La course budgétaire est lancée
Loi de finances 2017. La préparation du projet de Loi de finances 2017 se fait à un rythme très politisé et dans le cadre d’une course contre la montre. Les cadres des différentes directions du ministère de l’Economie et des finances sont mis à rude épreuve pour que les montages juridiques, les tableaux des charges et des ressources soient prêts, bien avant les délais que la nouvelle loi organique des finances a fixés. par Driss al Andaloussi
Les deux ministres fassis chargés du secteur de l’economie et des finances, Mohamed Boussaid et Driss Azami doivent, selon ce qui a été annoncé, enclencher une autre course qui n’est pas budgétaire, mais électorale. Ils doivent quitter, tous les deux, la capitale Rabat pour entrer en contact avec leurs équipes de campagne et commencer le travail de recherche des voix auprès des électeurs. Entre temps, les arbitrages budgétaires n’auraient qu’un impact formel. Les plafonds ont dèjà été fixés. Le gouvernement devrait continuer à travailler normalement, comme l’a déclaré le Chef du gouvernement. Il est presque irréel de croire qu’un ministre en campagne puisse gérer les affaires courantes, alors que dire du travail normal lié à la gestion des grands dossiers et à la prise de décisions. Les responsables du ministère de l’Economie et des finances le savent très bien. La notion de tandem qui a relativement bien fonctionné lorsque Nizar Baraka était ministre a cessé avec l’arrivée de Mohamed Boussaid. Le ministre délégué Azami a eu droit à un peu de temps libre et à moins de présence dans les grands dossiers.
Loi organique des finances et campagne électorale
La préparation du projet de loi de finances (PLF) est certes mieux encadrée que par le passé après l’entrée en vigueur des dispositions de la loi organique des finances. Les délais et les procédures sont plus clairs et peuvent être maitrisés. Les nouveaux principes de l’efficacité, de l’efficience et de l’évaluation vont, avec une classe politique plus engagée et mieux préparée, changer les donnes de la gestion publique à travers un suivi transparent et moins réfractaire à la reddition des comptes. Mais la vitesse de préparation du PLF 2017 n’augure pas de l’avènement d’une loi de finances qui va résister aux choix de la nouvelle équipe qui serait issue des élections du 7 octobre. L’hypothèse d’une loi de finances rectificative est plausible. Le nerf de la guerre contre les maux de nos secteurs sociaux et économiques est constitué principalement des enveloppes budgétaires. L’arrivée d’une nouvelle équipe ou la reconfiguration de l’équipe gouvernementale actuelle, sont des éléments qu’il faut tenir en compte pour le cheminement du PLF devant les instances parlementaires. La déclaration gouvernementale qui sera lue par la personnalité qui sera désignée pour former le gouvernement ne doit pas entrer en contradiction avec un projet de loi de finances préparé par l’ancien gouvernement quelques mois avant les élections. Dans tous les cas, la question budgétaire et d’autres aspects liés aux autres volets du PLF (dispositions fiscales et douanières, création de comptes spéciaux du Trésor,…) ne sont pas des questions n’ayant qu’un caractère technique. Elles sont la traduction de choix politiques et sont de ce fait, susceptibles d’être revues à la lumière de la majorité qui se dégagera des urnes le 7 octobre.
La non présentation du bilan est révélatrice
Nous avons assisté à la question de la présentation du bilan gouvernementale et aux résistances politiques qui ont fait barrage à la lecture qu’allait faire l’équipe Benkirane de son travail quinquennal. Les composantes de la majorité ont donné une lecture de l’état de leur «solidarité gouvernementale». Un bilan est aussi une arme qui sera pleinement utilisé par tous les acteurs et permettra de légitimer une vision du travail du gouvernement. Le bilan est très politique et c’est la raison pour laquelle il n’a pas fait l’objet d’un consensus gouvernemental. Alors que dire de la précipitation qui rythme la préparation du PLF 2017. Ce dernier doit décider de l’affectation des ressources et des manières de le prélever ou de les réaliser. Allons-nous augmenter la pression fiscale? Recourir à la dette ? Décider de nouvelles règles pour mieux inciter l’investissement productif ? La lettre circulaire du Chef du gouvernement dégage une volonté d’évaluer « objectivement les politiques publiques et l’actualisation constante des stratégies sectorielles et sociales ». L’essentiel est ainsi dit, il faut évaluer et actualiser objectivement. Avons-nous fait cet exercice durant les cinq dernières années ? Beaucoup d’aspects négatifs de notre gestion publique continuent de subir les effets du manque d’évaluation et c’est précisément ce manque qui nous prive d’un tableau de bord pour mesurer les distances qui nous séparent de l’émergence.
Lettre de cadrage : investissement et nouvelles règles
Les quatre priorités retenues par le Chef du gouvernement sont classiques et reviennent chaque au-devant de la liste des objectifs à atteindre. L’accélération de la transformation structurelle de notre economie, la consolidation de la compétitivité, la réhabilitation du capital humain et le renforcement des instruments de la bonne gouvernance. Et en parallèle avec ces axes stratégiques, il faut revenir à la gestion de la caisse et limiter le déficit budgétaire à 3%. Il faut en perspective, serrer la ceinture et restreindre le niveau de vie des structures étatiques. Cela se traduira d’abord au niveau de la création des postes budgétaires qui doit être limitée au strict minimum indispensable. Les déficits en postes dans les secteurs de la santé et de l’enseignement sont grands et méritent un effort particulier qui doit être en accord avec l’axe stratégique relatif au capital humain.
La lettre de cadrage nous informe qu’à partir de 2017, les règles concernant le choix des projets d’investissement seront basées sur l’évaluation et sur l’existence d’études de faisabilité qui déterminent d’une manière scientifique leur rentabilité. Cette orientation mérite d’être soulignée. C’est un aveu solennel que nos projets d’investissement n’étaient pas appuyés par des études préalables de faisabilité et de rentabilité et c’est grave…
La circulaire arrête pour la première fois, des plafonds de crédits pour les départements ministériels et ce, dans la mesure où l’objectif des 3% de déficit doit être atteint. Les ministres et les autres ordonnateurs n’auront qu’à détailler l’affectation de ces plafonds et ne point demander d’augmentation. La période électorale va renforcer donc la présence des techniciens du ministère de l’economie et des finances. Cet objectif ne dépend pas seulement des dépenses, mais aussi et d’une façon significative, des ressources et notamment celles provenant de l’impôt.