Le champ de mines des retraites
La faillite des caisses de retraite programmée est un véritable séïsme. Qui s’en préoccupe ?
Où sont les responsables ? Quand vont-ils agir ? Comment vont-ils agir ? Nous sommes devant une bombe qui va prochainement exploser. Les victimes seront nombreuses et les dégâts énormes. Le Trésor public ne pourrait pas combler les déficits des caisses de retraite. Il ne couvre que difficilement les autres dépenses et à leur tête les salaires. Nous aurons grandement besoin de démineurs au lieu de décideurs et de spécialistes du service pyrotechnique de carrière pour désamorcer la bombe. Depuis le mois de janvier, la commission nationale des retraites n’a distribué que sourires et messages d’anesthésie aux retraités actuels et futurs. La commission technique se réunit pour remâcher et « reconstater » les problèmes. Normal, le syndicaliste ne peut aller au-delà de ce que lui dicte son état major, le fonctionnaire ne peut avancer de proposition sans avoir l’aval de sa hiérarchie et le représentant du patronat ne veut surtout pas alourdir les charges de production . C’est vrai, la fonction première d’une commission est de tuer le projet.
Le diagnostic est connu et reconnu. La démographie et l’environnement international sont coupables d’avoir changé de nature et de structure. L’administration ne recrute plus comme auparavant et le rapport actif/retraité aborde une descente inquiétante vers le chiffre 1. Tout le monde s’insurge, personne ne comprend l’immobilisme et certains ne regardent même pas devant eux. Les syndicats et beaucoup d’hommes politiques tiennent en otage les retraités actuels et futurs. Le problème de la retraite est dangereux tant pour les équilibres financiers que pour la paix sociale et politique. On dirait que certains veulent le pourrissement de la situation et même le chaos. On parle souvent des bénéfices réalisés par certains commerçants pendant les guerres et c’est vrai. En politique version marocaine, le bénéfice recherché est souvent le siège ou le poste. Chercher le consensus sur les problèmes réels du pays relève pour beaucoup de « politicards » de l’angélisme et du manque d’expérience.
Après le haut commissariat au plan, les membres de l’Inspection Générale des Finances, les Associations de retraités, la Cour des Comptes s’invite au débat sur l’urgence des réformes des systèmes de retraite. Le rapport publié par cette institution rappelle le diagnostic et propose ,comme ceux qui l’ont précédé, les solutions en deux phases, à savoir la phase paramétrique et la phase refonte des systèmes. Les solutions et les diagnostics sont connus même si quelques propositions nouvelles sont avancées par le rapport. Les modifications des modes de calcul et la création d’une institution de veille sur les retraites sont de nature à enrichir le projet de réforme.
Regardons autour de nous. Même les économies développées et riches sentent le besoin de réformer constamment leurs régimes de retraite, elles le font de manière responsable et courageuse. Travailler jusqu’à 65 ans n’est plus un tabou ou une curiosité. Au Maroc, nous n’avons ni les moyens ni le temps de se payer le luxe de l’inaction. Au moment où la question des retraites semble intégrer de manière profonde l’imaginaire et la rationalité dans le monde développé, nous continuons à chanter un passé qui n’est pas glorieux en matière de préservation et de gestion des acquis sociaux. Evacuer la réforme sous la pression politicienne et sous celle des agendas électoraux est une fuite en avant et sûrement vers le gouffre.