Coronavirus : ces activités qui profitent de la crise
Si tout le monde s’accorde quant aux secteurs qui seront les plus sévèrement touchés par l’actuelle pandémie (tourisme, transport aérien, aéronautique, évènementiel…), les conjectures vont encore bon train quant à ceux qui, au contraire, pourront bénéficier dans la durée dans le monde Post Covid-19.
Mais, d’ores et déjà, quelques métiers et activités devront vraisemblablement figurer dans le palmarès marocain (et probablement mondial) des gagnants potentiels… à condition pour certains d’entre eux, d’avoir survécu aux conséquences immédiates de cette crise inédite qui a mis à genoux l’économie mondiale !
La crise actuelle du Covid-19, a déjà bousculé de nombreux piliers du quotidien des Mrocains (et habitants de la planète en général). Elle ne manquera pas, non plus, de rebattre les cartes de larges pans économiques en installant dans la durée, de nouveaux phénomènes qu’elle aura charriés dans l’urgence, car comme le dit quelque part le célèbre historien et futurologue Yuval Noah Harari, il est dans la nature des mesures d’urgence de rester permanentes. Certes, il est peut-être prématuré d’en faire l’inventaire et assurément hasardeux de le dresser de façon péremptoire à l’échelle planétaire, on peut d’ores et déjà identifier, sans coup férir, quelques retombées du côté de ceux qui pourraient en sortir gagnants.
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On en a, ainsi, retenu une dizaine d’activités et secteurs économiques, qui devront probablement profiter dans la durée des changements de paradigme économique que la crise du Covid-19 aura sécrétés ou tout simplement, de l’accélération de tendances préexistantes qu’elle aura suscitée. Une telle approche a mis à l’écart, à tort ou à raison (l’avenir tranchera), les secteurs pour lesquels le confinement inédit de la population s’est avéré être un contexte providentiel avec une explosion de la demande (data pour les télécoms, abonnements pour des plateformes de contenu numérique comme de Netflix). Pour ces activités ainsi «ignorées», il n’est pas éloigné que la levée progressive du confinement un peu partout au monde, soit synonyme d’un retour à la «normalité»…ou presque (non renouvellement systématique des abonnements des sites de contenu ou de jeu en ligne et baisse de la consommation exceptionnelle due au confinement).
Fabrication et distribution des dispositifs médicaux
Nettement moins connu que celui de l’industrie pharmaceutique, le secteur du dispositif médical est non moins crucial pour la santé publique et l’accès au soin des citoyens. Avec un marché de près de 3 milliards de dirhams en 2019 (en hausse régulière depuis une décennie), ce secteur est encore loin d’avoir atteint sa vitesse de croisière au vu des besoins d’investissement colossaux du pays en équipements de santé et, par ricochet, en consommables. Ce que reflète d’ailleurs le ratio dépenses de santé/PIB, actuellement autour de 6,5%, alors que la Banque Mondiale et l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) n’ont eu cesse de recommander de hisser à 10%. Or, la crise du Covid-19 est venue mettre davantage à nu cette réalité, ainsi que celle de l’étroite dépendance du Maroc vis-à-vis de l’étranger pour ses besoins en équipements et consommables médicaux, sachant que la production locale est limitée à quelques types de consommables de faible et moyenne technicité produits par des acteurs comme Promamec (sets d’accouchement, d’hémodialyse et d’urologie…), Sterifil (gaze hydrophile, compresses, sparadrap, sondes et fils chirurgicaux) et Soludia (bicarbonate en poudre pour hémodialyse) couvre moins de 10% des besoins du pays. Voilà donc un secteur que l’Etat planificateur serait bien avisé de doter en moyens importants pour en faire une véritable industrie, voire un nouveau «métier mondial»…. comme cela a été fait en Turquie, dont l’industrie du dispositif médical compte déjà plus d’un millier de fabricants et figure même parmi les secteurs exportateurs prometteurs.
Location de matériels de BTP, manutention et de levage
Après avoir subi de plein fouet l’effet de la crise du Covid-19 à cause de l’arrêt de la quasi-totalité des chantiers de travaux et de construction à travers le pays, la location des engins de travaux publics et autres matériels de levage (grues mobiles et fixes) et de manutention (chariots, nacelles et autres), devra bénéficier dès la sortie de crise de l’élan structurel des donneurs d’ordre (entreprises de BTP, opérateurs de manutention portuaires et aéroportuaires, acteurs logistiques, grands groupes industriels) à variabiliser leurs charges. Or, par gros temps économiques qui s’annoncent à l’horizon sans compter le risque de résurgence de pareilles pandémies sanitaires et leur cortège de shut-down économique et de reprise incertaine, les avantages bien connus de la location par rapport au tropisme de la propriété se trouvent décuplés. Car, quand la demande des clients habituels se tarit et l’exécution du carnet de commandes devient elle-même problématique, un parc de machines et d’engins détenus en propre devient tout simplement un fardeau insoutenable entre service de la dette (redevances de leasing ou remboursement de la dette bancaire), coût de maintenance, frais de parking, coûts de réacheminement vers les entrepôts (mise à l’arrêt des chantiers oblige), etc. Le plus dur pour les loueurs de ces équipements, est de survivre à cette crise inédite, mais l’avenir post-Covid19 leur appartient indubitablement…ou à ceux qui auront survécu.
E-commerce et livraison à domicile
Avec un volume d’opérations de paiement en ligne déjà en forte croissance d’année en année (+18% en nombre et +47% en montant au titre de 2019 comparativement à l’année précédente), le e-commerce devra enregistrer un bond encore plus prodigieux au Maroc au titre du premier semestre 2020, au vu des contraintes que l’actuelle crise a imposées en termes de limitation des déplacements et fermeture des écoles, des magasins de prêt à porter, clubs de sport et autres commerces. En effet, le confinement a encouragé les gens à effectuer des achats en ligne, y compris pour leurs achats alimentaires toujours théoriquement possibles dans les épiceries et les grandes surfaces non touchées par les mesures de fermeture. D’ailleurs, plusieurs commerçants qui étaient jusqu’alors réticents à prendre le virage du digital, ont décidé de proposer leurs produits en livraison ou en retrait en magasin. Et selon tous les spécialistes des modes de consommation et autres futurologues, cette tendance est partie pour s’installer dans la durée et profiter tant aux acteurs de la logistique du E-commerce (opérateurs de messagerie classique ou nouvelles start-ups qui ont profité de l’aubaine, telles Allo Tawsil ou Le Petit Coursier), qu’aux intervenants de la chaîne technologique de ce canal, tels les Acceptant en paiement en ligne (et à leur tête le Centre Monétique Interbancaire) et les PSP (Payment Service Provider) comme VPS et Maroc Telecommerce. Cela améliorera-t-il le piètre classement actuel du Maroc dans l’indice de la CNUCED du commerce électronique (95ème rang mondial) ? A voir lors du prochain classement en décembre 2020.
Equipements audiovisuels pour professionnels et solutions collaboratives
A l’heure où le télétravail est plébiscité parmi les cadres et les sociétés de services en général ne nécessitant pas la présence impérative des travailleurs dans les chaînes de production, les intégrateurs d’équipement et solutions digitales favorisant la baisse des interactions physiques entre collaborateurs et entre collaborateurs et autres parties prenantes, se frottent déjà les mains. En effet, la crise du Covid-19 vient convertir aux « charmes » du télétravail même ceux qui y avaient mis le holà il y a quelques années, tel IBM ou encore ceux parmi les PME marocaines qui estimaient qu’une telle pratique n’était guère adaptée à leur taille. Et cela risque fort bien de s’installer dans la durée, même après la disparition de la pandémie du nouveau Coronavirus. Parmi les acteurs qui vont profiter de cette évolution inéluctable, on compte les importateurs intégrateurs de systèmes et d’équipements audiovisuels, multimédia et scéniques (nécessaires pour organiser des visio-conférences), mais aussi les éditeurs et intégrateurs de solutions digitales de différents usages, à commencer par la communication à distance (telles Webex meeting de Cisco que distribuent au Maroc CBI et Intelcom, G suite de Google ou Zoom Cloud Meeting édité par la nouvelle star éponyme du Nasdaq), aux solutions de gestion de file d’attente à distance (qui réduisent le temps d’accueil dans les points de vente à forte affluence) en passant par les différents outils de formation multimédia interactifs (e-learning).
L’intérim
Durement frappé par la crise, le secteur marocain du travail intérimaire qui a perdu près de la moitié de son activité en quelques semaines (soit près de 100.000 emplois), participera sans doute à la relance économique post-Covid 19. Mieux encore, pour les mêmes raisons précitées à propos de la location de matériel de BTP, l’embauche en intérim devra profiter de la volonté croissante des patrons de variabiliser leurs charges d’exploitation. Or, le premier atout de l’intérim pour une entreprise est justement de pouvoir, à tout moment, suspendre la collaboration en fonction de son besoin, ce qui est malgré son surcoût, plus flexible que de gérer des travailleurs en CDI (ou même en CDD) et ce qui s’ensuit en solde de tout compte, congés et autres contraintes.
Aussi, certaines activités, peu habituées à recourir à l’intérim, se résoudront probablement à s’y mettre et ce, d’autant plus que l’offre de l’intérim «nouvelle génération», faisant usage de la digitalisation des outils et des process de recrutement, et donc de la simplicité des démarches associées, est de plus en plus attrayante. D’ailleurs, au moins deux plateformes digitales d’intérim sont actuellement en phase de pré-lancement pour prendre leur part du gâteau d’un marché marocain qui pèse quelques trois milliards de dirhams et qui devra dépasser les 5 milliards à horizon 2025.
Logistique contractuelle
Alors que le transport de marchandises a nettement ralenti pendant la crise actuelle au vu du net repli des activités «non essentielles», la logistique contractuelle (qui englobe les prestations, pour compte d’autrui, de l’entrepose, de la préparation de commandes et autres services à valeur ajoutée tels le co-packing, packs assortis RCT…) a, elle, nettement moins souffert. D’une part, il fallait accompagner la surconsommation des produits alimentaires et d’hygiène des premières semaines de confinement en s’adaptant également à la vague d’achats en ligne mais, d’autre part, car les stocks des produits non essentiels durant cette période et dont la consommation a naturellement ralenti (de diverses ampleurs) sont tout de même restés dans les entrepôts au grand bonheur des prestataires logistiques….mais également de celui des industriels et importateurs de biens et de marchandises qui avaient déjà externalisé leur logistique. Car, ceux qui ont une logistique totalement internalisée se sont retrouvés avec des entrepôts quasiment vides ou à très faible rotation, sans compter les frais fixes annexes (manutentionnaires et préposés à la logistique, coûts de rayonnage, équipements électriques et de sécurité…). Aussi, il est établi aujourd’hui, que le post Covid-19 va intimer les plus réfractaires à opter pour la logistique contractuelle qui permet de variabiliser et optimiser ses coûts logistiques et une certaine agilité de la supply-chain…..y compris parmi ceux qui renâclaient à franchir le pas pour des raisons de transparence fiscale (qui dit externalisation logistique, dit nettement moins de latitude à «bidouiller» les stocks et sous-déclarer le chiffre d’affaires) !
Paiement mobile
Si le paiement mobile peine à décoller au Maroc malgré les efforts consentis par les différents intervenants publics et privés (ayant abouti à la mise en place dès novembre 2018 de l’interopérabilité et, surtout, du M-Wallet) pour en faire un véritable vecteur de l’inclusion financière, le changement de paradigme provoqué par l’actuelle crise sanitaire pourrait bien être le creuset d’une véritable mise en orbite de ce moyen de paiement. En effet, les risques sanitaires liés à l’utilisation du cash dans des transactions en face à face, devront encourager les consommateurs à adopter les porte-monnaies électroniques adossés à leurs téléphones mobiles, mais également convaincre les commerçants à y adhérer pour leur part (ce dont ils ont renâclé jusqu’à présent en entravant, au passage, le déploiement de cette solution à grande échelle). Il est à rappeler que l’objectif du tout récent Groupement de paiement mobile Marocain composé de 12 établissements financiers et opérateurs de paiement, est d’atteindre à horizon 2024 quelques 6 millions d’utilisateurs (contre à peine près de 400.000 aujourd’hui) et 51.000 agents pour un volume annuel de 1,3 milliard de transactions en paiement mobile. Un tel développement « pandémique » devient, désormais, possible avec les conséquences du Covid19 !
Coworking
Alors que le business model encore embryonnaire du coworking commençait à peine à creuser son sillon au Maroc, la crise du Covid-19 est venue mettre à rude épreuve les pionniers qui s’y sont lancés à partir de 2018. En effet, du jour au lendemain, les espaces de travail des différents sites de coworking qui ont ouvert principalement à Casablanca et à Rabat, se sont quasiment vidés de leurs occupants parmi les indépendants, les free-lances et les PME qui furent parmi les «early adopters» de ce modèle disruptif d’immobilier professionnel. D’où un trou béant dans les revenus de Commons, Kowork, Buzzkito, H7 Casablanca et autres acteurs du coworking, que compte aujourd’hui le Maroc. Mais, cette crise mondiale qui redessine les frontières de l’espace de travail et le rapport à celui-ci installera vraisemblablement dans la durée le télétravail et le nomadisme des travailleurs, deux tendances de fond qui risquent de faire baisser davantage le taux effectif d’occupation des espaces de bureaux traditionnels. Et avec une telle baisse, le coût d’exploitation de l’espace de travail par collaborateur (déjà assez élevé pour des entreprises de plus en plus soucieuses d’optimiser leurs charges au sortir de la récession immanquable que causera le Covid-19) risque de pousser les décideurs à arbitrer en faveur des espaces mutualisés de coworking qui garantissent flexibilité et réduction des coûts fixes (préavis court des contrats de bail, location incrémentale selon les besoins…) au détriment des grands espaces internes de plus en plus insuffisamment exploités.
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