La croissance face à ses handicaps au Maroc
La croissance, est cet objectif tant recherché par les gouvernements du monde entier. La crise qui a fait son entrée dans le monde de la finance et qui est passée par la suite au monde de la production et des transactions commerciales depuis 2008, n’a que partiellement disparu des tableaux de bord ou des écrans de veille. par driss al andaloussi
Les pays comme le Maroc tentent de trouver des solutions à travers des réformes internes, mais demeurent préoccupés par la lenteur de la reprise en Europe. C’est dans ce continent que se trouve la demande traditionnelle sur le « produit Maroc » dans les secteurs de l’emploi, des produits des secteurs primaire et secondaire et dans les flux de touristes. Encore malade ou partiellement convalescent, ce continent ne peut que limiter nos espoirs en une reprise économique ayant un impact réel sur la croissance créatrice d’emplois.
Il est important de souligner, que le diagnostic du comportement de la croissance dans notre pays requiert une profondeur au niveau de l’analyse et l’utilisation de tous les instruments pour « déshabiller » notre corps économique, afin de scruter l’ensemble des maux qui le rongent. Ce travail permettrait de bien cibler les zones malades et d’orienter, en conséquence, les actions et les programmes. C’est ce problème de la croissance et de ses contraintes qui a été au centre de la rencontre ayant eu lieu le mercredi dernier, en présence du Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, du Président de la BAD et du responsable du MCC (Millenium Challenge Corporation).
Le MCC va entamer sa deuxième phase au Maroc (compact II) et veut en conséquence, orienter les fonds qui seront mobilisés vers les secteurs qui pourraient porter la croissance future. Le diagnostic était donc nécessaire pour réaliser un ciblage des contraintes et partant, mettre en place les projets à financer. La BAD a accompagné cet effort de diagnostic dont les éléments qui empêchent une croissance durable, forte et inclusive peuvent être résumés comme suit :
Un fort taux d’investissement sans réel impact
Bien qu’ayant atteint 31,7% du PIB en 2012, le taux d’investissement n’a pas donné lieu à une transformation structurelle et une croissance forte. L’industrialisation reste faible et le secteur privé peu dynamique. Les PME, bien que composante importante du tissu industriel, restent peu innovantes.
Un capital humain peu qualifié et un système éducatif faible
Les ressources qui ont été affectées à l’éducation et à l’enseignement secondaire et supérieur, n’ont pas produit les effets attendus en matière de qualité de formation répondant aux besoins de l’entreprise. Les taux et la durée de scolarisation à ces niveaux demeurent faibles en comparaison avec des pays à revenu similaire. L’investissement se trouve ainsi impacté par une absence de ressources humaines compétentes.
Un système judiciaire contraignant et ne facilitant pas les activités économiques, une règlementation rigide du travail et un système foncier difficile au niveau de l’accès.
Le système judiciaire souffre toujours de lenteur, malgré les réformes introduites. Les procédures sont lourdes et notamment, en matière d’exécution des décisions de justice et poussent généralement les entreprises marocaines ou étrangères à éviter le recours au système judiciaire. Le diagnostic met le doigt sur une des faiblesses de notre système de gouvernance. Arriver au point d’éviter le recours au tribunal, est un handicap majeur pour l’investissement et partant, un élément affaiblissant la réalisation d’une croissance forte et durable.
Le rapport de diagnostic relève la difficulté d’accès au foncier industriel et agricole et la complexité des statuts et des modes de gestion. Le problème au Maroc est certes lié à l’absence d’une vraie réserve foncière, mais il est aussi dû à l’absence d’une vision politique globale et courageuse pour affronter cette question. La rente a rongé la réserve foncière. Beaucoup de terrains affectés à des projets industriels se sont transformés en rente immobilière et ont échappé au contrôle de l’Etat. L’actuel plan de l’accélération industrielle semble aller dans le bon sens à ce niveau. Le foncier locatif et bien équipé, est une des solutions à ce problème.
Les entrepreneurs et l’impôt : un manque de lisibilité
Le diagnostic permet de lire que l’impôt au Maroc n’est pas plus contraignant qu’ailleurs et notamment, dans les pays qui sont au même niveau de développement que le nôtre. Les efforts en matière de chantiers de réformes pour une meilleure équité fiscale et une simplification des procédures sont réels. Les entrepreneurs considèrent, malgré tout, que l’impôt est une charge qui reste lourde
Faiblesse de la sophistication des exportations marocaines
Cette faiblesse a une relation directe avec le manque d’innovation et ce, malgré les politiques menées par l’Etat. Les résultats de la transformation structurelle demeurent faibles par rapport aux pays comparables au Maroc. Le diagnostic pointe le manque de coordination entre les ministères et les entreprises et établissements publics comme un élément négatif et même entre le public et le privé.
Les zones rurales et enclavées : un handicap
Il n’est plus à démontrer que le monde rural reste en marge des programmes de développement. Les infrastructures de toutes sortes manquent et font reculer les acquis du passé. Le rapport sur les handicaps à la croissance insiste sur la nécessité d’améliorer l’accès aux équipements et services sociaux et sur une meilleure gestion des ressources rares, comme l’eau.
Les axes du MCC pour 2016-2021
Partant de ce diagnostic et après concertation avec le gouvernement, les aides américaines qui seront affectées au Maroc dans le cadre du MCC (Compact II) viseront deux grands programmes, à savoir : «l’amélioration de la qualité du capital humain» et «l’amélioration de la gouvernance et de la productivité du foncier». Un long travail de débat et de concertation attend ce rapport.