La marmite fiscale en pleine ébullition
Fiscalité. Nous vivons un des moments cruciaux de l’année fiscale au sens politique du terme. Les entreprises tentent, à travers la CGEM de placer les dispositions qui peuvent alléger leurs charges et permettre une compétitivité et pourquoi pas, une meilleure rentabilité. Le gouvernement doit faire face à des charges toujours en augmentation.
par Driss al ANDALOUSSI
Les ressources budgétaires ordinaires et principalement l’impôt, ne peuvent pas permettre d’éviter le recours à l’endettement. Le service de la dette grignote chaque mois une partie de plus en plus importante des disponibilités budgétisées et son volume s’installe comme une menace par la part qu’il a atteint dans le PIB. Nous avons dépassé un ratio dette / PIB acceptable puisque nous nous acheminons vers un taux de 70 %. Les taux d’accès aux crédits à l’international sont certes abordablespour notre pays, pour le moment, mais risquent de s’envoler pour des raisons exogènes.Se réjouir, comme l’a fait le gouvernement, d’un taux de 3,5 % acquis auprès de nos partenaires extérieurs revêt un certain enthousiasme exagéré.
Nos ambitions et nos différents plans sectoriels sont de gros consommateurs de crédits et leurs impacts économiques et financiers sont encore loin de se transcrire en élargissement de l’assiette fiscale ou en rendement de monopole. Les entreprises et établissements publics sont toujours en situation de «débiteur» à l’égard de l’Etat. Les flux nets entre subventions et recettes transférés au budget sont largement négatifs et dépasseront en 2015 les seuils des années précédentes. L’ONEE et son contrat-programme sera pour quelque chose dans cette situation.
Reste l’impôt, ce mal aimé d’une majorité d’acteurs économiques. L’unanimité ou le consensus autour des recommandations des assises fiscales ne se sont pas reproduits lors des préparatifs de la loi de finances 2014. Les propositions de la CGEM pourraient coûter chères en pertes de recettes. Les taux de la TVA, la progressivité de l’IS, la révision des méthodes du contrôle fiscal et les courses contre la montre pour récupérer les droits de timbre auprès de ceux qui opèrent la majorité de leurs paiements en cash sont autant inquiétants que porteurs d’espoirs pour une revalorisation du rôle de l’impôt. Les syndicats sont aussi porteurs de messages dans ce domaine. L’impôt payé par le salarié est considéré comme un prélèvement qui exerce une ponction sur le pouvoir d’achat. La classe moyenne qui s’est exprimée lors des assises attend des mesures et notamment pour tenir compte des dépenses de scolarité dans la détermination du revenu imposable. Le concept de foyer fiscal évoqué par les participants aux assises serait une nouveauté qui pourrait introduire un ciblage social à travers l’impôt.
L’année dernière, certaines mesures fiscales sont venues ternir le moral de certaines catégories sociales et notamment de certains retraités qui se sont vu retirer une partie de leurs pensions dont ils n’ont pu jouir que pendant une année seulement. Les vendeurs de voitures de luxe ont eux aussi vécu la nouvelle imposition comme une attaque contre leur secteur. L’impôt est très important pour la vie des citoyens dans leur cité. L’égalité par l’impôt et surtout devant l’impôt doit rester au centre de la politique gouvernementale. Le patronat vient de demander une simplification des systèmes de prélèvement et il a raison. Créer des taxes sur le ciment et sur le sable et les ajouter à un arsenal fiscal que tous les opérateurs et même les politiques appellent à simplifier, est un non-sens. Il est vrai aussi que l’allègement des dépenses fiscales est un objectif prioritaire tant pour le retour de plusieurs segments économiques dans le giron de l’impôt, que pour assurer un climat de compétition et de concurrence sain entre les acteurs. Des décennies de cadeaux fiscaux méritent une évaluation profonde et réelle des impacts sur les secteurs de l’agriculture, de l’urbanisme et de l’habitat et des activités tournées vers l’exportation. La dernière circulaire du Chef du gouvernement attire l’attention sur la nécessaire diminution de la dépense fiscale, mais ne donne aucune orientation claire sur les objectifs quantitatifs à atteindre à court et à moyen terme.
Les discours sur le combat que le gouvernement devrait mener contre le secteur informel sont bien structurés. La pratique a par contre montré les limites des volontés exprimées. L’introduction de la comptabilisation des recettes et des dépenses des forfaitaires a buté sur un déficit de communication et sur un lobbying réussi des faux forfaitaires. Le résultat se fait toujours attendre et le gouvernement a presque opéré un revirement pour ne pas risquer une bataille perdue d’avance. La disposition aurait gagné en clarté et en adhésion sociale si elle avait été négociée avec les intéressés et surtout avec les petits forfaitaires.
C’est là le rôle du gouvernement, des partis politiques qui le composent et notamment des militants qui doivent constituer un relai pour les messages de leurs leaders politiques au gouvernement, et pas seulement un langage général et politisé lors des congrès fragilisés par l’inflation des belles paroles.
Espérons un document de propositions gouvernementales dans les semaines à venir qui permettra d’engager un débat social avant d’aller devant les parlementaires. La société civile et ses institutions ont un rôle constitutionnel à jouer et il est temps qu’on passe à la vraie concertation. Les votes en commissions ou en plénière au parlement durant les nuits interminables du mois de décembre, donnent lieu parfois à des aberrations que beaucoup de politiques regrettent après l’entrée en vigueur de la Loi de finances. Soyons tous responsables et rendons accessibles au débat l’ensemble des dispositions fiscales qui sont dans la marmite avant qu’elles ne soient servies trop salées ou trop amères.