Le Maroc stigmatisé par Bruxelles pour son « protectionnisme » sur les médicaments
Dans son rapport annuel sur les obstacles au commerce et à l’investissement publié récemment, la Commission européenne recense 43 nouvelles mesures de restrictions prises en 2019 émanant de 22 pays. Le Maroc est sur la liste.
Alors que le Maroc appelle de tous ses vœux à la révision de son partenariat avec l’Union Européenne, un récent rapport de la Commission Européenne sur les barrières commerciales tombe comme un cheveu dans la soupe de nos aspirations pour accéder à un statut encore plus privilégié en marge du vent des appels à la souveraineté et à l’indépendance économique vis-à-vis de la Chine, qui balaie actuellement les centres de décision à Bruxelles. Il s’agit du dernier Rapport annuel sur les barrières au commerce et à l’investissement (paru il y a quelques jours) qui égrène toutes les entraves auxquelles se heurtent les exportateurs européens. Un travail qui vise à orienter l’effort de la Commission et des états membres vers la levée des obstacles de protectionnisme mises en place par les partenaires économiques de l’espace européen à travers des pressions, des négociations à couteaux tirés, voire même des procédures judiciaires devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), si cela s’avère nécessaire. D’ailleurs, dans son prologue à ce document très attendu par les officiels et les parlementaires européens, Phil Hogan, le Commissaire au Commerce à Bruxelles, s’est félicité des actions menées par ses services et autres composantes concernées de l’Union Européenne entre 2014 et 2019, pour supprimer les restrictions commerciales et qui auraient permis de libérer quelque 8 milliards d’euros (près de 90 milliards de dirhams) pour les exportateurs européens.
Mais le rapport en question cite aussi (et là réside la gêne pour le Maroc), les anciennes barrières qui persistent encore et celles nouvelles qui se répandent à travers toutes les régions du monde. On y trouve pêle-mêle une super taxe de 3% sur la majorité des biens importés instaurée par le Liban, des restrictions à l’accès du marché chinois des télécommunications et «les nouvelles exigences du Maroc en matière de produits pharmaceutiques». Une stigmatisation qui fait référence sans doute au léger ralentissement constaté, à partir de 2018, dans l’octroi des autorisations préalables nécessaires à toute importation de médicaments au Maroc de la part de la fameuse DMP (Direction du Médicament et de la Pharmacie) du Ministère de la Santé et ce, suite notamment à différents rapports s’étant emparés du sujet (à chaque partie commerçante les siens !) entre 2009 et 2016 (Commission des affaires sociales du parlement, Conseil de la concurrence…) pour dresser le même constat : la fabrication locale de médicaments est pénalisée par des importations en croissance soutenue. Il faut dire qu’entre 2007 et 2017, les importations en valeur ont plus que doublé en se hissant de 2,6 milliards de dirhams à un peu moins de 6 milliards de dirhams. Certes, on observe une décélération de cette croissance au cours des deux dernières années (en raison de l’allongement précité du process d’obtention des sésames d’importation), mais la balance commerciale du pays continue de souffrir sachant que toute l’industrie pharmaceutique marocaine (soit une cinquantaine de laboratoires, presque autant de sites de production et près de 11.000 pharmacies) exporte à peine 1,27 milliard de dirhams (le cinquième de ce que nous importons). C’est dire que les pratiques du Maroc en matière des « restrictions» sur les produits pharmaceutiques (et ceux de la santé en général), qu’elles soient tarifaires ou non tarifaires, sont loin d’être aussi protectionnistes que ne semblent affirmer nos partenaires européens qui ont décidé (en marge du rapport de Phil Hogan) de nommer un responsable de l’application des règles commerciales investi de la mission de coordonner et diriger toutes les actions de l’Union Européenne visant à lever les « barrières » identifiées dont celle reprochée au Maroc. Le Maroc qui aspire, rappelons-le, en tant que hub industriel aux portes de l’Europe, à capter une partie des relocalisations des activités européennes préalablement délocalisées en Chine et en Asie du Sud Est et dont la crise actuelle du Covid-19 devrait vraisemblablement rebattre les cartes.
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