La reprise n’est pas si solide que cela
Depuis le 23 septembre, la place de Casablanca est dans une tendance haussière. Les pertes qui avaient été cumulées par rapport au début de l’année, ont toutes été annulées en l’espace d’un mois. D’où est venue cette croissance et est-elle durable ? Au vu des valeurs qui mènent la danse, une nouvelle valse est possible.
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La dernière fois qu’on a eu droit à une évolution comparable, c’était il y a juste un an, mais elle était de plus courte durée et d’amplitude moins importante», explique cet analyste d’une société de bourse, filiale d’une grande banque de la place. «Cette fois pourrait bien marquer le point d’inflexion que l’on attend depuis tous ces mois, voire toutes ces années depuis 2009», ajoute-t-il.
La place de Casablanca, a en effet connu un mois d’octobre plus qu’intéressant. En effet, depuis le 23 septembre 2013, l’indice principal, le MASI flottant est passé de 8409 à 9393 points à la clôture du mercredi 30 octobre, soit une croissance de 11,70% en l’espace de cinq semaines seulement. Il n’en faut pas plus pour que l’on commence à s’interroger sur la solidité et la durabilité de cette reprise, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Les actions en croissance sont-elles celles qui avaient le plus de potentiel ? Telle est la question. Dans le palmarès des plus fortes croissances, notamment du côté des grosses capitalisations, on retrouve des valeurs comme la Sonasid, la CGI, Lafarge, Samir, Addoha, Alliances ou encore Cimar qui ont toutes enregistré une croissance mensuelle comprise entre 15% et 34%. En somme, cette reprise profite essentiellement à des valeurs qui avaient de fortes corrections. Néanmoins, la question qui se pose est de savoir si cette reprise technique est justifiée.
A priori, cela ne l’est pas, de l’avis de plusieurs analystes ; il faut donc se montrer prudent. En effet, le PER 2013 et 2014 de la place reste encore à un niveau élevé supérieur à 15, suite notamment à la forte croissance. A titre de comparaison, les bourses de New York et de Paris traitent à des PER 2013 autour de 11. Evidemment, la forte croissance de l’économie marocaine joue à la faveur de la place de Casablanca, mais les cours sont tout de même élevés, notamment en comparaison avec les pays émergents présentant des niveaux de croissance du PIB élevés.
Par exemple, le PER 2013 de la bourse de Johannesburg est autour de 9,5, celles d’Oman et d’Istanbul à 10,5, celle du Brésil à 11,2 et celle d’Indonésie à 14,8. En termes de rendement, à taux de distribution équivalent, c’est donc plus intéressant pour un investisseur étranger de placer son argent dans ces places financières que de s’aventurer à Casablanca. Il faut néanmoins se pencher sur les actions de manière individuelle pour voir si la hausse est justifiée.
Pour ce faire, il faut commencer par celle qui a enregistré la plus forte progression. Outre les petites capitalisations comme Delattre Levivier et IB Maroc qui ont respectivement gagné 94% et 41% depuis début octobre, c’est la Sonasid qui se distingue parmi les grosses capitalisations, en s’appréciant de 34% pour un cours de 960 dirhams à la clôture du mercredi 30 octobre. C’est même un gain de 47% sur les six derniers mois que cumule le sidérurgiste. «C’est tout à fait justifié», souligne cet analyste qui ajoute que «la place a favorablement réagi face aux mesure antidumping qui limite la marge de manœuvre des importateurs d’aciers en provenance notamment de l’Union Européenne et de la Turquie», explique notre analyste. Dans une autre société de bourse, en l’occurrence à la BMCE Capital Bourse, les analystes estiment qu’il faut toutefois se montrer prudent. En effet, leur dernière étude fixe le prix objectif à 712 dirhams, ce qui veut dire que le cours de 960 dirhams atteint actuellement présente une importante surcote. Un retour de manivelle n’est donc pas exclu. Néanmoins, la note d’analyse de BMCE Capital bourse reconnaît plusieurs faits récents à mettre au profit de la Sonasid. Il s’agit notamment de la montée en puissance rapide de la distribution directe, à travers le concept de Sonasid Distribution consistant à court-circuiter les grossistes en recrutant des détaillants. Désormais, 20% des ventes sont assurés par ce canal.
En outre au niveau industriel, l’heure est toujours à l’optimisation des coûts qui se matérialise par plusieurs actions comme la récupération de chaleur à Nador, l’unité d’injection de combustible de substitution, etc. Ce sont autant d’actions qui viennent concrétiser la réduction des coûts de production. Pour la CGI, la croissance de 31% depuis début octobre a permis de ramener son cours à 705 dirhams. Ceux qui avaient acheté le titre, il y a tout juste un an, affichent quand même une perte de plus de 19%, malgré cette croissance. Pourtant, il faut tout de même se montrer prudent par rapport à cette valeur immobilière qui est la seule de son secteur à n’avoir pas été recommandée à l’achat dans la dernière note de BMCE Capital Bourse. C’est parce que la société n’est pas suffisamment rentable aux yeux des analystes, qui estiment que l’objectif de cours qui est de 580 dirhams environ est largement dépassé. Il faut dire que la CGI est peut-être handicapée par son statut de bâtisseur de l’Etat et est souvent amenée à faire des choix assez difficiles.
Concernant Lafarge, il est également important de voir que ses activités peinent à se redresser depuis que le secteur du ciment subit une baisse des volumes, et qu’un nouvel entrant vient perturber la donne. Ainsi, au cours du premier semestre 2013, son chiffre d’affaires a subi une très forte baisse. En gagnant près de 30% en un mois, il retrouve son cours du début de l’année. Néanmoins, il y a lieu de se demander si les perspectives du secteur autorisent cet optimisme.
Pour le raffineur Samir, on en dira presque autant. En effet, les distributeurs ont de plus en plus recours aux importations de produits raffinés, ce qui réduit sensiblement ses ventes. La mise en place de son propre réseau de distribution, ainsi que l’amélioration de ses exportations sont une bonne alternative. Néanmoins, la Samir continuera à faire face à des difficultés liées à son niveau d’endettement qui avoisine les 20 milliards de dirhams et dont les intérêts lui bouffent une bonne partie de sa marge d’exploitation. La hausse de 24% dont elle bénéficie depuis le début du mois d’octobre est sujette à caution.
En somme, pour la plupart des valeurs ayant enregistré les plus fortes croissances, il est possible d’assister à une nouvelle correction. Or, la place de Casablanca ne faisant rien à demi-mesure, la baisse pourrait être aussi forte que la croissance est euphorique.