La nouvelle ville de Benguérir, la première ville verte en Afrique
La Ville Verte de Benguérir, conçue comme un laboratoire national où l’OCP veut expérimenter tous les ressorts de l’urbanisme de demain avec un nouveau modèle de planification urbain qui replace la nature et le savoir au cœur de la cité, de nouvelles conceptions architecturales fondées sur des matériaux bioclimatiques et de modes de gouvernance des services urbains fondés sur des énergies renouvelables.
Dossier réalisé par Abouhani Abdelghani
Prévue sur une superficie de 1000 ha pour une population de 100.000 habitants , la ville Verte de Benguérir est située à proximité du site de l’OCP et mitoyenne de la ville de Benguérir. Elle dispose d’une localisation idéale puisqu’elle est à 30 minutes de Marrakech et à 90 minutes de Casablanca. Le projet est idéalement situé par rapport aux grands axes de circulation du pays. Il est situé sur l’axe autoroutier Casablanca – Marrakech avec des connexions routières ouvrant sur la ville de Safi et de Beni Mellal. De même, la ville est à proximité de la double voie ferroviaire sur l’axe Casablanca -Marrakech et est de surcroît à moins d’une heure de route des deux plus grands aéroports internationaux du Royaume, celui de Nouaceur et celui de Marrakech.
L’objectif de cette ville nouvelle dédiée au savoir, est de permettre la mise en place d’un nouveau modèle urbain fondé sur le respect de l’environnement et la promotion du développement durable. Inauguré en 2009 par Sa Majesté le Roi, le projet de Ville verte Mohammed VI a nécessité d’importants investissements et mobilisé toute l’expertise de l’OCP et la forte implication et adhésion des partenaires locaux. Il s’agit d’expérimenter de nouveaux modes d’organisation de l’espace en mettant en place un pôle urbain orienté vers le futur où la qualité de vie est associée à une architecture d’avant-garde avec des infrastructures adaptées, des modes de gestion des services urbains écologiques et des espaces de verdure qui replacent la nature au cœur du projet urbain. La création de cette ville est également un défi lancé à la nature puisque tout le périmètre de sa réalisation est gagné sur des zones semi-arides. Par ailleurs, au cœur de la ville, l’Université Mohammed VI polytechnique constituera un des fleurons nationaux de l’enseignement supérieur et de la recherche, offrant ainsi un cadre agréable et valorisant pour les étudiants méritants, à la recherche d’une formation de très haut niveau.
Bien positionner le Maroc dans la compétition internationale
L’enjeu de la création de la Ville verte Mohammed VI est à la fois national et international. Au niveau national, il s’agit de démontrer par l’exemple-et non par des textes juridiques qui risquent de ne jamais s’appliquer- qu’un autre urbanisme est possible, un urbanisme respectueux de la nature, économe en énergie, fondé sur des pôles urbains actifs et innovants et non sur des villes ghettos ou dortoir. C’est donc un contre-exemple de tout ce qui s’est fait jusqu’à présent en matière de villes nouvelles où tout était axé sur le lotissement et l’habitat, ce qui a donné lieu à des pôles urbains inertes et sans dynamisme économique. Dans le projet de Ville verte, on veut inverser l’équation et adosser la ville à un équipement structurant. Et au commencement, il y aura l’Université polytechnique Mohammed VI qui sera le cœur du projet.
Sur le plan international, le Maroc à travers ce projet veut gagner le pari de la compétition internationale puisque la Ville verte Mohammed VI de Benguérir sera parmi les toutes premières villes à mettre en œuvre un tel modèle sur le continent africain. Cet objectif est clairement affiché par les promoteurs du projet qui ambitionnent de le faire figurer en bonne position dans le classement mondial des villes vertes. « Premier projet de cette nature sur le continent africain, ce futur pôle urbain, selon le PDG de l’OCP obéit aux exigences du développement durable selon un cahier des charges visant la certification de niveau international … Ce chantier d’envergure, sera réalisé en trois phases sur une période d’une dizaine d’années et sera à l’avant-garde en matière environnementale dans la maîtrise des émissions de CO2 pour les transports (pistes cyclables, bus électriques…). Le cahier des charges de la Ville Verte intègre également les normes d’une gestion responsable de l’eau (double circuit : eau potable-eaux grises, stockage des eaux de pluie, recyclage des eaux usées). La future cité prévoit également l’usage des techniques de valorisation des déchets par les filières appropriées et le recours aux énergies renouvelables et propres (éolienne, solaire, biomasse) ». Le plan de réalisation de la ville s’inscrit dans le cadre d’un cahier des charges rigoureux et conforme à la plus haute certification internationale en la matière. En effet, la ville verte Mohammed VI vise la certification Leed for Neighborhood Development (LEED ND). Selon le Directeur Général de la société d’aménagement et de développement vert (SADV), «C’est le premier projet de cette ampleur à viser cette certification en Afrique».
La Ville Verte Mohammed VI se positionne comme une ville nouvelle, aux dimensions à la fois locale et nationale. Au niveau local, de par son étendue, sa consistance, son volume d’investissement, son attractivité et sa durée, le projet est porteur d’un impact urbanistique, économique et social remarquable sur la ville mitoyenne de Benguérir. Par ailleurs, compte tenu de la conception et de l’ambition attachée à l’Université Mohammed VI Polytechnique, qui est le cœur de la ville nouvelle, ce projet est également porteur d’une dimension nationale. En effet, l’université est appelée à jouer un rôle majeur dans le succès de la stratégie du pacte pour l’émergence industrielle du Royaume, par le biais de son apport en matière de formation et recherche.
Sur le plan urbanistique, le plan d’aménagement a cherché à adapter la trame urbaine aux conditions naturelles d’ensoleillement et de circulation des vents dominants. Il a également tenu compte de la présence de talwegs et des oueds avec une conception paysagère et végétale spécifiques axée sur une Coulée Verte polycentrique. Les densités ont été réparties en cherchant à optimiser les déplacements par rapport aux emplacements des équipements, avec un tramage urbain qui recherche l’équilibre entre voies piétonnes et modes de transport doux. Quant aux immeubles résidentiels ou destinés aux bureaux, ils seront construits à partir de matériaux bioclimatiques. Une bonne partie de l’énergie sera fournie par les panneaux photovoltaïques, avec équipements CVC à hauts rendements optimisant l’efficacité énergétique dans le bâtiment. Pour ce qui est des équipements d’infrastructure, tous les rejets des eaux usées seront acheminés vers une station d’épuration avec un réseau séparatif (eau potable, eau grise). Un système de rétention et de traitement des eaux de pluie sera mis en place. Les eaux usées traitées seront réutilisées pour l’arrosage des espaces verts. Pour ce qui est de la gestion des déchets, il est prévu un système de collecte avec un tri séparatif, un recyclage et une réutilisation des déchets. Pour le transport urbain, il y a une recherche de l’optimisation de la mobilité urbaine, avec la conception de quartiers compacts et équipés, de nombreuses pistes cyclables et une utilisation systématique des bus électriques.
Comme on le constate, un effort particulier a été déployé au niveau des choix urbanistiques, architecturaux et esthétiques de la nouvelle ville afin de préserver une complémentarité et une cohérence entre toutes les composantes du projet et de créer une continuité écologique et urbaine depuis l’oued Bouchene, qui passe par Benguerir, jusqu’aux talwegs qui traversent la ville verte. Ainsi, afin d’assurer la jonction et l’intégration de la Ville verte Mohammed VI et de la ville existante de Benguerir, un cordon vert, long de 4 km, a été conçu. Cette «Coulée verte», comprendra plus de 50.000 arbres qui seront plantés sur une superficie de 80 hectares, créant ainsi le poumon écologique de cette ville nouvelle. Pour les concepteurs, cette coulée, jalonnée par cinq oasis, est l’un des marqueurs identitaires de la Ville verte Mohammed VI. Elle est entièrement conquise sur des sites semi-arides. Cinq oasis permettront d’y organiser le fonctionnement urbain et constitueront les cinq principaux centres d’équipements de loisirs, de découverte, de récréation et de lien social au sein de la ville verte.
L’université au cœur de la Ville verte
Placée sous le signe d’une ville nouvelle du savoir, de l’innovation, de l’environnement et du développement, la Ville verte est structurée autour de l’Université Polytechnique Mohammed VI. Ce nouveau pôle du savoir, de la technique et de l’innovation aura un statut privé mais à vocation internationale. Il sera au centre de la ville verte et lui fournira sa principale locomotive de développement. Cet établissement de formation de haut niveau repose sur la formation, la Recherche-développement, le transfert des technologies, l’incubation de projets innovants et porteurs et l’ouverture sur l’entreprise. Ce pôle universitaire intégré comprendra plusieurs écoles proposant diverses disciplines en management industriel, ingénierie, agriculture en zone aride, technologies vertes et développement durable, urbanisme et architecture, business et management, gouvernance et administration publique et sciences de la santé. La future université, sera réalisée en deux tranches et sera animée par un corps professoral national et international. Une des composantes essentielles de l’Université Mohammed VI Polytechnique est l’Ecole de management industriel, cette structure de formation aura pour ambition de doter le tissu industriel marocain de compétences managériales. Axée sur le management industriel, l’Ecole dispensera un enseignement théorique, complété par des stages sur le terrain, outre l’accompagnement des étudiants dans la réalisation de projets individuels et collectifs. L’Université Mohammed VI Polytechnique s’assurera les services de professeurs et chercheurs marocains et étrangers. Il sera mis à leur disposition, un quartier résidentiel d’une superficie de 23 Ha comprenant notamment une centaine de villas, des centres de loisirs et des commerces de proximité. Le pôle universitaire développera , par le biais de conventions, des partenariats avec des institutions internationales comme le MIT (Massachusetts Institut of Technology) aux USA, l’Ecole des mines de Paris ou HEC-Paris. Dans ce sens, un premier accord a été signé sous la présidence du souverain, entre le groupe OCP et l’Ecole des mines de Paris, un deuxième est conclu entre l’OCP et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres.
Un lycée d’excellence
Le complexe universitaire sera complété par la mise en place d’un Lycée d’Excellence qui a pour objectif d’investir dans l’excellence de l’éducation et de la formation. En effet, l’objectif de la convention de partenariat signée en 2014 à Rabat, entre le ministère de l’Education nationale et l’OCP est d’appuyer la montée en qualité des classes préparatoires et les établissements publics d’excellence avec l’octroi de bourses aux meilleurs étudiants, surtout ceux issus de catégories sociales vulnérables. D’un coût global de 360 millions de dirhams, le lycée sera réalisé sur une assiette foncière de 10 hectares. Cette convention est considérée par le PDG de l’OCP, comme «un modèle de l’implication des entreprises publiques ou privées dans les efforts de promotion de l’enseignement». En effet, il s’agit de préparer le terrain aux jeunes étudiants, ayant fait preuve de grandes performances pour être formés dans des conditions d’excellence.
D’ailleurs, cette convention permettra «d’augmenter le nombre d’étudiants, notamment à travers l’élargissement du réseau des institutions d’excellence, parallèlement au renforcement des capacités des formateurs». Le ministère de l’Education nationale s’engage à fournir le personnel enseignant à la Fondation OCP, en plus de la formation de ses instituteurs contractuels. Cette initiative devra s’inscrire dans une approche globale de mise à niveau du système éducatif national. Car, «le lycée d’excellence qui sera créé en vertu de cette convention à la Ville verte de Benguerir, au même titre que l’Université Mohammed VI polytechnique, ne doivent pas être en marge, mais plutôt en synergie et en complémentarité de l’existant», a noté Mustapha Terrab. Le ministère de l’Education nationale s’engage à accorder à la Fondation OCP l’autorisation pour la création de ce lycée en plus des classes préparatoires. Les frais de scolarité seront déterminés en concertation avec le ministère de l’Education National au même titre que la sélection des étudiants qui devront bénéficier des bourses. C’est la Fondation OCP qui sera chargée de la gestion de cet établissement au niveau administratif et financier.
D’autres équipements viennent renforcer l’attractivité de cette ville. Il s’agit notamment des Résidences étudiantes, d’un Centre de formation industriel, d’un hôpital et clinique, de nombreux établissements de tourisme, d’une Maison de la culture et du cinéma, des infrastructures sportives et lieux de loisirs et divers équipements de proximité.
La Ville verte: une leçon d’urbanisme et un appel royal à réformer le système de planification et de gestion des villes
Ce projet, en raison de son caractère à la fois multidimensionnel et intégré, est une véritable leçon sur l’urbanisme de demain. Détachés des pressions des grandes métropoles qui sont empêtrées dans leurs multiples contradictions et leur immobilisme, les concepteurs du projet ont voulu, en choisissant un site acquis sur des espaces semi-arides, montrer à travers cette réalisation qu’on peut faire la ville autrement, une ville qui n’est pas seulement une juxtaposition de lotissement et de blocs d’immeubles, mais aussi et surtout un cadre de vie écologique, un espace de savoir et d’innovation. Ce projet est également un laboratoire à ciel ouvert pour expérimenter de nouveaux modes de gouvernances urbaines qui rompent radicalement avec ceux en cours dans la plupart de nos villes. Cette expérience sera suivie de près par tous ceux qui s’intéressent au futur des villes et sa réussite permettra certainement de sortir l’urbanisme marocain de sa torpeur, de son immobilisme et de ses vieux procédés fondés sur l’alignement et le zonage. Dans la vision royale, la ville verte devra s’inscrire dans une approche globale de mise à niveau du système urbain marocain. Car, le pôle urbain en cours de réalisation, situé au croisement des grandes métropoles va se développer en synergie et en complémentarité avec l’ensemble du réseau urbain régional et national dans sa globalité. Sa réussite sera un appel constant adressé à tous les responsables du secteur, collectivités territoriales et départements ministériels, à réformer l’urbanisme au Maroc. Déjà, le Souverain avait lancé au milieu de la décennie 2000 un appel à réformer l’ensemble du code de l’urbanisme. Dans le message adressé aux participants lors de la rencontre nationale de lancement des travaux du projet de code de l’urbanisme, Sa Majesté a insisté sur la nécessité de procéder à «la révision et à la modernisation du dispositif de l’urbanisme en vigueur» basé sur des «textes juridiques qui remontent au début du siècle passé» et il a appelé à adapter ce dispositif avec «la cadence de développement enregistrée dans plusieurs secteurs vitaux liés à l’investissement, à l’industrie, au tourisme et à l’habitat ». Un projet de code a bien été élaboré qui a apporté des innovations majeures dans ce domaine. Mais son adoption s’est heurtée, depuis cinq ans aux égoïsmes sectoriels des départements ministériels. Le projet de la ville verte est une démonstration royale de ce que devrait être l’urbanisme du futur et veut redonner au Maroc l’occasion comme il l’a fait en 1914, de reprendre le leadership dans ce domaine.