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Jouahri écœuré par l’immobilisme

Abdellatif Jouahri  s’est dit ahuri par l’inertie des gouvernements successifs sur la question des retraites. Pour lui, l’équation est difficile et les mesures seront impopulaires. Mais, d’après la Cour des comptes,  la CMR, caisse de retraite des fonctionnaires, sera déficitaire en 2014, la CNSS à partir de 2021, le RCAR, en 2042.

«Je ne comprends pas certaines tergiversations, concernant la question des retraites». C’est presque écoeuré qu’Abdellatif Jouahri s’est exprimé sur cette question. «Je suis ahuri par l’immobilisme dont font preuve ceux qui doivent prendre des décisions concernant l’avenir de millions de travailleurs», a-t-il dit. Pour lui, «l’équation des retraites n’est certes pas facile et les mesures seront certainement impopulaires». Néanmoins, il faut que les décisions permettant d’éviter un impact catastrophique dans une ou deux décennies, soient prises dès aujourd’hui. «Parce que contrairement à un domaine comme la politique’ monétaire où certaines décisions sont prises au jour le jour, en matière de retraite, il faut faire preuve d’anticipation», explique-t-il. Tout se gère dans le long terme. Et le long terme commence maintenant, sinon dans dix ou vingt ans, on ne fera que subir. 

L’inquiétude de Jouahri est d’autant justifiée que les générations qui seront concernées, sont celles qui risquent d’être touchées par un changement démographique et sociétal très défavorable. En effet, la génération actuelle de travailleurs est celle qui fait le moins d’enfants, qui vivra plus longtemps et qui sera touchée par la baisse des notions de solidarité. 

Au cours des dernières années, plusieurs rapports ont montré que devant l’inertie, le système de retraite au Maroc va droit au mur. Le dernier en date est celui de la Cour des comptes qui a été publié en juillet 2013. Et ce rapport a clairement montré que dans 20 ans, le nombre de retraités affiliés au régime de la Caisse marocaine de retraite (CMR) sera multiplié par 2,5. Alors que, du fait que les recrutements couvrent à peine les départs à la retraite, la population de cotisants restera pratiquement stable. Du coup, sans réforme, on va vers une catastrophe et ce, dès cette année, souligne le rapport. «Cette tendance à la détérioration des équilibres se vérifie également au niveau des projections financières», souligne la Cour des comptes. «Ainsi, le solde technique  du régime CMR deviendra négatif en 2013 et le solde financier sera déficitaire à partir de 2014», conclut-il. Selon eux, le déséquilibre  caractérisera l’évolution attendue des réserves qui ne vont plus croître à partir de 2014 pour devenir négatives à partir de 2021. Cela voudra dire, que dans sept ans, la caisse s’endettera pour payer les retraites. 

En conséquence, pour que ce régime puisse continuer à servir le même niveau de prestations jusqu’à l’horizon 2060, le taux de cotisation permettant l’équilibre qu’il conviendrait d’appliquer atteindrait un niveau de 52%. En d’autres termes, chaque cotisant devra donner plus de la moitié de son salaire pour que le régime puisse être viable à l’horizon 2060. C’est évidemment pas soutenable. 

La Cour des comptes a également souligné que «si aucune réforme n’est entreprise, la mise en œuvre des dispositions réglementaires pour garantir l’équilibre du régime des pensions civiles sur 10 ans devrait se traduire par un ajustement brutal des taux de cotisation qui serait également inapplicable». En effet, les projections actuarielles montrent que le taux des cotisations (salariales et patronales) devra être brutalement porté à 73% si la situation de statu quo se maintient jusqu’à 2018, date à laquelle le régime devra de par la Loi être soumis au mécanisme de la prime échelonnée.

Et la CMR n’est pas un cas isolé, puisque pour le régime complémentaire d’allocation retraite (RCAR), bien mieux loti que tout autre régime, devra également faire face à un avenir incertain, estime la Cour des comptes. Sauf qu’au lieu d’être déficitaire financièrement en 2013, les premiers déficits surviendront huit ans plus tard. Et les réserves du RCAR devraient s’épuiser à partir de 2042, et non à partir de 2014.

Pour le RCAR, en 2045, il n’y aura que 0,8 actif cotisant pour 1 retraité contre 3 actifs actuellement. 

Concernant la CNSS, les projections font également ressortir un déficit du solde technique et financier à partir de 2021. Ce qui déclenchera la ponction sur les réserves qui seront totalement épuisées en 2030. «Par ailleurs, dans un scénario de statu quo, pour faire fonctionner normalement le régime d’ici 2060, il serait nécessaire de porter le taux de cotisation de 11,89% actuellement à 16,63% durant toute la période», estime toujours la Cour des comptes. 

Devant cette situation, on se demande bien ce qu’attendent les gouvernements. Ou bien, faut-il encore qu’il y ait des instructions venues du sommet de l’Etat pour que le gouvernement prenne enfin ses responsabilités face à cette situation.

 
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