Juste pour l’équité ( par Jamal Berraoui )
Comme d’habitude le discours du Trône a été l’occasion d’un large tour d’horizon sur les questions nationales. Cette année les observateurs retiennent deux choses. D’abord le soutien au gouvernement, un démenti habile mais sanglant à tous ceux qui faisaient des analogies stupides avec ce qui se passe ailleurs. Ensuite la refiscalisation de l’Agriculture après des décennies.
Cette mesure était en l’air depuis longtemps. Feu Hassan II avait enterré l’impôt agricole dans des conditions particulières. Le Maroc subissait une période de sécheresse très dure qui a appauvri les agriculteurs, aggravé l’exode rural et mis la question de l’eau au devant de la liste des priorités. Ce contexte dantesque n’existe plus grâce à une action publique d’une certaine cohérence.
Fiscaliser l’agriculture répond à deux contraintes, l’une budgétaire, l’autre politique. L’équité est un mot d’ordre largement mobilisateur et il était choquant de voir de gros exploitants exonérés alors que le plus petit des commerçants participe à l’effort national. Certains ont même poussé le bouchon jusqu’à intégrer des activités industrielles à la ferme et considérer qu’elles bénéficient de l’exonération.
Le Maroc normalise donc la situation de l’agriculture. Tous les pays voisins en font de même depuis longtemps. Les petits agriculteurs et les moyens continueront de bénéficier de l’exonération. Le projet qui est dans les cartons prévoit un seuil minimal en termes de chiffre d’affaires de 2 millions de dirhams, ce qui exclut la majorité des exploitations.
Le rendement attendu n’est pas énorme, mais les caisses de l’Etat ne peuvent pas faire la fine bouche dans la situation actuelle. Le projet, tel que Challenge l’a présenté il y a quelques mois prévoit une grande simplification. La situation réelle des exploitants agricoles, leur organisation minimale est prise en considération. Les taux évolutifs restent très faibles par rapport aux secteurs d’activités. La bienveillance vis-à-vis de l’agriculture est maintenue. C’est un secteur vital grâce à qui le panier de la ménagère reste abordable, ce qui est un élément capital dans la stabilité du pays. Le Maroc a énormément investi dans l’irrigation au profit de régions entières. Le Plan Maroc Vert prévoit des subventions pour tous les investissements en hydraulique. Il est normal que les gros exploitants soient mis à contribution.
L’équité fiscale étant rétablie, il faut faire un effort sur les équipements de base dans le monde rural. L’électrification généralisée est en bonne voie, mais pour le reste les déficits sont désastreux. L’habitat disséminé, l’absence de villages paysans est un handicap. Mais 60 ans après l’indépendance, il est inacceptable que des régions soient encore enclavées, que le dispensaire le plus proche soit à des centaines de kilomètres. Les citoyens acceptent l’impôt quand ils sentent qu’il leurs profite, c’est une règle universelle. En augmentant la dépense publique dans le monde rural, on y contribuera. La aussi, c’est d’abord une question d’équité.