Le Maroc se dote d’un régime de couverture
Malgré la fréquence des catastrophes naturelles (inondations, tremblements de terre…) qui frappent le pays, aucun dispositif n’était prévu en matière d’indemnisation des victimes. Le traitement des événements au cas par cas, souvent dans la précipitation, ne permettait pas une prise en charge efficace des préjudices dans un cadre normalisé. Ce vide sera bientôt comblé avec la publication de la loi « instituant le régime de couverture des conséquences d’événements catastrophiques ». par ABDELHAFID CHENTOUF
La première question qui vient à l’esprit, est celle de savoir quelles sont les catastrophes qui donneront lieu à l’indemnisation des victimes ? Le régime retenu couvre les catastrophes naturelles dont la liste sera arrêtée par voie réglementaire sur proposition de l’Autorité de Contrôle des assurances et de la Prévoyance sociale (ACAPS). Il prend en charge aussi les conséquences des actes terroristes et aussi des émeutes ou des mouvements populaires lorsque leurs effets sont d’une intensité grave pour la collectivité. En sont toutefois exclus, les dommages et préjudices provoqués par l’utilisation d’agents ou d’armes chimiques, biologiques, bactériologiques, radioactifs ou nucléaires, dus à la guerre civile ou à la guerre étrangère ou provoqués par un acte de cybercriminalité.
Un régime couvrant les catastrophes d’origine naturelle ou humaine
En s’inspirant d’autres expériences étrangères, le régime marocain d’indemnisation est mixte ; il fait appel à l’assurance privée et à la solidarité nationale. C’est ainsi qu’un « Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques » est créé ; il a pour mission d’indemniser les victimes d’évènements catastrophiques lorsqu’elles ne sont pas couvertes par des contrats d’assurance. Les ressources du fonds sont constituées essentiellement d’une dotation budgétaire de l’Etat et de taxes parafiscales.
Outre le Fonds de solidarité, l’assurance est appelée à jouer un rôle important dans le cadre du régime d’indemnisation des victimes des événements catastrophiques. Pour y arriver, la loi prévoit que la couverture offerte par certains contrats d’assurance est obligatoirement étendue aux conséquences des évènements catastrophiques. Il s’agit des contrats d’assurance garantissant les dommages aux biens, les contrats d’assurance couvrant la responsabilité civile automobile et les contrats d’assurance couvrant la responsabilité civile pour les dommages corporels causés aux tiers autres que les préposés de l’assuré. L’extension obligatoire de la couverture se fait moyennant le paiement par l’assuré d’une surprime dont le tarif est fixé par le gouvernement sur proposition de l’Autorité de Contrôle des assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS).
Un régime de couverture mixte
Comment se déroule la procédure d’indemnisation ? Tout d’abord, la survenance d’un évènement catastrophique est déclarée par une décision administrative après avis de la « Commission de suivi des événements catastrophiques », organe créé pour assurer le suivi de la mise en œuvre du régime d’indemnisation. Ladite décision précise notamment, les zones sinistrées, la datation de l’évènement et la nature des dommages éligibles aux prestations du régime. Elle ouvre en même temps le processus d’octroi d’indemnités par le Fonds de Solidarité et la mise en jeu de la garantie contre les conséquences d’évènements catastrophiques pour les victimes disposant de contrats d’assurance.
Il est à préciser que les victimes qui bénéficient des indemnités du Fonds sont celles qui ne disposent pas d’une assurance. L’indemnisation porte sur le préjudice corporel provoqué par l’évènement catastrophique et également sur la perte de l’usage de la résidence principale. La détermination de l’indemnité au titre du dommage corporel intervient sur la base du Dahir portant loi du 02 octobre 1984 relatif à l’indemnisation des victimes des accidents causés par les véhicules terrestres à moteur. Quant au logement endommagé, l’indemnité est accordée par le Fonds de solidarité aux personnes dont l’habitation principale est déclarée inhabitable. Son montant est déterminé selon que l’occupant du logement soit propriétaire ou locataire.
Les victimes disposant d’une assurance comportant une couverture des évènements catastrophiques sont indemnisées en conformité avec les termes de leurs contrats conclus avec les compagnies d’assurances. Notons qu’une victime ne peut être indemnisée qu’une seule fois, soit auprès d’une compagnie d’assurances soit auprès du Fonds de Solidarité.
Pour assurer l’équilibre du régime, la loi impose aux compagnies d’assurances de retenir une partie des risques et de céder en réassurance l’autre partie à la Société Centrale de Réassurance (SCR) qui est tenue de l’accepter. Cette dernière bénéficie de la garantie de l’Etat couvrant le défaut de placement auprès des réassureurs internationaux ou leur défaillance.