Zones rurales

Le Monde rural: Parent pauvre des politiques publiques. Analyse

Malgré l’urbanisation rapide que connait notre pays, le monde rural continue à occuper à une place centrale tant au niveau de l’économie qu’au niveau de l’organisation territoriale.  En effet le poids de cet espace est encore considérable : il représente 90 % de la superficie du Maroc,  39 % de la population, 85 % des communes, 43% des actifs et 20% du PIB. Sur le plan de la sécurité alimentaire le monde rural assure 72% des besoins du pays en céréales, 87% en laits et 100% des besoins en viandes, fruits et légumes. Néanmoins, la situation du Monde rural reste très contrastée : il présente des atouts et des potentialités considérables (diversité des milieux naturels, richesse des ressources territoriales, paysagères énergétiques et patrimoniales) mais aussi des faiblesses structurelles : pauvreté, analphabétisme, déficit en équipement de base, faible diversification des activités non agricoles, morcellement excessif de la propriété. Certes, beaucoup d’efforts ont été déployés et des moyens conséquents ont été investis pendant ces deux  dernières décennies. Mais les résultats restent limités sur le terrain.

L’évolution des politiques d’intervention dans le monde rural

En schématisant on peut distinguer dans l’analyse des programmes sociaux destinés au monde rural  deux périodes : la période qui va de l’indépendance à 1990 et la période 1990 à nos jours

Les programmes  d’interventions antérieures à 1990

Durant les trois premières décennies qui ont suivi l’Indépendance les programmes sociaux destinés au monde rural ont visé essentiellement à améliorer l’habitat rural. On peut citer à cet égard les programmes suivants :

  • Villages PAM (Programme Alimentaire Mondial) réalisés entre 1968 et 1972 :
  • Programme de construction de logements ruraux avec la réhabilitation de plusieurs ksour et Kasbahs dans le cadre du Plan quinquennal 1973-1977: il s’agit d’opérations menées grâce au FSDR (Fond Spécial de Développement Régional mis en place à l’occasion de la création de nouvelles provinces entre 1974 et 1976).
  • Programme Habitat Rural (initié en même temps que le Programme Social d’habitat en milieu urbain) qui prévoyait la construction d’une cinquantaine de logements embryonnaires par opération avec un coût ne dépassant pas 15.000 DH par logement.
  • Urbanisation en milieu rural: il s’agit d’un programme qui à promouvoir des centres ruraux sur des terrains de l’ordre de 300 ha domaniaux dotés d’équipements collectifs et d’un lotissement d’habitat avec des lots ayant de petites façades mais des profondeurs très importantes qu’on a appelé des lots frites disposant de deux accès distincts : un accès direct au logement sur la façade principale et un autre accès pour les animaux et les engins agricoles sur la façade arrière. Cette démarche n’a jamais pu être concrétisée sur le terrain.

Mais ces actions restent limitées et timides. Les maigres résultats obtenus sont dues essentiellement à  la faible participation de la population et des communautés villageoise à la programmation qui était plus centrale que locale, à la non adaptation des actions aux spécificités locales et aux besoins des ruraux qui relevaient plus du manque d’infrastructures de base (eau, électricité, accès….) et d’équipements collectifs (Ecole, centre de santé,….) et moins de logements. A ces éléments majeurs qui ont fait défaut à la politique sectorielle de l’Etat en matière d’habitat rural, on peut aussi rappeler la non prise en compte par les aménageurs de la variété de la dimension géographique, architecturale, urbanistique et paysagère du milieu rural.

Les programmes après 1990 : l’esquisse d’une stratégie de développement

A  partir des années 90 des changements majeurs  sont intervenus dans la définition des stratégies de développement rural. Parmi les grands programmes destinés au Monde rural il convient de citer : le PAGER et le PERG qui vise à généraliser l’eau potable et l’électricité, le Programme des routes rurales qui vise à désenclaver les villages, l’INDH qui vise le développement humain et la création d’un Fond destiné au Développement rural. Les nouvelles orientations se fondent sur le fait que l’agriculture, principal secteur d’activité économique en zone rurale, principal employeur et producteur de richesses ne peut à lui seul assurer le développement des communautés rurales. Dès lors ces programmes de développement rural, vont s’intéresser aux infrastructures routières, à l’approvisionnement en eau potable, à l’électrification, à l’amélioration de l’accès à l’éducation de base, aux soins de santé, à la promotion de l’emploi et de l’habitat, etc. La diversification de ces actions, a donné lieu à la multiplication des acteurs et des institutions porteuses de ces  projets. C’est ainsi qu’aux départements ministériels est venu s’ajouter les  collectivités locales, des ONG, des bailleurs de fonds internationaux et des organisations de la société civile. Tous ces acteurs  deviennent des initiateurs et instigateurs de projets dans le milieu rural. Les politiques de développement social rural élaborées vont se construire sur quatre axes stratégiques : l’amélioration des conditions de vie par le développement des infrastructures de base ; l’articulation des activités agricoles et non agricoles ; la diversification des activités pour développer l’emploi rural ; la protection des ressources naturelles gravement menacées et enfin e renforcement du rôle des organisations rurales dans la définition et l’exécution des projets de développement.

Grâce à ces programmes sociaux on trouve actuellement plusieurs communes rurales qui ont vu leurs conditions sociales s’améliorer considérablement. L’accès à l’eau potable, à l’électricité et aux équipements éducatifs s’améliorent considérablement.

Des politiques publiques  à faible impact dans le monde rural

Néanmoins l’espace rural apparaît toujours, comme le parent pauvre dans l’évolution qu’a connue le pays dans tous les domaines. La population rurale a souffert et continuent de souffrir des retombées négatives accumulées en raison des sécheresses successives, de l’instabilité de la production agricole et du marché, de la déperdition d’importante surface agricole en raison de l’avancée de l’urbanisation, du déficit enregistré au niveau des équipements et des infrastructures de base. Depuis l’indépendance, des efforts significatifs ont été accomplis et des progrès notoires réalisés dans l’aménagement urbain, par la maîtrise relative des extensions des villes et la construction des logements, mais également en matière de lutte contre l’habitat insalubre dans les périphéries urbaines. Plus de 100 milliard de dirhams ont été dépensés dans les villes, entre 2002 et 2016, rien que  pour la mise à niveau urbaine, la résorption de l’habitat insalubre et le logement social. Sans compter ce qui a été dépensé en équipement publics (Scolaires et sanitaire) et en transport urbain. Et la tendance continue. Selon  les données du Ministère de l’Intérieur, l’Etat va dépenser plus de 100 autres milliard de dirhams dans les cinq prochaines années pour la mise à niveau des grandes villes. En revanche pendant tout le XXème siècle, les interventions de l’Etat dans l’aménagement de l’espace rural ont été limitées. L’une des premières contraintes qu’ont rencontrée les concepteurs de l’aménagement est la dispersion de l’habitat, donnée constante dans les différents plans de développement qu’a connus le pays et qui ressort comme un facteur d’explication des limites ou de l’échec des options en matière d’aménagement spatial en milieu rural. Une deuxième contrainte pour l’économie de la construction et pour son adaptation à l’environnement, à la particularité des sites, est l’usage des matériaux locaux. Les aménageurs n’ont pas tenu compte des matériaux locaux, du calendrier agricole, des variations climatiques et de l’inscription de l’habitat dans son environnement. Cet habitat rural, est perçu dans son ensemble, négativement comme insalubre.

Ce bilan globalement limité n’est pas uniquement le fait des responsables des politiques de l’aménagement de l’espace  rural. Les conditions générales de l’évolution des campagnes y ont largement contribué. Le paradoxe entre une production agricole en augmentation et une stagnation du niveau de vie de la paysannerie explique la détérioration des conditions de vie et d’habitat dans le monde rural.

 
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