidemment d’éviter les plaintes des opérateurs concernant le caractère arbitraire des redressements. En effet, l’argus sera établi sur «la base des prix moyens établis par zone ou quartier d’après les données les plus récentes de l’agence immobilière et de la Conservation foncière», selon Abdellatif Zaghnoun, directeur général des impôts. «Jusqu’ici, au sein de chaque direction préfectorale, il y a une brigade chargée du recoupement qui permet de donner les prix servant de référence au redressement», explique cet inspecteur des impôts au sein de la Direction des impôts des personnes physiques de Casa Anfa. Ces agents avaient comme base, les transactions les plus récentes dans la zone, mais aucun travail scientifique n’avait été fait à la base. C’est là, la plus grande différence avec le système qui sera mis en place. L’argus de Casablanca sera le premier à être mis en place à partir du premier semestre 2013. Suivront les autres régions et villes.
Recours
A coup sûr, cet argus permettra de réduire les contestations, sans toutefois les éliminer. Car, le fisc a le droit de douter du prix, mais si le contribuable apporte la preuve qu’il n’a pas fraudé, il lui est loisible de contester le redressement dont il peut faire l’objet. La loi prévoit une procédure claire. Dans le mois qui suit la notification du redressement, il est possible d’introduire un recours devant la Commission locale de taxation qui se prononce dans les soixante jours. Au cas où cette dernière ne lui donne pas raison, un pourvoi est possible devant la Commission nationale de recours fiscale. En cas de désaccord, il est toujours possible de saisir la justice via le tribunal administratif. Mais attention, il faut payer d’abord, sans quoi le cours des amendes et majorations est enclenché. ■