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Le «Women’s Tribune» en conclave à Skhirat

De g à d: Rachida Belliard, Vice-Présidente de l’Association France-Maroc pour le commerce et l’industrie ; Fathia Bennis, Présidente du «Women’s Tribune»; Edith Cresson, ancienne Premier ministre française; Bariza Khiari, Vice-présidente du Sénat français. Marlyn Mouliom, Conseillère de la présidence centrafricaine, et Serena Romano, Présidente de l’Association Corrente Rosa.

Femmes, climat et équité.  C’est devant un ensemble d’équations, restées longtemps sans résolutions, que des femmes et quelques hommes appartenant à divers horizons et venant de plusieurs continents, se sont réunis récemment pour parler du climat, de l’équité et des opportunités que représente une présence plus grande de la femme dans les sphères de la décision économique, sociale et politique. par D.A.

Le Palais des Congrès de Skhirat s’est illuminé par des débats de qualité et par des analyses réalistes et souvent appuyées par des études scientifiques et ce, à l’occasion de la rencontre organisée par le «Women’s Tribune», les 29 et 30 mai dernier. Cet évènement organisé sous le haut patronage de SM le Roi a vu une participation active du « R 20 » (régions of climate action) et l’organisation des Nations Unies pour les femmes.
Le climat a été au centre des discussions et a attiré vers cette rencontre d’imminentes personnalités et de nombreux acteurs politiques et associatifs. Entre dérèglements climatiques et dérèglements sociaux, les liens sont très intenses et font des pauvres et des femmes, les principales victimes et les plus proches du seuil de la précarité. La convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique a mis en relief, lors de la 41ème session de son organe subsidiaire l’importance de « l’égalité des sexes dans le contexte des changements climatiques» et c’est cette importance qui a rendu nécessaire de consacrer la rencontre de Skhirat à ce thème. «Justice climatique» est le concept qui a été analysé à travers des approches multidisciplinaires par l’ensemble des intervenants.

Les premières victimes des catastrophes climatiques

Malgré la présence de représentants gouvernementaux et donc «officiels», les débats ont été empreints de militantisme et d’une lecture relevant les faiblesses, autant que les défis à relever.
Dans son discours introductif, la Présidente du «Women’s Tribune», Fathia Bennis a mis l’accent sur tous les dangers que représentent les dérèglements climatiques sur la situation des femmes dans le monde et particulièrement, dans les régions les plus pauvres de la planète. L’enjeu climatique est aussi un terrain d’aggravation de la situation des femmes. Le réchauffement de la planète et ses différentes manifestations comme la sècheresse ou les inondations, donnent lieu à des mouvements migratoires dont les victimes sont les catégories sociales les plus défavorisées. C’est dans cette urgence et face à cette situation, que les deux prochains sommets sur le climat qui auront lieu successivement en France (2015-COP 21) et au Maroc (2016-COP 22), doivent être des sommets de plans d’action. Les chiffres avancés par la présidente de la Women’s tribune sont réels et choquants et menacent l’avenir de l’existence sur la planète terre. Les femmes sont des paysannes, des productrices de l’alimentation et des responsables de l’éducation des enfants et pourtant, elles constituent 70 % de la population pauvre. Pire encore, le nombre de décès lors des catastrophes naturelles est 14 fois plus grand à celui des hommes. Les victimes du tsunami qui a frappé une partie de l’Asie en 2004, sont à 80 % des femmes. Lors des déplacements des populations pour cause climatique, les femmes sont doublement victimes. S’exercent sur elles lors de leurs périples dangereux, des violences sexuelles avec des conséquences irréparables. Sur le plan de la division du travail «homme-femme» la surcharge imposée à la femme lui impose de quitter prématurément les classes de l’apprentissage et partant, l’enfonce dans la dépendance et la précarité.

Les femmes, amies de la nature !

Et pourtant, les femmes dans les pays pauvres sont des amies de la nature et savent la protéger mieux que l’homme. Certaines études ont mis en relief l’accumulation de pratiques précieuses par les femmes en matière d’utilisation des ressources naturelles. Et c’est pour ces différentes raisons que tout programme conçu sans la participation des femmes ne peut aboutir. Les avancées en matière de représentation des femmes dans les différents processus de décision politique et économique, sont encore modestes et provisoirement encourageantes. La consolidation des acquis n’est pas garantie par une meilleure adaptation en matière des règlementations et notamment, du droit de travail et de l’aménagement des horaires dans les administrations et les entreprises. Même au niveau de la représentativité des femmes aux différents sommets sur l’environnement et 20 ans après le sommet de Pékin qui s’est fixé au niveau de ses objectifs d’élever le degré de la présence des femmes, le taux de représentativité n’est que modestement passé de 12% à 15%. A ce rythme, il faut attendre deux siècles pour atteindre une juste égalité. La mobilisation des femmes pour la justice climatique, a conclu la présidente, est aussi une mobilisation pour les droits humains et pour un rétablissement des équilibres « naturels ».
Avant de donner la parole à Hakima El Haiti, ministre déléguée chargée de l’environnement, Michèle Sebban présidente du R 20 a insisté sur le fait que les femmes du monde sont représentées à Skhirat et que 2015 doit être l’année de la décision pour l’avenir de la planète et que la promotion de l’égalité est un facteur de l’émancipation des femmes. La ministre, militante du climat ,a salué l’initiative de women’s tribune pour le choix du thème de la rencontre, avant d’entamer un réquisitoire contre le manque de décision dans le domaine de la gestion du dossier de la dégradation du climat. Le réchauffement est dans une logique de croissance. Les degrés Celsius qui s’ajoutent chaque année ou chaque décennie n’est pas qu’une équation mathématique, mais aussi sociale. En 2030, nous «gagnerons malheureusement» plus 1,5 degré, en 2050 environ 3,5 degrés et en 2100 environ 5 degrés. Les modèles économiques actuels font exploser la température mondiale et il est devenu primordial de changer de modèle avec une course moins effrénée vers la productivité et le consumérisme. En relation avec la température, les pluies sont dans une courbe descendante provoquant sécheresse, migration, insécurité et une augmentation des prix de l’alimentation dans le moyen et long terme. L’homme est en grande partie responsable des conséquences des systèmes décisionnels et c’est une raison majeure pour que la femme soit associée dans la gestion et la décision en matière de climat et donc, des choix des politiques économiques et sociales. La responsabilité en matière de décision visant la réduction des émissions du gaz à effet de serre est générale et chacun doit contribuer à l’effort. La résistance vient essentiellement des grands pollueurs.

Pour la réussite des COP 21 et 22

Au sommet de Varsovie, il était admis que les pays développés devaient supporter 80 % de l’effort de réduction, contre 20 % pour les pays en voie de développement. L’accord qui découlera de la COP 21 devrait se faire dans un cadre « gagnant –gagnant » avec des mesures d’adaptation, de préservation des ressources et de réduction des émissions du gaz. Bassima Hakkaoui ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a contribué au débat en saluant l’engagement de sa collègue El Haiti et en précisant que l’égalité entre les hommes et les femmes est inscrite dans la constitution, dans le plan du gouvernement 2012-2016 (IKRAME) et dans les engagements internationaux du Maroc.
Les thèmes traités lors des différentes séances plénières ont apporté des éclairages importants sur beaucoup de problématiques. Ainsi ont été débattues, « La lutte contre le changement climatique : une affaire de genre? Eduquer ou former : une priorité pour les femmes,une obligation pour le climat, économie verte et féminine ; enjeux et opportunités et les propositions du R 20-Regions of climate action pour l’émancipation des femmes ». Des ateliers et des projections ont pu permettre d’enrichir le débat, la rédaction de la déclaration de Skhirat en tant qu’ajout à la déclaration de Paris. Si l’égalité homme-femme est un facteur d’enrichissement des nations, le manque d’ouverture sur le potentiel féminin inflige des pertes énormes aux économies. L’OCDE a estimé la généralisation de l’accès de tous les enfants marocains à un système éducatif de qualité, au moins pendant les neuf premières années de leur apprentissage, permettrait de multiplier le PIB par 15,9 fois, soit un saut assuré dans le monde des nations développées.

 
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