Le grand changement
Cela aurait pu constituer une question d’examen, mais c’est la réalité. Que peut faire un gouvernement avec un tableau de bord affichant un déficit de 8%, une récession de 9%, une dette globale dépassant les 100% de PIB, un taux de chômage à 15% ? On pourrait être tenté de dire pas grand-chose, pourtant il faudra s’y coltiner parce que cela ressemble comme deux gouttes d’eau à la situation qui sera la nôtre début juillet.
Le retour à la situation antérieure, reprendre les préconisations des institutions de Bretton Woods et donc lancer une politique d’austérité est tout simplement impossible. Cela signifierait l’asphyxie de l’économie, la perte de trois décennies de croissance faible mais réelle, une implosion sociale et surtout une myopie singulièrement suicidaire. Les libéraux les plus lights proposent une sortie plus lisse, l’État diminuerait des dépenses de fonctionnement, retarderait ses investissements les moins «essentiels » et lancerait ce qu’ils appellent les réformes, c’est-à-dire s’attaquer aux droits des travailleurs, au nom de la flexibilité et taxer le pouvoir d’achat par le biais de la TVA. C’est la même vision que celle du FMI, mais qui propose un étalement dans le temps.
Lire aussi: Produits industriels: la période transitoire de la mise en place du nouveau système de contrôle prorogée
La troisième version libérale est plus élaborée. il s’agirait d’un mix entre une politique de relance dans l’immédiat par la dépense publique, mais avec un plan de restructuration budgétaire pluriannuelle. C’est celle qui semble avoir la préférence de plusieurs ténors de la majorité actuelle. C’est juste hasardeux, parce qu’il ne sert à rien de tirer des plans sur la comète si on ne tient pas compte du désastre social et de ses implications. on ne peut pas demander aux nouveaux chômeurs d’attendre des années avant de retrouver un éventuel nouvel emploi.
Mais on peut aussi faire de cette crise une opportunité pour changer totalement de paradigme et réorienter l’économie vers l’industrie, une agriculture plus saine privilégiant les circuits courts, une plus grande intervention de l’Etat, avec des nationalisations à la clé, un impôt sur la fortune, une surtaxe des produits de luxe, un large soutien aux formes solidaires de la détention du capital…
Ce choix-là ne peut être celui du gouvernement, mais il peut porter un mouvement populaire pour renouer avec le projet du gouvernement de Abdellah ibrahim, avorté par le putsch de Hassan II. L’histoire se répèterait, mais pour une fois dans le bon sens.