La dette : financement et politique
Le Maroc a repris ces dernières années la voie de l’extérieur pour financer son déficit budgétaire et les programmes d’investissement de ses entreprises publiques dans les secteurs du transport et des infrastructures. par Driss al Andaloussi
Après des années de flux issues du marché financier intérieur, l’endettement extérieur est revenu avec force dans la structure de la dette publique marocaine. Sur une dette publique globale d’environ 800 milliards de DH, la composante extérieure représente environ 37,5 %. En cinq ans le volume de cette dernière a augmenté d’environ 260 milliards de DH. Elle se retrouvera, de ce fait, au cœur de la campagne électorale qui aura lieu dans quelques mois.
La dette est une arme à double tranchant
La dette fait partie de sujets qui se retrouvent au cœur de la politique. Elle est présentée comme étant un moyen de financement du déficit du Trésor public et de celui des entreprises publiques, mais les lectures auxquelles elle donne lieu, sont souvent contradictoires et subissent les effets des équilibres et du jeu politique. Au pouvoir, le décideur politique chante la crédibilité du programme gouvernemental et la confiance dont il jouit auprès du marché, pour justifier le recours à l’endettement. De l’autre côté du tableau, les opposants lisent l’augmentation du chiffre de la dette comme un élément qui impacte l’avenir du pays et des générations futures. Entre les deux lectures, il y a une réalité qui fait de l’acte de recourir à l’épargne intérieure ou extérieure un élément indispensable pour la continuité de l’action publique et pour la création des conditions qui animent la croissance.
Les quelques mois qui restent avant la formation de la prochaine majorité vont mettre la dette parmi les thèmes qui seront débattus par les différents partis politiques. Des questions vont être posées sur l’augmentation de son volume, du pourquoi du recours à des dettes qui vont hypothéquer l’utilisation des ressources dans les années ultérieures , sur l’impact de l’endettement sur le niveau de la croissance et sur la résorption du chômage….. et toutes ces questions ne seraient pas totalement neutres. La nature du « combat politique » ne considèrerait pas les ressources issues des financements extérieurs comme étant porteurs de possibilités de renforcement des infrastructures et partant, de moyen de faciliter l’investissement productif de la croissance.
La dette extérieure a augmenté durant les cinq dernières années
Au cours des cinq dernières années, notre pays a eu recours à l’endettement à un rythme qu’on peut qualifier d’important et surtout au niveau de sa composante extérieure . Celle-ci est passée au niveau de sa composante publique de 189 milliards de DH en 2011 à plus de 300 milliards de DH au terme du 3e trimestre 2015.
Cette évolution résulte d’un recours du Trésor à des financements extérieurs qui ont donné lieu à une augmentation de plus de 40 milliards de DH du volume et d’une augmentation de la dette de certaines entreprises publiques garanties par l’État, qui est passée de 105 milliards de DH en 2011 à 177 milliards de DH en 2015( 3e trimestre). Les statistiques de la direction du Trésor et des Finances extérieures nous présentent une autre lecture plus complète de la dette extérieure en intégrant la notion de dette brute extérieure qui a atteint 435 milliards de DH . Ce grand montant ,qui représente environ 40 % de notre PIB, est composé en plus de la dette extérieure du Trésor, de la dette garantie, de la dette du secteur privé non garantie par l’État et des investissements directs. Notre pays doit donc faire face à des pressions sur sa balance des paiements pour différentes échéances en principal , en intérêts et en rapatriements des bénéfices et des capitaux issus des IDE. Cette situation qui bénéficie actuellement de « la concessionnalité» des coûts en taux d’intérêts et en commissions, pourrait subir les effets de l’évolution des cours des devises qui constituent le panier de notre endettement extérieur. En cinq ans, notre dette publique extérieure a donc augmenté d’environ 200 milliards et les charges liées à son remboursement sont passées d’environ de 17 milliards de DH à près de 24,7 milliards de DH. Les projections établies pour les six prochaines années ne prévoient pas de bouleversements au niveau des charges et les limitent à des niveaux évoluant d’une façon erratique oscillant entre 25 milliards de DH en 2016 et 33,4 milliards de DH. C’est rassurant ,mais les hypothèses ne résistent pas toujours aux imprévisions et notamment, au niveau des marchés financiers internationaux.
La dette intérieure reste une composante essentielle
Si la tendance actuelle est le retour à une augmentation de la dette extérieure dans la structure globale de notre endettement, la dette intérieure reste une composante essentielle du financement du Trésor. L’épargne intérieure et surtout celle provenant des institutions, préfère le Bon du Trésor aux autres produits disponibles sur le marché.
Les données du Trésor nous font remarquer que le montant de la dette intérieure est passé de 331,3 milliards de DH en 2011 à environ 480, 7 milliards de DH au terme du 3e trimestre 2015, soit une augmentation en volume de 149,4 milliards de DH . Cette dette a connu ces dernières années une restructuration qui a eu un impact positif sur ses maturités, le court terme représente moins de 1%. La question souvent posée au sujet de l’effet d’éjection du secteur privé du marché ne revêt plus une acuité particulière. Les offres de financements ne souffrent pas actuellement d’un manque d’accès aux ressources. Les entreprises publiques ont pu augmenter leur part sur le marché de la dette intérieure via la garantie de l’État, en passant de 15,4 milliards de DH en 2011 à 21,7 milliards de DH.
L’endettement de nos entreprises dans les secteurs des autoroutes, du transport ferroviaire et des équipements portuaires et aéroportuaires explique l’augmentation de la dette garantie, aussi bien au niveau de sa composante intérieure, qu’extérieure.