« Le séisme brésilien » par ( Jamal Berraoui )
C’est un peu provocateur, mais est-ce que les brésiliens auraient été plus tristes si un tremblement de terre avait frappé leur pays ? Je n’en suis pas si sûr. Ils étaient des dizaines de millions à pleurer l’humiliation subie par leur équipe nationale mardi dernier. Dans le pays du football, cela ne peut pas être anodin. Les gamins de 6 ans parlent de la finale de 1950 perdue face à l’Uruguay. C’est dire si ce traumatisme fait partie de la mémoire collective. Aujourd’hui, il sera peut être relégué par le 7-1 contre l’Allemagne.
Cette fois, le traumatisme a lieu dans des conditions de tensions sociales extrêmes. L’on se souvient des manifestations qui dénonçaient l’organisation de la Coupe du Monde et son coût exorbitant, 12 Milliards d’Euros. Hier, ils étaient nombreux à fustiger les responsables qui ont dépensé autant d’argent pour organiser l’humiliation.
Dilma Roussef sait que ce sentiment sera utilisé, instrumentalisé par ses adversaires. A quelques mois des élections, qui auront lieu en novembre, cette relance des difficultés politiques par le sport-roi, n’arrange pas ses affaires. Les frustrations sociales sont très grandes parce que les écarts se sont creusés, que la classe moyenne est laminée. Pour ce peuple épris de foot, la frustration sportive agira comme de l’huile sur le feu.
Au Brésil, le football a toujours interféré dans la politique. Lors de la lutte contre la dictature militaire la contestation est partie d’une équipe de football. Feu Socrate, médecin, fabuleux joueur, mais aussi militant, avait convaincu ses coéquipiers de remplacer le logo du sponsor, par le slogan « Democratia ». Cela ne devait se faire que pour un match, mais devant l’adhésion populaire l’opération a été maintenue, étendue à d’autres clubs, jusqu’à la chute de la dictature. Socrate est considéré par l’ensemble du peuple brésilien comme un grand dirigeant du mouvement démocratique, alors qu’il a refusé de se lancer en politique.
Dernière remarque, l’arrogance de Scolari, l’entraîneur brésilien, son entêtement me rappellent Zaki. Alors qu’il n’aura que 4 mois et quelques matchs amicaux pour préparer la CAN 2015, il prétend partout qu’il va remporter le trophée. En cas de désillusion, nul ne peut prévoir la réaction d’un public chauffé à blanc et habitué des débordements. Et s’il ajustait sa communication ?