Agro-industrie : « La demande en produits élaborés est très faible »
Problèmes de compétitivité des produits transformés par rapport aux produits frais et aux importations moins chères.
Challenge. Le secteur de l’agroalimentaire connaît-il une certaine restructuration ?
Nathalie Barbe. On assiste, partout dans le monde, à des mouvements de concentration. La FENAGRI ne dispose pas d’éléments chiffrés permettant d’affirmer qu’au Maroc la tendance est plus marquée dans le secteur agroalimentaire.
C. Qu’est-ce qui pose encore problème aujourd’hui dans le secteur ?
N.B. Il est question de la disponibilité des matières premières et des emballages à des prix compétitifs, l’insuffisance d’innovation des produits marocains, la concurrence entre produits frais et produits transformés, le transport logistique adapté aux besoins spécifiques de notre secteur … Le taux de TVA appliqué aux produits de première nécessité que sont les produits alimentaires pose également un problème. Un secteur est compétitif s’il sature en premier lieu son marché national. Or, compte tenu du pouvoir d’achat et du différentiel de prix entre produits agricoles frais et produits transformés, la demande en produits plus élaborés, plus chers est très faible. La Fenagri s’est fortement engagée ces derniers mois pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur ce point et que le débat puisse avoir lieu.
C. Et qu’en est-il de l’impact des accords de libre-échange ?
N.B. Depuis le milieu des années 2000, donc récemment, le Maroc a signé des accords de libre-échange avec plus de 55 pays. Les conséquences sont visibles sur le tissu industriel agroalimentaire marocain : les importations augmentent et les exportations sont stables ou diminuent dans certains secteurs du fait de nouveaux entrants. L’industrie agroalimentaire marocaine était-elle suffisamment compétitive pour lutter à armes égales avec ses concurrents internationaux ? Comment s’explique cette perte de compétitivité ? Ce sont des questions clés pour la FENAGRI !
C. Pourquoi les industriels ne se sont-ils alors pas préparés?
N.B. Nous ne pouvons pas dire que les industriels ne se sont pas préparés. La Fenagri alerte sur la tendance à la baisse et allume les warnings. Il ne faudrait pas que des pans entiers de notre industrie disparaissent dans ce contexte.
C. Que faudrait-il pour éviter cette situation ?
N.B. Sous l’égide de la CGEM, nous avons créé une task force qui réunit tous les secteurs d’activité de l’industrie agroalimentaire marocaine. Nous menons des réflexions par thème transversal. La task force a convaincu les ministères de l’Industrie et de l’agriculture de la nécessité d’un contrat-programme pour ce secteur industriel stratégique pour le pays.
C. Où en sont les discussions ?
N.B. Les deux ministères sont maintenant convaincus. Un appel d’offres devrait être prochainement lancé pour choisir un cabinet qui se chargera de son élaboration.
C. Est-ce à dire que les professionnels, d’ici à la signature du contrat-programme, gèleront leurs investissements ?
N.B. Les opérateurs n’attendront pas la concrétisation de ce projet. Mais une chose est certaine, ce contrat-programme donnera plus de visibilité à tout le monde.