Larbi Jaïdi: « Le débat sur la réindustrialisation doit se faire avec beaucoup de réserve »
L’économie marocaine est passée par trois grands cycles qui ont marqué l’industrie nationale. Larbi Jaïdi décrypte les facteurs historiques de ce processus d’industrialisation et analyse les avancées.
Challenge : A la crise sanitaire, l’industrie marocaine s’est adaptée pour la confection de produits devenus vitaux. Un tel regain d’intérêt pour l’industrie destinée au marché local n’a plus été vu au Maroc depuis les années 60. Comment l’expliquez-vous ?
Larbi Jaïdi : On ne peut pas dire que l’industrie marocaine s’est adaptée à la situation. Ce sont des branches de l’industrie marocaine, ce ne sont même pas des secteurs. C’est que ces branches ont saisi l’opportunité d’un redéploiement pour faire face à la situation. Leur appareil de production permettait à ce qu’elles puissent faire face à la situation. Donc, bien évidemment, ce n’est pas l’industrie dans sa globalité. Nous sommes aujourd’hui dans une situation difficile à la suite de la baisse de la demande interne et des contraintes venant de la demande externe adressée au Maroc. Je parle justement de l’activité textile, qui est une indus-trie en grande partie aujourd’hui dans une situation délicate. De la même manière, certaines activités de l’industrie mécanique tournent au ralenti. Il ne faut pas aller très vite dans le raisonnement. De tout temps, on disait que la performance de l’industrie d’un pays est celle qui permettait à ses activités de répondre à la fois à la demande intérieure et à la demande externe.
Challenge : L’industrie marocaine a vécu ses moments les plus difficiles de son histoire, de 1984 à 2005 avant d’être réorientée par les pouvoirs publics vers l’insertion dans la chaîne mondiale de valeurs avec le Plan émergence en 2005, le Pacte émergence (2009) et le Plan d’accélération industrielle en 2014. Quelle lecture faites-vous de cette transition ?
Si nous faisons une lecture en profondeur de l’histoire de l’industrie marocaine et de la politique ayant accompagné le développement d’un certain nombre d’activités, on peut dire que la première phase a démarré au lendemain de l’indépendance et qui est arrivée à un essoufflement dans les années 73. Il s’agissait d’une politique industrielle qui était construite sur la nécessité de diversifier le tissu industriel avec une remontée progressive des industries légères, des industries de biens d’intermédiaire et de biens lourds permettant justement au tissu industriel d’être de plus en plus intégré. Le mécanisme mis en place pour protéger cette politique industrielle, était axé en premier sur la protection vis-à-vis du marché extérieur avec des barrières douanières…
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