Le monde a soif
L’eau, comme l’air et la lumière ou la chaleur du soleil, n’a pas de frontière. L’eau est indispensable à tout être vivant. La raréfaction de l’eau est une menace planétaire. Au Maroc, réserves d’eaux de surface et réserves d’eaux souterraines sont à un seuil critique. L’extrême urgence n’est plus à démontrer.
La crise de l’eau est déjà là. Certaines régions dans le monde sont plus touchées que d’autres. C’est le cas du Maroc, en Afrique du Nord. Dans la région de l’Oriental, le taux de remplissage des barrages ne dépasse pas 9%. Le barrage Mohamed V est presque à sec, soit 0,38% d’une capacité initiale de 239 millions de m3. Les nappes phréatiques sont surexploitées. La ville d’Oujda puise son eau potable dans les réserves souterraines dont le seuil actuellement atteint est critique.
Les autres régions n’échappent pas à cette situation. Seul le barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah (Bouregreg), alimentant les grandes villes du littoral (Rabat, Kenitra et partiellement Casablanca), atteint un taux de remplissage un peu meilleur de 31%. Le barrage Al Massira alimentant les villes de Marrakech, Settat, El Jadida (…) atteint à peine 5,5%. La situation ne cesse de s’aggraver. Car les éventuelles prochaines pluies doivent attendre au moins 3 mois. Mais c’est aussi le cas des pays situés même en Europe où de grands fleuves traversent ce continent.
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C’est même le cas de pays, comme les Pays Bas, vivant sous le niveau de la mer. 2ème exportateur agricole mondial, les Pays Bas ont même récemment décidé d’interdire aux agriculteurs d’irriguer leurs cultures avec les eaux de surface. En Afrique, la raréfaction de l’eau dans les campagnes est le facteur principal de l’exode rural et de l’immigration, puisque les capacités d’accueil des villes sont très limitées. L’« immigration climatique » est certainement un nouveau concept qui va bientôt s’imposer dans les discours internationaux. Pourtant des solutions existent et peuvent être mises en œuvre de toute urgence. L’Union Européenne (UE) a déjà expérimenté le traitement et la réutilisation des eaux usées, y compris dans l’agriculture.
Déjà, en Europe, chaque année, pas moins de 40 000 millions de m3 d’eaux usées sont traitées. Mais moins de 25% sont réutilisées. Cette alternative est même devenue une pratique courante dans certains pays comme l’Australie, la Californie et Singapour. Avec 7,7 millions de m3 d’eaux usées, traitées et réutilisées, la France constitue un exemple. Ce créneau est certainement appelé à se développer dans l’avenir proche. C’est une alternative bien meilleure que celle du dessalement de l’eau de mer, compte tenu du coût élevé de cette technique mais aussi des risques environnementaux en termes de dégradation des milieux marins. Mais c’est tout le comportement des humains qui devrait changer radicalement vis-à-vis de cette substance vitale.
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Chaque goutte d’eau est une vie. Droit à la vie et droit à l’eau sont appelés à devenir synonymes. Le Maroc a déjà adopté un « plan de l’eau ». Est-il toujours valable ? Des mesures urgentes ont été prises pour rationaliser la consommation d’eau potable. Des villes comme Tanger ou Tétouan sont à l’avant-garde dans le traitement et la réutilisation des eaux usées, pour l’arrosage des espaces verts. Cette expérience mérite d’être rapidement étendue à toutes les régions du Royaume. La raréfaction de l’eau a certes été accélérée par la baisse des pluies, en rapport avec le réchauffement climatique. Néanmoins, elle est d’abord la conséquence directe des politiques agricoles inadaptées. C’est surtout le cas des cultures trop exigeantes en eau et destinées principalement à l’exportation.
Cette dimension chronique et structurelle est incontournable. Elle est le premier facteur explicatif de la raréfaction de l’eau. Impossible de la contourner pour pouvoir réaliser une véritable économie d’eau. L’eau interpelle toutes les politiques publiques, et en premier lieu l’agriculture qui consomme plus de 80% des eaux. La question de l’eau doit nécessairement être intégrée dans une stratégie globale et cohérente. Les grandes civilisations sont nées avec l’eau. Elles se sont éteintes avec sa raréfaction et sa disparition.