Le Maroc sous le règne de S.M. le Roi Mohammed VI : des pas de géant vers l’émergence économique [Par Lahcen Haddad]
Depuis plus de deux décennies, le Maroc a connu une croissance économique soutenue, ce qui lui a permis de tripler son PIB (de 40 milliards de dollars en 2000 à 120 en 2020), de doubler son revenu par habitant (de 3500 dollars en 2000 à plus de 8000 en 2019), d’élargir le poids de la classe moyenne (passant, selon le HCP, de 53% de la population en 2007 à 58,7% en 2014) et de réduire la pauvreté absolue de 15 % en 2000 à moins de 2 % en 2019.
Les réformes engagées par le Maroc sous le leadership du Roi Mohammed VI, ont donné leurs fruits. Le Maroc d’aujourd’hui, est bien différent du Maroc de 1999, quand le jeune Roi avait pris les rênes du pouvoir du Royaume chérifien : il est plus prospère, plus industrialisé, et dispose d’une économie forte et plus diversifiée. Il reste, certes, des lacunes et des vulnérabilités structurelles, qu’on va aborder en bas, mais l’économie marocaine est arrivée à une maturité qui lui permet de réaliser une croissance régulière certaine et une intégration plus durable dans l’économie mondiale.
Le magazine londonien, The Economist, avait entrepris, en 2020, une étude sur 66 économies émergentes et avait conclu que le Maroc occupe la 26ème place en termes de santé financière, quatrième parmi les pays arabes, malgré la crise sanitaire (Morocco World News, « Morocco 26th Strongest Among 66 Emerging Countries, 4th in Arab World », May 4, 2020). Les indicateurs de santé financière utilisés par The Economist sont la dette publique, la dette externe, le coût de la dette et le taux de couverture des réserves en devises (ibid.). A l’exception de la dette publique, le Maroc semble maîtriser les autres indicateurs.
Depuis avril 2020, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, avec l’impact de la pandémie qui a fait exploser tous ses indicateurs macro-économiques ; néanmoins, The Economist a souligné que le Maroc dispose d’atouts solides pour revenir assez rapidement à une situation normale d’équilibre macro-économique.
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Le Maroc émergent de demain
Que faut-il au Maroc pour devenir un pays émergent en bonne et due forme ? Une croissance soutenue sur plusieurs années qui dépasse une moyenne annuelle de 7%, un arrimage soutenu aux chaines de production mondiales, une ouverture plus prononcée sur les capitaux mondiaux, l’augmentation de la valeur exportable nationale et une stratégie industrielle orientée aussi bien marché interne, qu’international.
Le marché du travail et le capital immatériel et institutionnel
Au niveau de la croissance, le grand défi a été pendant deux décennies, l’incapacité de l’économie marocaine à réaliser plus qu’une moyenne de croissance de moins de 4 % annuelle malgré l’effort considérable en matière d’investissement public et privé, en plus des IDE.
La croissance timide de l’économie marocaine (dépassant à peine la facture de la dégradation environnementale qui est évaluée à 3.7 % du PIB annuellement), est due selon le rapport de la Banque mondiale (« Le Maroc à l’horizon 2040 – Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique ») à une dépendance quasi-totale du capital fixe pour sa croissance ! Le capital fixe se situe à 5 % du PIB, mais pour arriver à une croissance soutenue de 6 à 7 % du PIB, il faut que ce capital arrive à 50 % du PIB, chose insoutenable vu que l’épargne ne dépasse pas 30 % du PIB ; chercher les 20 % qui restent dans la dette ne peut se faire sans mettre en péril l’équilibre fragile (nonobstant déficitaire) de la balance des paiements. Les relais de croissance additionnels possibles se trouvent au niveau du marché de l’emploi et du capital immatériel.
Seulement 46% des Marocains travaillent (23% au niveau des femmes) selon le même rapport ! Ouvrir le marché de l’emploi par le biais de nouvelles formes innovantes et flexibles de contractualisation, l’adoption d’une nouvelle loi sur les grèves, la promotion de l’auto-emploi, l’entreprenariat social et collectif, l’économie sociale, la gestion des carrières, la promotion de nouveaux métiers, l’employabilité durant la formation, la promotion de l’innovation technologique – permettrait au Maroc d’arriver à 56 % de taux d’emploi et de gagner au moins un point additionnel de croissance.
D’autres relais de croissance sont à chercher dans le renforcement du système de gouvernance, la transparence dans l’octroi du foncier et du capital, dans des institutions fortes et redevables, un tissu associatif fort, une participation des femmes plus soutenue, l’innovation, la recherche et le savoir. C’est le capital immatériel.
Sa Majesté insiste toujours sur la nécessité de réformer le système de gouvernance et de promouvoir le capital institutionnel et immatériel. En bon visionnaire, il a toujours réitéré que les vrais relais de croissance se trouvent au-delà du capital fixe, au niveau de la capacitation des différentes couches sociales via la couverture médicale et un système efficace de protection sociale, un chantier fort structurant, voire un chantier de siècle grandement transformateur.
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L’Europe, le nouveau système des Supply Chains et le Maroc
Concernant les chaînes d’approvisionnement, hautement perturbées par l’impact négatif de la pandémie, le Maroc doit saisir l’opportunité de la refonte du système mondial des chaînes de productions pour se positionner en vrai partenaire de l’Europe, proche géographiquement et culturellement et lié par un partenariat avancé avec l’UE. Le démarrage de la crise du COVID-19 avait entraîné au début, une perturbation des chaînes logistiques qui ont « assisté à la fois à une chute progressive de l’offre industrielle, à une perturbation des approvisionnements et à un arrêt presque total de la consommation dans certains secteurs » (SpinPart, cabinet de conseil stratégique et opérationnel en management et organisation, « L’impact de Covid-19 sur le Supply Chain »).
L’Europe est en train de revoir sa dépendance des Supply Chains à partir de la Chine. Le Maroc doit saisir cette opportunité pour mettre en place une offre réaliste, mais ambitieuse. L’industrie marocaine est compétitive au niveau des écosystèmes de l’automobile, de l’aéronautique, des chimies et parachimies, de l’agroalimentaire, de la maroquinerie et de l’habillement. Elle devrait être encore plus compétitive si les pouvoirs publics investissent plus dans la transformation des matières premières, dans l’outil industriel, dans le soutien à l’export et la solvabilité financière des PME exportatrices. Le principe doit être « une compétitivité partagée », un win win qui permettrait à l’industrie européenne de bénéficier des avantages compétitifs du Maroc en matière de temps d’approvisionnement et le coût des RH, et le Maroc tirerait profit d’une demande accrue et d’un paysage industriel européen en pleine voie d’intégration.
Le Green Deal de l’Union Européenne, qui a comme objectif d’arriver à la neutralité carbone en 2050, devrait intéresser le Maroc, qui vise à mettre en avant les investissements en énergies renouvelables pilotés par le Souverain depuis des années. S’inscrire dans la logique d’une production industrielle verte nécessite une refonte de la réglementation sur la haute tension et la basse tension, une aide à l’investissement dans l’outil industriel adéquat et l’adoption d’un système de normes similaire au système européen. Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, mis en place suite à une initiative royale, a parmi ses ambitions de financer ces politiques industrielles hautement transformatrices du tissu industriel marocain et du système de Supply Chains avec l’Europe.
Ouverture soutenue aux marchés mondiaux des capitaux
Les préalables de cette ouverture sont la convertibilité totale du dirham, une vraie réforme de la Bourse de Casablanca pour être effectivement intégrée dans le réseau des places boursières mondiales, le développement des marchés des titres et des produits dérivés, l’introduction de nouveaux instruments de capitalisation comme les sukuks, le crowdfunding, les Green Bonds et le capital-risque, et la promotion des investissements à long terme via la mobilisation des fonds d’assurance et de retraite.
Le Maroc dispose de suffisamment d’atouts qui le protègent contre une ouverture tous azimuts de son système financier : un système bancaire solide et fiable, une économie diversifiée, une Banque centrale très habile en matière de pilotage de la politique monétaire, des indicateurs macroéconomiques sains, quoique hautement perturbés par la pandémie, et une attractivité aux IDE plus ou moins développée. Il faut juste mettre en place des politiques sociales efficaces pour protéger les classes moyennes et défavorisées des risques liés aux chocs subis par les marchés financiers au niveau mondial.
Valeur exportable accrue
La croissance de la valeur exportable passe par une compétitivité soutenue de l’industrie marocaine. Les modèles qui marchent jouissent d’un soutien important en amont et en aval. La compétitivité des entreprises au niveau international est le fruit d’une politique volontariste de facilitation de la transformation des matières premières, de soutien à l’acquisition de l’outil industriel et des mesures incitatives en faveur des exportations.
Il est nécessaire de développer des mécanismes pour soutenir les chaînes de valeur de l’industrie en amont, au niveau des transformations des matières premières. Ce maillon est peu rentable et doit être hautement soutenu par l’intervention des pouvoirs publics. Il s’agit de promouvoir l’investissement dans les ateliers de fabrication de fer, le traitement de surface, le traitement thermique des métaux, l’électromécanique, la technologie d’injection plastique, la fabrication de moules techniques, de textiles et de fils automobiles. Le Maroc fabrique actuellement des housses de siège pour le secteur automobile.
Les chaines de production et l’outil industriel ne sont pas soutenus au Maroc, contrairement à d’autres pays. Mettre en place des incitations directes pour encourager les transformations qui visent l’amélioration de la productivité ou l’investissement initial, est une politique volontariste adoptée par plusieurs pays émergents. Le Maroc doit soutenir l’outil industriel pour donner un coup de fouet à la stratégie industrielle renouvelée du pays. L’aide à l’export ne doit pas se limiter à la communication et au marketing, mais également comprendre l’aide au transport, la réduction des frais administratifs et douaniers et le soutien logistique.
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Vers une stratégie industrielle orientée aussi bien marché interne, qu’international
La politique de substitution des imports doit être intégrée dans le cadre d’une vraie politique d’augmentation de la compétitivité de nos industries. Le protectionnisme n’est pas une solution, mais la mise en place des obstacles non-douaniers est une pratique courante chez pas mal de pays. Le Maroc doit également revoir une bonne partie des ALEs, ( accords de libre échange, ndlr) surtout avec les pays qui pratiquent le dumping et les politiques de blocage non douanier.
Cependant, une vraie stratégie industrielle orientée consommation interne doit être compétitive par rapport à l’attractivité des prix au niveau des marchés européens ou autres. Ce n’est pas chose facile, mais il faut mettre en place des mesures incitatives de la consommation des produits fabriqués localement.
Tout à fait au début de la troisième décade du 21ème millénaire, le Maroc, sous le règne éclairé de SM Mohammed VI, se positionne encore une fois au-devant de la scène pour entamer un saut qualitatif vers un avenir meilleur. La vision de Sa Majesté, les politiques volontaristes adoptées ces deux dernières années, malgré la pression de Covid-19, les chantiers structurants de la protection sociale, la régionalisation, la refonte du système de gouvernance, les stratégies sectorielles renouvelées, l’investissement dans le capital institutionnel et immatériel, l’ouverture du marché du travail et l’intégration de l’économie marocaine dans l’économie mondiale, sont des pistes sûres pour voir se réaliser ce Maroc émergent et compétitif en l’espace de quelques années.
La volonté d’un Roi et l’engagement d’un peuple avec toutes ses forces vives et sa classe politique, sont les gages de la réalisation de ce rêve. C’est l’Histoire qui se dessine encore une fois, à l’horizon de ce pays millénaire amoureux de son identité, de son Roi, de son passé et jaloux de son présent et de son avenir.