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Le Maghreb a besoin d’intégration et non d’exclusion

Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Président Moncef Marzouki

La visite que vient d’effectuer SM le Roi en Tunisie mérite amplement une lecture multidimensionnelle. Politique d’abord et économique et historique ensuite. La période que nous traversons nécessite une présence effective des hommes d’Etat portant des projets pour les générations futures. Il n’est plus permis dans un monde en ébullition économique et politique de somnoler en prenant la paisible vie que menait une élite à court d’idées, comme une ligne de conduite à suivre. La marche vers le sens de l’Histoire appelle la responsabilité et ne peut que chasser les rentiers à tous les niveaux. La rente politique ferme les portes de l’espoir devant les jeunes, la rente économique bloque les issues devant l’innovation et la rente pétrolière remplit les commandes des usines d’armement au lieu d’ouvrir les horizons au Maghreb de l’économie et de la jeunesse.

L

a visite s’inscrit dans ce cadre et non dans celui d’une quelconque et énième tentative de déstabilisation du voisin algérien venant d’entamer une nouvelle transition vers une possible normalisation avec les règles de la démocratie. A Tunis, on a parlé de la réussite d’un passage civilisé consensuel et murement réfléchi à la coexistence politique. Le signe le plus fort de la visite est à lire dans la rencontre de deux schémas et d’une seule méthode pour s’adapter à un temps politique nouveau. Le printemps arabe peut fleurir grâce à la fertilité des solutions consensuelles politiquement acceptées par les peuples. Mais la consolidation des démocraties a besoin de la croissance économique et celle-ci a besoin de coopération et de travail en commun. Les pays du Maghreb ont besoin de projets structurants et de synergies pour pouvoir répondre aux attentes d’une jeunesse qui arrive massivement sur le marché du travail.

 Produire les discours ne peut se substituer à la production des richesses.

Devant l’Assemblée constitutive tunisienne, le discours de SM le Roi s’est ouvertement inscrit dans la logique du partenariat et s’est appuyé sur les liens politiques forts qui unissent la Tunisie au Maroc depuis longtemps. Les deux pays ont pu produire une classe d’hommes d’affaires et d’entrepreneurs qui ont développé un savoir-faire et des structures dans les secteurs financiers et dans ceux liés à la production des biens et services. Ces femmes et hommes du monde de l’entreprise parlent un langage axé sur les dimensions du marché, sur l’innovation technologique, sur les financements des projets et sur les partenariats dans le montage des projets communs. Avant que l’Assemblée constituante ne reçoive le Souverain marocain et n’écoute son discours, les deux organismes représentant les patrons marocains et tunisiens ont tenu leur forum et mis en place la plateforme de leur futur business. La conscience que la politique doit être au service de la consolidation des liens économiques a habité les attitudes et les travaux des différents responsables des secteurs privés marocains et tunisiens.

La spécificité des liens entre les deux pays apparait dès les premières phrases du discours royal. « Je me sens parmi les miens » a affirmé SM le Roi avant d’ajouter que « c’est donc par édilité à ces liens que j’ai réservés à la Tunisie, donné le plus grand nombre de visites que j’ai entrepris au niveau des pays du Maghreb». La visite est mise au centre de l’importance de l’édification du grand Maghreb. L’histoire ne peut pardonner de manquer les rendez-vous et notamment, pour l’exploitation optimum des « richesses et des potentialités que recèlent les pays maghrébins ». La complémentarité est mise en relief et appelée dans des termes très expressifs par le souverain : « Il se berce d’illusions, celui qui s’imagine qu’un Etat peut, à lui seul, venir à bout des problèmes liés à la sécurité et à la stabilité …..Les approches exclusives sont inopérantes pour faire face aux dangers qui guettent la région. ». L’espace sahélo-saharien est pris comme exemple de la nécessaire et stratégique coopération qui doit s’établir entre les pays du Maghreb. Cette référence puise son importance dans le jeu en solitaire que mène l’Algérie dans cette région. Les attentats qui mirent à nu les installations pétrolières dans le sud algérien il y a une année ont mis en exergue l’importance de la consolidation des liens sécuritaires et du danger que représentent les éléments incontrôlables formés à l’extrémisme dans les camps de Tindouf. La circulation des armes et de l’argent des rançons renforce chaque jour la menace terroriste et complique les voies devant mener au contrôle des territoires de la grande région du sahel. C’est pour ces motifs et pour d’autres aussi importants que le discours royal a considéré que «l’Union du Maghreb n’est plus un choix facultatif ou un luxe politique superfétatoire. Elle est devenue plutôt une revendication populaire pressante ».

La dimension économique de cet ensemble, qui est en train de perdre chaque année des milliards de dollars par manque d’intégration, est primordiale pour l’avenir des peuples. « la concrétisation du développement global … exige au préalable la création d’un climat propice à la réalisation de grands projets inclusifs , et surtout le parachèvement de la mise en place de la zone de libre-échange maghrébine….et la construction de réseaux de connexion intéressant les différentes infrastructures pour faciliter le libre déplacement des personnes ,des services ,des marchandises et des capitaux entre les pays du Grand Maghreb. »

En attendant, il faut contribuer à faire avancer la construction de cet ensemble régional en développant les relations bilatérales. Les opérateurs publics et privés ont signé plusieurs accords de coopération et de partenariat. La satisfaction exprimée par les responsables des deux pays s’est traduite au niveau du communiqué conjoint publié à la suite de la visite royale. Les deux dirigeants se sont félicités des résultats du forum économique maroco-tunisien.

Comment peut-on ne pas se remémorer que notre relation est ancestrale et remonte à l’épopée de la pénétration de l’Islam en Afrique du Nord, dont l’un des évènements historiques emblématiques fut la fondation, à Fès, par une émigrée de Kairouan, Fatéma Al Fihria de l’Université appelée, d’ailleurs, Al Quaraouiyine, considérée depuis comme la plus ancienne Université encore en activité au monde.

Quelle magnifique symbolique de modernité culturelle et sociétale que celle d’une femme, à l’origine de la création d’un centre de savoir et de rayonnement spirituel et religieux.

L’Histoire devrait être constamment gardée à l’esprit pour s’imprégner de la permanence multiséculaire d’une fraternité et d’une solidarité agissante tuniso-marocaine, quelles que soient les difficultés que l’on peut, dans l’entre-temps, traverser.

L’autre symbole, cette fois-ci économique, fort est la prévalence, depuis maintenant sept ans, d’une zone de libre-échange entre nos deux pays, scellée aux termes de la Convention d’Agadir.

Elle fut renforcée par l’établissement de partenariats bancaires et financiers exemplaires que conduisent chacune, dans son périmètre d’intervention, deux grandes institutions majeures du système bancaire marocain, à savoir Attijariwafabank et BMCE Bank.

Les opportunités peuvent être explorées sous forme d’implantations de filiales communes, de prises de participation capitalistiques, d’accord de partenariat stratégique et commercial et considérer toute autre forme d’ouverture sur l’Afrique.

Peuvent être pareillement promus les échanges et la coopération en matière de connaissances et d’expérience technique, professionnelle et de marché, ainsi que des synergies entre les entités de nos groupes respectifs, avec pour finalité, la création de valeur et d’emplois sur les marchés Tunisien, Marocain et au-delà, à travers le continent africain.

En définitive, le partenariat maroco-tuniso-africain a du sens.

Il a du sens pour le présent, compte tenu de tout ce que nous avons su développer en Tunisie, entre Marocains et Tunisiens, et compte tenu de tout ce que nous, Marocains, avons su développer au Maroc et en Afrique subsaharienne.

Le Partenariat maroco-tuniso-africain a du sens pour l’avenir parce que la construction maghrébine est, elle-même tributaire d’une interpénétration plus importante entre nos économies et avec le continent africain.

C’est par l’économie que seront dépassés les obstacles politiques qui, jusqu’alors, ont ralenti l’édification de cet idéal des peuples qu’est l’Union Maghrébine. n

 
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