Intérêts moratoires : l’Etat deviendra-t-il bon payeur ?
Le décret sur la commande publique fixant les délais de paiement et les intérêts moratoires en cas de non respect de ces délais, vient d’être publié le 4 août 2016, et devra recevoir application, à compter du 1er janvier 2017. Voilà un texte tant attendu, surtout par les PME dont la santé financière dépend souvent des délais de paiement. par M. Amine
L’Etat a des prérogatives d’ordre public. C’est une «puissance régalienne» qui a parfois tendance à se régaler et à oublier ses obligations. Pourtant, l’existence, voire la survie de nombreuses entreprises dépend du délai de règlement de la commande publique. Or l’Etat, ou toute autre personne morale de droit public, est souvent connu comme étant un «mauvais payeur» ou «mauvais client». Comment comprendre le fait que l’Etat impose aux contribuables des délais de recouvrement de l’impôt, sous peine de majorations de retard, mais ne s’applique pas le même principe, quand il s’agit de débourser.
A compter du 1er janvier 2017, les délais de paiement, les conditions et les modalités d’octroi d’intérêts moratoires en cas de retard dans le paiement des sommes dues aux titulaires des commandes publiques, conclues pour le compte de l’Etat, des régions, des préfectures, des provinces et des communes et des établissements publics, à l’exclusion des marchés de l’Administration de la Défense nationale, sont fixés par le décret n° 2-16-344, du 22 juillet 2016.
Ordonnancement et paiement
Pour ce qui est des délais, l’ordonnancement et le paiement des dépenses relatives aux commandes publiques, doivent s’effectuer dans un délai maximum de 60 jours, à compter de la constatation du service fait de la prestation objet de la commande publique. Le délai d’ordonnancement est au maximum de 45 jours, à compter de la constatation après présentation des pièces justificatives par le titulaire de la commande publique. Ensuite, le visa et le règlement desdites dépenses par le comptable public, ne doivent pas dépasser un délai de 15 jours, à compter de la date de réception de l’ordonnance ou du mandat de paiement appuyé des pièces justificatives.
Si, pour des raisons imputables au bénéficiaire de la dépense, l’ordonnancement est suspendu, l’ordonnateur ou le sous ordonnateur doit motiver la décision de suspension par lettre recommandé avec accusé de réception, tout en précisant que le délai d’ordonnancement est suspendu, jusqu’à remise de la totalité des justifications demandées.
De même, le délai de visa et de règlement de 15 jours peut être suspendu en cas de non respect des dispositions relatives à la validité de la dépense prévues par la réglementation en vigueur. Le délai de 15 jours reprend à partir de la réception des ordonnances ou mandats de paiement régularisés.
L’opération de constatation du service fait d’une commande publique doit se faire dans un délai de 30 jours, à compter de la date du dépôt par le titulaire de ladite commande publique, des attachements, de la facture ou de la note d’honoraires.
Pour chaque type de commande, le décret précise la date de constatation du service fait, à prendre en considération pour compter le délai de 30 jours, selon qu’il s’agit des marchés de fournitures (date de certification de la facture), de marchés de services portant sur les prestations d’études et de maitrise d’œuvre (date du PV de validation des rapports ou documents), de contrats de prestations architecturales (date de la certification de la note d’honoraires d’architecte), de contrats ou conventions de droit commun ou de bons de commande (date de certification de la facture).
Dans tous les cas, en cas de dépassement du délai de 30 jours, la date de constatation du service fait sera le 31ème jour qui suit la date de dépôt des documents par le bénéficiaire de la dépense.
Ainsi, au total, le paiement doit intervenir dans le délai de 60 jours, et tout dépassement de ce délai devra ouvrir droit et sans formalité préalable à des intérêts moratoires, au profit du titulaire de la commande publique lorsque le retard incombe à l’administration. Ces intérêts moratoires courent à compter du jour qui suit la date d’expiration du délai de 60 jours jusqu’à la date de règlement de la dette en principal par le comptable public. Les intérêts sont calculés sur la base du montant total du principal de la somme due au titulaire de la commande publique, sur la base d’un taux déterminé à partir de la moyenne pondérée des bons du Trésor à trois mois souscrits. Ce taux est fixé par décision du Trésorier Général du Royaume, publiée dans le portail des marchés publics, selon la formule suivante:Intérêts moratoires = créance x jours x taux/365 (Avec :
Créance : montant de la créance payée en retard ;
Jours : nombre de jours de retard ;
Taux : taux d’intérêt au titre du trimestre au cours duquel les intérêts moratoires sont applicables.)
Nous sommes loin des taux de majorations appliqués aux contribuables en cas de retard de paiement d’impôt (10% et 5% le premier mois de retard et ensuite 0,5% pour chaque mois de retard).
Et qu’en est-il lorsque l’Etat tarde à rembourser les crédits TVA, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, bien que la loi ait prévu un délai légal de 3 mois. Cette « dépense » là n’est pas, pour le moment, concernée par le décret prévoyant des intérêts moratoires, applicables uniquement dans le cadre des marchés publics.