« La morosité de la conjoncture économique vient principalement de la défaillance de notre modèle économique »
Depuis le début de l’année, nombre de secteurs n’ont vu leur situation s’améliorer par rapport à 2018. En cause, la morosité de la conjoncture économique qui se poursuit.
C’est ce que confirme la dernière étude de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) relevant du ministère de L’Économie et des Finances. Portant sur les six premiers mois de 2019, les auteurs remarquent, en effet, une évolution assez contrastée de la conjoncture économique nationale. Ils font remarquer qu’à l’exception des secteurs du textile et cuir et du secteur agricole, les autres secteurs économiques affichent une progression globalement favorable. L’économiste, El Mehdi Fakir, abonde également dans le même sens et constate un ralentissement notable de la machine économique. Il pointe notamment plusieurs facteurs qui expliquent cette situation.
« Sur le plan macroéconomique, il y a une baisse de la croissance économique, un déficit budgétaire prononcé…Sur le plan microéconomique, la situation se dégrade. Les délais de paiement s’allongent et empêchent les entreprises d’agir. Le coût du risque pour les banques est en progression parce que nous sommes devant une véritable problématique de créances en souffrance. Il y aussi l’augmentation des taux de défaillances d’entreprises et la sinistralité que connaissent certains secteurs dans certaines régions. Tous ces facteurs illustrent bien les difficultés que connaît notre économie », confie-t-il.
Toutefois, El Mehdi Fakir souligne que cette morosité de la conjoncture ne peut être réduite uniquement à une problématique de sinistralité ou de financement. « Ces difficultés viennent principalement de la défaillance d’un modèle économique que nous devons réformer le plutôt possible. Il ne faut pas oublier que nous attendons des signaux forts de la part de l’Etat, certes, mais aussi de la part des opérateurs économiques parce que cet attentisme que nous observons est vraiment contre-productif dans tous les sens du terme », estime l’économiste.
Dans les détails, soulignons que le rapport pointe aussi du doigt la forte baisse de la production céréalière et la baisse des exportations des agrumes comme étant les principales caractéristiques négatives. On y apprend également que la relative stagnation du pouvoir d’achat reste toutefois allégée par la croissance des crédits à la consommation (+ 4,8%). La DEPF fait de même remarquer qu’au niveau des échanges extérieurs, l’aggravation du déficit commercial se poursuit et ce, nonobstant l’amélioration du taux de couverture de 0,2 point. Pour leur part, les recettes de voyages et les transferts des MRE couvrent les 2/3 du déficit commercial et le stock de Réserves Internationales Nettes permet de couvrir 5 mois d’importations.
En ce qui concerne les Finances Publiques, force est de signaler que le déficit budgétaire a dépassé 20 milliards de DH avec, toutefois, un impact positif des recettes ordinaires, en particulier les recettes fiscales, dont le rythme de croissance dépasse celui des dépenses globales de l’Etat. L’enquête révèle également que le financement de l’économie est essentiellement basé sur les crédits bancaires, à court terme.
« Globalement, l’économie nationale demeure fortement influencée par les aléas climatiques et les facteurs exogènes, notamment les tensions commerciales sino-américaines, la demande de l’Union Européenne, et l’évolution des cours du pétrole », notent les auteurs du rapport. Pour El Mehdi Fakir, il y a vraiment urgence. « Au delà du conjoncturel, il y a aussi beaucoup de facteurs structurels qui pénalisent notre performance économique. D’où l’urgence d’entreprendre des réformes structurelles afin d’envoyer des signaux forts. L’Etat doit redonner confiance aux opérateurs privés pour investir. Ainsi, ces derniers pourront alimenter la machine économique », conclut-il.