La banquière d’affaires reconvertie dans les TIC
Elle aura fait un virage à 180°. Venue du monde de la finance, cette diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris a pris le parti de s’orienter vers le conseil en stratégie, avant de prendre les fonctions de DG dans l’entreprise de services sur le web la plus emblématique de ces dernières années; Uber. Par Noréddine El Abbassi
La vie est Uber pour certains. Entre applications qu’elle installe pour son entourage ou à ses rencontres du moment, Meryem Belqziz a, jusqu’à ce jour, passé sa vie, immergée dans le monde du transport pour l’entreprise la plus emblématique du web, aux côtés de Facebook ou autres Amazone. Mais Meryem Belqziz est venue à ce métier de DG sur le tard, après un cursus des plus classiques, pour cette enfant de la «Mission».
Elle a vu le jour en 1980, à Casablanca. Aînée des trois enfants d’un banquier, Meryem grandira dans la principale métropole du pays, la ville qui abrite autant toute la modernité, que toute la «rébellion» . «Mon meilleur souvenir est que je me rendais à l’école en bus, et habillée comme je le voulais. Je pouvais sortir en jupe ou en robe, sans que ça ne choque personne. De nos jours, je crois que cela est difficilement possible», se remémore-t-elle, avec un regret manifeste.
D’ailleurs, une certaine nostalgie est perceptible tout au long de son récit, pour une époque où il faisait bon vivre. La vie moderne n’était pas encore cette course permanente, sans prendre le temps pour se détendre et encore moins de se reposer.
La scolarité primaire de Meryem se déroule dans le privé, plus spécifiquement dans une école des Soeurs, tenue par des religieuses libanaises: Carmel Saint Joseph, située dans le quartier de l’Oasis. Bien entendu, il était interdit aux jeunes élèves de confession musulmane, de mettre les pieds dans la chapelle de l’école. «On la disait hantée», laisse-t-elle échapper dans un rire moqueur. Meryem poursuivra ensuite ses études au Collège Anatole France, qui relève de la Mission, et après avoir passé l’examen d’entrée, obligatoire. «Le concours d’admission n’acceptait pas plus de 5% des candidats. Lorsqu’on était chanceux, on était affecté au Lycée Lyautey et quand on l’était moins, c’est au Collège Anatole France», précise-t-elle.
Génération «live and let live»
Les années 80 et 90 sont alors rythmées par les derniers soubresauts du rock, l’émergence du hard rock et du grunge. Les groupes à la mode étaient les Guns & Roses, Metallica et Nirvana, dont les élèves se plaisaient à arborer les couleurs, dans la cour du collège. C’était aussi une époque qu’on estimait moins violente, puisqu’au lendemain de la chute du mur de Berlin, en pleine crise économique, on ne rêvait que de Haute Finance, et de Trading, à la City de Londres, à Wallstreet à New-York ou à la Bourse de Paris. «Live and let live» était le credo, et les héros survitaminés exhibaient leurs muscles à longueur de films à grand spectacle, où l’on rasait la moitié d’une métropole au cours d’un Terminator II.
Meryem, elle, connaitra un passage différent, puisqu’elle quitte le Maroc dès l’âge de 14 ans. Son père est muté à Paris, et la famille emménage à St Cloud, dans l’Ouest de la capitale. Une banlieue de riches, et où les maghrébins n’avaient pas forcément droit de cité: « Pour mes camarades, j’étais une extraterrestre. Sans forcément plaisanter, certains me demandaient, si au Maroc, j’allais à l’école en chameau… Quant aux enseignants, leur appréhension était que je ne sois pas au niveau. Il s’est trouvé que j’étais plutôt parmi les meilleurs»,se rappelle Meryem. Elle poursuit donc un cycle normal, dans la République de François Mitterrand, et juste avant l’arrivée de Jacques Chirac au pouvoir, et au moment de la victoire des bleus, quand la foule scande «Zidane président». C’était avant 2001, et le chaos dans lequel le monde a sombré… Meryem coule des jours heureux, et peut s’adonner à tous les loisirs de son âge, dans un environnement propice. La lecture est un autre plaisir à portée de main et elle dévore des ouvrages de philosophie. Elle découvre sa passion, le théâtre, passion qui l’accompagnera pendant des années.
Décollage réussi
Meryem décroche son Bac S en 1998 et prépare les concours aux grandes écoles de commerce, sans quitter sa résidence à St Cloud. Au bout de deux années de travail acharné, elle intègre l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP). L’occasion, lors de sa scolarité de passer une année à Londres, en stage à la Banque Société Générale où elle se familiarisera avec la Finance. Lorsqu’elle termine ses études, c’est dans cette même entreprise qu’elle débute, dans le département du Financement de l’Aéronautique. Mais rapidement, Meryem réalise que c’est un domaine très spécialisé, qu’il sera difficile d’intégrer une fois rentrée au Maroc. Elle s’oriente donc vers la gestion des Grands Comptes dans une banque japonaise, Sumitomo Mitsui. A cette position, son rôle est à la fois technique et relationnel, et elle gère la relation avec les constructeurs automobiles et les fournisseurs d’énergie. Lorsqu’arrive la crise des «Subprimes» en 2008, elle décide d’élargir ses compétences et de changer d’orientation. Meryem prépare un MBA à la prestigieuse INSEAD. Entre Singapour et Fontainebleau, Meryem étudie et néanmoins, postule à des emplois au Maroc. Ce sera au cabinet de «conseil en stratégie» BCG qu’elle fera ses premières armes.
Nous sommes en 2012, lorsqu’elle rentre au Maroc. Elle reste dans le groupe deux années durant, avant de prendre la tête d’une entreprise agro industrielle. «C’était une nouvelle opportunité. Cela m’a permis de découvrir le Maroc profond et d’approcher le secteur de la Production Industrielle, avec de belles opportunités. Mais dès 2013, Uber commence à s’intéresser au Maroc, même si, à cette période là, le marché n’est pas encore mûr. Ce qui n’empêche pas la nouvelle Entité d’entamer des discussions, pour son établissement dans le pays», explique Meryem. Le déclic intervient en 2014, lorsque l’environnement légal change. L’entreprise commence alors son implantation, et en mai 2015, tout naturellement, Meryem Belqziz est bombardée General Manager. «Dans un sens, on est tout le temps dedans. Lorsqu’on apprend que je travaille sur Uber, on me demande d’installer l’application sur les téléphones mobiles, ou d’autres renseignements. Au final, c’est un 24 / 7 job», conclut-elle. Et à raison.
BIO EXPRESS
1980: naissance à Casablanca
1998: Bac S à St Cloud
2004: Diplôme de l’ESCP de Paris entrée à la Société Générale
2007: intègre Sumitomo Mitsui 2009: MBA à l’INSEAD entre Paris et Shanghai
2012: intègre le cabinet Boston Consulting Group
2014: DG de NOVENA
2015: General Manager de Uber