Le leurre des lamentations
Il y a plus grave pour notre football que de rater l’examen de passage du second tour. Le plus grave, c’est la (très) mauvaise analyse à laquelle se livre la grande majorité des organes de presse, dénonçant à qui mieux-mieux fédération et responsables techniques, appelant a des procès pour haute trahison aboutissant aux poteaux d’exécution. PAR NAJIB SALMI
N’en a-t-on pas assez de livrer à la vindicte populaire et aux gibets de l’infamie tous ceux qui, un jour, ont eu le courage de présider aux destinées de l’équipe nationale. Quelqu’un s’est amusé à rappeler des statistiques effarantes : le nombre d’entraîneurs du Onze national limogés. Il y a eu pléthore de techniciens éjectés et la guillotine est toujours prête à fonctionner (d’aucuns la réclament déjà pour Rachid Taoussi et Ali Fassi Fihri) sans que personne n’ait songé à tirer une conclusion sereine et claire de l’accumulation de ces échecs.
C’est déjà beau de faire partie des 16 équipes qualifiées en phase finale, et se rappeler que pour l’édition 2013, on s’y est presque qualifié par miracle grâce au 4-0 de Marrakech qui effaça la défaite du match aller au Mozambique (0-2), grâce aussi à l’arbitrage maison qui nous a accordé un pénalty fort généreux et fort opportun et grâce encore à la CAF qui (cela n’a jamais été dit ni écrit) mit le Sénégal en lieu et place du Maroc pour nous éviter de tomber contre la Côte d’Ivoire en éliminatoires de cette CAN 2013. Pour l’histoire, la Côte d’Ivoire a éliminé le Sénégal et tel aurait pu être notre sort sans le tour de passe- passe CAF … kaien Et si la CAF a cru bon de « protéger » le Maroc en le plaçant dans des conditions idéales de qualification, c’est bien parce que notre insigne faiblesse footballistique n’est un secret pour personne, sauf encore pour notre chauvin public gavé et trompé aux gros titres de la presse nationale qui parle d’élimination prématurée en évoquant notre participation à la CAN 2013.
Il faudrait raison garder et admettre que l’urbanisation démentielle a bétonné nos paysages, « liquidant » sous des tonnes de ciment tous les terrains vagues où ont été « formés » les footballeurs marocains, de feu Larbi Ben M’Barek à Naybet. C’est avec la disparition de ces terrains vagues, où couraient des dizaines, voire des centaines de gamins que notre football à reculé. Aujourd’hui, il en existe encore dans les campagnes et c’est là que vont s’approvisionner les grands clubs casablancais et r’batis, car devant leur porte, il n’y a plus rien. Qui s’est inquiété de la chute du football dans une ville comme Mohammédia, où en 1976 on trouvait quatre joueurs du Chabab local dans l’équipe championne d’Afrique en Ethiopie ? Ce sont là des signes révélateurs… non ? Avant de parler d’échec en CAN, posons-nous d’abord la question de savoir pourquoi les générations de 1988 ou 1998 n’ont jamais été champions d’Afrique avec la sélection nationale.
Et pourtant, excusez du peu, on avait là des gaillards de la trempe de Haddaoui, Bouderbala, Byaz, Timoumi, Zaki etc .. Comment pouvait-on concevoir qu’un Rachid Taoussi nommé il y a trois mois, après que l’on ait débarqué Gerets, aurait le temps de préparer la victoire ? C’est être bien naïf de penser que sans un long travail de fond, où les maîtres mots seraient organisation et formation, on pourrait construire du solide. Et enfin, il faudrait arrêter de glorifier nos exploits et se rappeler que l’équipe de 2004 qui est arrivée en finale avec Zaki, a été « sauvée » à la dernière seconde de jeu face à l’Algérie. Cette seconde qui, au contraire, allait accabler les Lions de l’Atlas version 2013 privés de second tour à cause du but réussi par le Cap Vert à la 94ème minute de son match devant l’Angola. Une seconde de moins et l’on serait encore en CAN en Afrique du Sud. Mais aurait-on eu un bon football pour autant ? Non, le vrai et bon football il faut commencer à le bâtir, à le construire .Si l’on continue à vivre dans l’illusion qu’on est les meilleurs, on retardera d’autant notre action pour le vrai travail. Il est gigantesque car tout est à accomplir. Alors autant commencer aujourd’hui pour s’éviter, autant que faire se peut, les lamentations de demain. ■