La guerre des routes est aussi une guerre économique coûteuse
Les accidents de la route coûtent presque 25 milliards de DH annuellement à l’économie nationale. Les compagnies d’assurances ont déboursé plus de 4 milliards d’indemnisations au titre des accidents de la route en 2013. La route est un lieu où le crime « désorganisé » se pratique au quotidien.
par Driss al Andaloussi
Les facteurs d’incubation des tentations « criminelles » sur la route sont nombreux et le facteur humain reste prépondérant dans l’acte « non intentionnel » de donner la mort à des innocents. Avant d’aller chercher les causes de cette situation dans l’état de nos routes, cherchons-les dans l’état de nos mentalités. Rouler plus vite, appuyer sur l’accélérateur sans disposer de la pleine maitrise des capacités mentales pour raisons de fatigue, d’absorption d’alcool ou de médicaments ou même en disposant de nos pleines capacités, est un phénomène qui doit être réprimé avant qu’il ne se transforme en catastrophe pour tout le monde. L’OMS constate que seule une minorité de pays dans le monde, a les instruments institutionnels pour lutter contre la guerre des routes. Au Maroc, nous avons tous les moyens de lutte et nous les utilisons peu…Le statut social des contrevenants est « généralement » déterminant dans le traitement des dossiers. Les routes nationales ou secondaires qui se situent loin des grandes villes ne sont pas surveillées et constituent, de ce fait, des lieux de course pour atteindre l’irrémédiable.
C’est une guerre non conventionnelle
Les pertes humaines dans une guerre sont toujours les plus douloureuses. Lorsqu’un soldat part pour défendre son pays, il est pleinement conscient qu’il offre sa vie pour défendre les intérêts de son pays. Et pourtant, aucune perte humaine ne peut être facilement comptabilisée, même dans les guerres les plus conventionnelles, sans laisser de traces indélébiles dans les mémoires et dans les structures familiales. Les enfants des soldats sont des pupilles de la nation et continuent de porter tous les symboles qui font d’eux les fils de ceux qui ont choisi d’offrir leur vie, pour que les autres citoyens vivent dans la dignité. Chez nous, ceux qui meurent sur nos routes n’ont pas choisi de participer à une guerre au nom de la nation. La plupart d’entre eux ont subi l’irresponsabilité d’un autre. Cet autre peut être un chauffard, un technicien de suivi d’une route qu’il n’a pas bien contrôlée, une entreprise qui n’a pas construit une route ou un pont selon les règles de l’art, un agent de contrôle technique des véhicules qui n’a pas fait son travail, un agent de sécurité qui a fermé les yeux sur les atteintes au code de la route et au final, une société qui accepte les interventions pour que la loi ne s’applique que dans le cas où le fautif ne peut être couvert par un réseau relationnel.
Un accident est une perte pour l’économie
Un accident de la route est un acte économique, en plus du fait qu’il a des portées sociales, psychologiques et politiques. Les accidents coûtent des points en matière de croissance. Toutes les pertes ont un coût. La première d’entre elles, est la plus importante, il s’agit de la vie d’un être humain. Un mort ou un handicapé est un manque à gagner pour la création de la richesse nationale. Il peut être médecin, ingénieur, agriculteur, sportif, artiste ou pourrait devenir, s’il était encore en phase de formation, un contributeur à l’émancipation de son pays. Ce sont des milliards de DH de dépenses publiques et privées qui sont ainsi perdues lorsque des accidents se produisent sur nos routes. L’importation d’un camion, d’un autocar, d’un véhicule de tourisme ou de tout autre moyen de transport, se traduit toujours par le transfert de nos devises à l’étranger et leur perte nous prive de collecter les richesses que cette importation était censée produire. Lorsqu’on perd un informaticien ou un médecin spécialiste, un professeur d’histoire ou un technicien, ce sont des années d’efforts qui partent en fumée et avec elles, apparaissent des failles dans nos différents systèmes structurant notre existence à travers nos institutions. Un professeur chevronné ne peut être remplacé en un cycle de formation et une génération peut manquer un rendez-vous avec son expertise. Nous qualifions la mort de certaines personnalités à 90 ans, comme une perte pour la vie politique ou économique nationale, alors que dire lorsque la bêtise humaine emporte des Marocains à la fleur de l’âge et aux profils hautement indispensables à notre pays. Les chiffres qu’avancent les autorités marocaines situent les pertes à des seuils entre 2 et 2 ,5% du PIB, soit environ 25 milliards de DH annuellement. Les chiffres rapportés par la direction des assurances et de la prévoyance sociale dans son rapport, font ressortir un montant des indemnisations payées au titre de la catégorie d’assurance des véhicules terrestres à moteurs, au terme de l’exercice 2013 à 4,083 milliards de DH, soit 45,43% de l’ensemble des indemnisations. A ce chiffre, s’ajoute un montant de 153 millions de DH représentant des indemnités et honoraires payés par le Fonds de garantie des accidents de la circulation. Ce fonds couvre les dommages corporels causés par des véhicules non assurés. Les chiffres des pertes économiques sont en constante croissance et évoluent à un rythme annuel qui dépasse les 2%.
Un devoir citoyen : la dénonciation responsable
Les criminels de la route sévissent dans notre pays et qui, d’entre nous n’a pas été dépassé lors d’un voyage à travers nos routes, par des véhicules circulant à 200 kilomètres à l’heure. Des autocars et des grands taxis et même des camions sement la terreur sur notre réseau routier national. Il s’agit de vrais « terroristes de la route » et pourtant, nous les subissons dans le calme et dans un esprit plein de fatalisme et d’acceptation de l’outrage à notre quotidien marocain. Dans d’autres pays, les citoyens sont ceux qui optent pour la délation des actes non citoyens. Le système anglo-saxon est exemplaire dans ce domaine. En Russie, beaucoup de véhicules sont équipés de caméras et offrent des services à la police en cas d’accident. Nous pouvons équiper certains véhicules de ces caméras et sur la base d’un volontariat citoyen et utiliser les enregistrements comme base de répression des délinquants de la route. Nous avons protégé, juridiquement, les témoins dans les affaires de corruption et nous pouvons faire la même chose avec ceux qui peuvent aider les autorités compétentes à punir ceux qui causent du mal à notre pays, à nos familles et à notre économie. Nous ne pouvons encourager le tourisme sans garantir un standard acceptable en matière de sécurité sur nos routes et ne pourrons faire venir les investisseurs dans nos différentes régions, sans leur garantir un suivi de leurs projets dans la sécurité.
Soigner les accidentés de la route est une charge importante
Les urgences des hôpitaux sont beaucoup plus submergées par les victimes des accidents de la route, que par les aggravations de l’état de santé de malades qu’on pourrait qualifier de normaux. Une opération visant à sauver la vie d’un accidenté de la route pourrait mobiliser plusieurs services d’un hôpital public. L’éloignement de nos structures hospitalières d’urgence et parfois leur incapacité à faire face à des situations d’exception, augmentent les coûts de transports et finissent par priver de soins, les malades atteints d’autres pathologies.
Les chiffres de l’OMS sont alarmants et peuvent légitimement qualifier la guerre des routes comme étant non conventionnelle. Avec 1,24 million de décès par an, dont 91% surviennent dans les « pays à faible revenu » et des centaines de milliers de blessés (jusqu’à 50 millions de blessés), les routes qui devaient lier les hommes et renforcer leurs transactions et l’échange des fruits de leur intelligence, se transforment en lieu d’enterrement des hommes et des richesses. Un comportement citoyen réel commence par la dénonciation des contrevenants à la règlementation routière. Utilisons nos caméras et nos smartphones pour aider les autorités à combattre ce fléau. Nos routes ne doivent pas être un lieu où des « nantis » font étalage de la puissance de leurs véhicules super puissants et super chers. Les vieux véhicules et notamment, ceux destinés au transport collectif des hommes et des marchandises, sont souvent non contrôlés et leurs chauffeurs sont parfois traités comme des escales de la route.