La désinformation ( Par Jamal Berraoui )
Il est quasiment impossible de s’informer correctement sur ce qui se passe en Egypte. Les médias égyptiens, acquis au nouveau pouvoir, ont la propagande la plus honteuse. El Haram pourtant véritable institution, qui a survécu à tous les changements, a publié en Une sous le titre « les Frères ont incendié l’Egypte ». Les chaines de télévision semblent à la même logique. El Arabia, Al Jazeera, répercutent les positions de l’Arabie Saoudite et du Qatar. Les images, les commentaires, sont choisis avec soin, pour soutenir l’une des deux fractions en présence, forcément « représentative » de la volonté du peuple puisque c’est en son nom que tout le monde parle.
Les Frères musulmans sont-ils armés ? Oui selon les pro-Sissi, non selon les pro-Morsi. Les images sont « truquées » affirment les uns et les autres. Pourtant, il faut être débile, connaissant l’histoire de la mouvance islamique en particulier et des mouvements dissidents en général, pour ne pas comprendre que dans le contexte actuel une partie opte pour la violence. Aux yeux des plus résolus des Frères musulmans, la violence et le recours aux armes, soient légitimés par les morts, n’étonnera aucune personne sensée. Ce que l’on attend des médias, c’est de définir à quel niveau de la hiérarchie ce choix est évoqué, l’importance actuelle des éléments armés….
L’attitude qui consiste toujours à faire aux directions islamistes le procès du double langage et à leur faire assumer la responsabilité d’éléments qui sont peut être isolés est une posture idéologique. Il devrait être banni du journalisme. « The facts » (les faits) disait Pollitzer. Impossible de les appréhender quand ils sont emballés dans un pactage peu fiable tellement ils font la propagande.
Au Maroc, la presse écrite agit de la même manière. Chacun puise ses informations chez la source proche de son choix. Car, ce qu’on pouvait redouter est arrivé, nous avons importé la division. La violence des échanges sur Internet fait frémir. Une journaliste membre du bureau politique de l’USFP s’est fait lyncher parce qu’elle a osé écrire qu’il s’agit d’un coup d’état et qu’elle soutient ce qu’elle considère la légalité démocratique. L’auteur de ses lignes n’est pas épargné, la phrase « je suis avec les frères musulmans contre l’armée » sortie de son contexte pour des accusations tel le « renégat » (à quoi) ou « pire vendu » (à qui). L’Egypte se dirige vers la guerre civile. Décapitée par les arrestations, une partie des islamistes choisira le recours aux armes ou au terrorisme.
Le scénario algérien sera dépassé en horreur parce que les islamistes égyptiens sont mieux organisés que le FIS algérien et qu’ils jouissent d’un soutien plus grand. A moins d’un retournement de situation extraordinaire, c’est vers quoi se dirige l’Egypte. Coup d’état ou révolution, ce débat n’a plus de raison d’être devant ces conséquences.