La réalité toute crue par ( Jamal Berraoui )
Le Conseil économique et social vient de publier un rapport sur la santé et la couverture médicale. Je ne vais pas m’étendre sur les statistiques concernant l’espérance de vie. Les pauvres vivent moins longtemps et tombent plus souvent malades. Tu m’étonnes ! Ils sont mal logés, peu nourris et ont un accès difficile aux soins. C’est ce qui fonde l’aspiration égalitaire depuis des siècles. Les luttes du mouvement ouvrier ont réussi à arracher la protection sociale qui, sans niveler les espérances de vie, permet l’accès aux soins universel.
Le chiffre qui m’inquiète le plus c’est celui concernant les étudiants et les professions libérales. Ils sont dix milliers, non éligibles au Ramed, et sans aucune couverture médicale. Pour les étudiants, la solution la plus cohérente serait de les intégrer au RAMED. Cela bute sur la perception de l’Administration quant au statut de l’étudiant. Les bourses ont été gelées, et même diminuées de moitié pour les résidents des villes universitaires pendant 30 ans. On a infantilisé les étudiants en leur imposant la dépendance vis-à-vis de leurs parents. Les gens de ma génération ont connu la situation inverse, celle d’étudiants qui, à partir de leur bourse et de petits travaux aidaient des familles dans la précarité. Aujourd’hui, un étudiant de 25 ans est administrativement lié à la situation financière de son père. Si celui-ci est aisé, le fils ne peut prétendre au RAMED, même s’il est en rupture avec la famille. Cette dimension est culturellement handicapante, socialement coûteuse et il faut en discuter parce que ses implications sont multiples.
Quant aux professions libérales, depuis quelques années, on a vu fleurir des produits d’assurances. Le coût individuel reste élevé. Les syndicats, les fédérations, les amicales, n’en font pas un cheval de bataille. Pourtant, les épiciers, les boulangers, les commerçants de tous genres, constituent une population qui, mobilisée, sensibilisée, bien informée peut constituer une cible commerciale pour les assurances au profit des deux parties, mais aussi de la santé publique et du financement des hôpitaux. Une expérience a été tentée avec les chauffeurs de taxi, avec des résultats peu probants. C’est pourtant l’unique issue qui a besoin d’un catalyseur.
Le droit à l’accès aux soins est lié à la couverture médicale. Des hôpitaux publics soignant tout le monde, sans contrepartie, c’est une médecine au rabais, des listes d’attente interminables, qui se transforment en mouroirs. Ce débat-là est plus important que la darija, mais qui le relaye ?