La concurrence se corse
Ils sont de plus en plus nombreux à choisir le Maroc pour s’implanter.
En effet, les laboratoires étrangers de renom ont jeté leur dévolu sur le Maroc et nourrissent de grandes ambitions pour le marché local. Le groupe égyptien Chemipharm a, par exemple, mis en marche son usine de Bouskoura en décembre. Cette nouvelle unité industrielle, dont la construction a duré plus de trois ans, vient renforcer la présence du groupe égyptien dans le Royaume. Avec un investissement de plus 100 millions de DH, Kemipharm, filiale marocaine du groupe, entend élargir ses horizons. Pour le moment, l’entreprise se concentre sur la fabrication des médicaments génériques, un segment porteur sur lequel se positionnent déjà des laboratoires comme Cooper Pharma ou encore Afric Maphar. Et Chemipharm n’est pas le seul. Le saoudien Spimaco (Saudi Pharmaceutical Industries and Medical Appliances) est aussi dans une stratégie de renforcement de sa présence dans le royaume. Spimaco Maroc a, en effet, inauguré une nouvelle unité de plus grande envergure dans la zone industrielle de Berrechid qui devra atteindre sa vitesse de croisière dès 2020. Implantée sur un site de 15670 m², cette unité s’occupera dans un premier temps de fabriquer des formes orales sèches, avec possibilité d’extension pour la fabrication d’autres formes pharmaceutiques à haute valeur ajoutée technologique. L’investissement global est de 400 millions de DH. Des investissements que les industriels locaux suivent de près. « C’est vrai que cela va corser un peu plus la concurrence sur le marché local», analyse un haut cadre du secteur.
Importations massives
Ces investisseurs choisissent le Maroc parce que notre pays est devenu un hub pour l’Afrique. Le Maroc, dont la qualité est reconnue, leur permet d’accéder à d’autres marchés notamment en Afrique subsaharienne. Donc, oui la concurrence sur le marché local va se renforcer mais dans le même temps, la croissance est à l’export et les différents présents sur le marché misent beaucoup sur cela », poursuit-il. Toutefois, force est de souligner que le cadre réglementaire et légal ne favorise pas la production locale. Une situation qui encourage les importations massives de médicaments. « Obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) à l’importation est plus simple qu’obtenir une AMM à la fabrication. Ce qui est contraire aux orientations du pays. C’est pour cela que nous, à notre niveau, nous encourageons tous les investisseurs qui veulent investir pour fabriquer localement et créer des emplois. Il va falloir verrouiller davantage les importations, si l’Etat souhaite vraiment encourager la production locale», fait remarquer l’AMIP (Association marocaine de l’industrie pharmaceutique). Selon l’association, le taux de production locale qui était, il y a encore quelques années, à 70% a baissé à 55% aujourd’hui. Soulignons que le marché local représente à peu près 14 milliards de DH pour près d’une cinquantaine de laboratoires installés. Hormis le marché public qui continue à drainer du flux, le marché privé, quant à lui, ne décolle pas vraiment. Selon les chiffres d’IMS Health, (cabinet d’études spécialisé dans la santé) , les ventes de médicaments sur le segment privé ont enregistré un léger redressement à fin 2017, soit 4,5% en valeur et 2,5% en unités. Rappelons qu’en 2015, le chiffre d’affaires du marché privé a atteint 8,91 milliards de DH contre 8,82 milliards de DH en 2014.
2 questions à Layla Sentissi, directrice exécutive de l’AMIP
Quelles sont les priorités pour 2018 ?
L’accent va être mis sur la fabrication locale. C’est un point important sur lequel nous revenons à chaque réunion et à chaque assemblée générale, parce que nous estimons qu’il y va de la sécurité sanitaire du Maroc, de l’industrialisation du pays, de l’expertise de nos cadres, etc. Nous allons sensibiliser nos autorités de tutelle et l’opinion publique sur les dérives des importations massives sur la santé du citoyen. Il ne faut pas continuer de laisser prospérer les importations de molécules qui sont fabriquées et fabricables au Maroc, sachant que nos autorités ne se déplacent pas pour aller réaliser des inspections des sites dans lesquels sont fabriqués ces médicaments. Nous allons rencontrer le nouveau ministre de la Santé. Il y a aussi un problème lié à la réglementation qui ne permet pas aux investisseurs locaux de rentabiliser leurs investissements. Ce qui pourrait pousser nos investisseurs à devenir de simples importateurs.
Quel regard jetez-vous sur l’évolution du secteur sur les trois dernières années ?
Le constat n’est pas très optimiste. Sur les trois dernières années, le marché n’a pas évolué. Il y a une stagnation du marché privé, mais le marché public a connu une amélioration tirée par les appels d’offres. Nos autorités ont pensé que la baisse du prix allait engendrer une augmentation du volume, mais malheureusement, ce n’est pas le cas. À mon avis, le problème de l’accès aux soins n’est pas lié au prix, mais plutôt à la prise en charge et la mutuelle. Il est vraiment urgent aujourd’hui d’encourager la fabrication locale.