Conjoncture

L’économie marocaine post-Covid. Des réformes structurelles pour accompagner un regain d’activités inattendu

Grâce à une récolte exceptionnelle en 2021, une relance des exportations, des politiques monétaires et budgétaires facilitatrices et les envois de fonds, le Maroc connait un rebond économique exceptionnel après la récession économique de 2020. Avec cette sortie de crise aussi heureuse qu’inattendue, des réformes structurelles sont implémentées pour soutenir le regain d’activités.  Le FMI salue l’engagement des autorités dans l’application d’un Nouveau modèle de développement consolidant ces nouvelles mesures qui devront être implémentées avec précaution pour en garantir le succès.

La crise sanitaire a confirmé, si besoin était, que la priorité doit être donnée à la protection sociale. Ainsi, les efforts vont en faveur de l’inclusion en vue d’étendre l’assurance maladie à 22 millions de Marocains. Les premières opérations, avalisées par l’adoption de décrets en 2021, permettront d’accueillir 3,5 millions de nouveaux cotisants indépendants. Il est également question d’améliorer la qualité des soins et de faire en sorte que le système soit gérable en termes de coût.

Des réformes pour favoriser l’inclusion, l’efficience et la compétitivité

Pour consolider ces initiatives destinées à garantir la pérennité du nouveau système de protection sociale marocaine, un registre national unifié sera mis en œuvre. Le lancement du projet pilote est prévu durant cette année 2022.

Autre enjeu essentiel de l’économie marocaine, le développement du secteur privé marocain est au cœur des réformes structurelles. Des mesures incitatives sont envisagées pour favoriser la création d’emplois, notamment une facilitation d’accès aux ressources et une baisse de la fiscalité pour les secteurs à forte valeur ajoutée. Viendront en appui des actions directes telles que l’allègement des démarches administratives et réglementaires, la réduction des coûts logistiques et énergétiques, l’amélioration des moyens physiques et du capital humain, etc. Les autorités pourront corriger les défaillances les plus flagrantes des politiques de marchés et ainsi favoriser le développement du secteur privé en intervenant conditionnellement à une analyse coûts-avantages qui intègrent les questions budgétaires et de rendement socioéconomiques. Cet aspect est particulièrement pertinent pour la création de nouvelles zones économiques favorisant les investissements internationaux et pour le Fonds Mohammed VI d’investissement qui encourage l’investissement privé grâce à la mise à disposition de fonds propres ou quasi-fonds propres pour les entreprises locales.

En parallèle des efforts pour développer le secteur privé, le secteur public est repensé, promouvant une volonté d’uniformisation des règles du jeu pour les deux. A cette fin, des lois-cadres sont établies et approuvées en juillet, et une Agence nationale créée pour consolider et optimiser le portefeuille des entreprises publiques.

Il reste toutefois à affermir la neutralité du marché entre les entreprises publiques et privées. Cela passera nécessairement par la suppression du monopole de certains secteurs clés de l’économie par les entreprises publiques, des pratiques fiscales et réglementaires plus homogènes, et des règles claires sur les questions de subventionnement.

Les autorités poursuivent aussi leur lutte contre la corruption en misant sur plus d’efficacité du système pénal pour sanctionner les infractions et en veillant à avoir plus de transparence dans l’attribution des marchés publics (avec une accessibilité des informations clés sur le site du gouvernement). Le rapport du Nouveau modèle de développement prévoit également d’autres actions pour contrer l’enrichissement illicite en corrélation avec les normes internationales, et améliorer l’efficacité et la transparence du système judiciaire marocain.

Dernier point, et non le moindre dans toutes ces actions pour un boost économique, le Maroc veut faire de l’investissement vert une locomotive pour la croissance et l’emploi. Il y a encore une marge importante à combler dans la part des énergies renouvelables qui ne représentent que 20% de la production et 7% de la consommation d’énergie. Dans cette optique, il pourrait être opportun de renforcer la concurrence dans le secteur de l’électricité afin de réduire les coûts. Par ailleurs, le changement climatique comme frein à une croissance potentielle pose la question d’un investissement plus conséquent dans les infrastructures d’adaptation.

Lire aussi | Les créations d’entreprises en hausse de 30% en 2021

Pour une bonne mise en pratique des réformes structurelles

En accord avec le FMI, les autorités ont souligné l’importance de réussir la mise en œuvre des réformes. Pour cela, elles adoptent d’abord une approche pragmatique en amont de la conception et évaluent avec précaution les impacts de leur application sur la croissance. Ainsi, l’agencement des opérations est minutieusement étudié pour s’imbriquer dans un cadre macro-budgétaire avec un référentiel clair pour en mesurer l’impact.

Sur les questions énergétiques, les initiatives ne se limitent pas à la promotion de l’énergie renouvelable. En effet, le Maroc souhaite renforcer l’accès à l’approvisionnement international en gaz naturel, et favoriser la concurrence sur le marché des ressources.

L’accent est également mis sur l’ouverture du commerce et de l’investissement dans le respect des engagements bilatéraux et multilatéraux. Ainsi, la promotion de la production nationale repose plus sur une volonté de renforcer l’industrie manufacturière en facilitant son intégration dans des chaînes de valeurs mondiales plutôt que sur des mesures protectionnistes en vue de bloquer le commerce extérieur.

Une sortie de crise pleine de promesses

L’économie marocaine rattrape son retard. Avec un déficit du compte courant revenu à un niveau plus proche de celui d’avant la pandémie, la forte compression en 2020 semble n’être plus qu’un mauvais souvenir. Le Maroc a aujourd’hui une position de réserve internationale bien plus solide et les services du FMI prévoient une croissance du PIB de 3 % environ ces prochaines années. Toutefois, l’incertitude subsiste selon l’évolution de la pandémie et les résultats de la mise œuvre des réformes structurelles. Une politique budgétaire plus stricte serait bénéfique, si tant est qu’elle soit définie dans un cadre macro-budgétaire et renforcée par la réforme du régime fiscal et de la fonction publique pour mieux contenir la masse salariale. De plus, en supposant que l’inflation se maintienne à un niveau gérable, la réduction des déficits budgétaires permettrait à la politique monétaire de demeurer accommodante un peu plus longtemps.

Les autorités publiques, engagées à réussir la transition économique de manière positive et pérenne, ont donc pris des mesures réformatrices pour répondre à des besoins clés.

Saluée par le FMI, la mise en place d’un système de protection sociale généralisé peut aider à atténuer les défauts de couverture et les écarts qualitatifs des services de santé. Ce renfort de sécurité, complété par un registre social unifié, offre un tremplin pour une démarche inclusive et efficace.

En sus de ces considérations sociales, une réforme du secteur public est entreprise pour diminuer la charge financière sur le budget et créer un cadre de neutralité du marché propice au développement du secteur privé.

Le Nouveau modèle de développement préconise également plusieurs actions en vue de rendre les entreprises marocaines plus compétitives, dans une dynamique de gouvernance améliorée, avec un meilleur capital humain.

Afin de maximiser les chances de réussite de ces réformes, la précaution doit être apportée dans la conception et l’ordonnancement des différentes étapes. Ainsi, un plan de financement, adéquatement conçu pour un cadre macroéconomique cohérent et stable, est nécessaire pour juguler l’incertitude de l’impact sur la production à venir et un espace budgétaire restreint. Les autorités marocaines s’entendent avec les services du FMI sur l’objectif qui est de dessiner un chemin de croissance plus robuste, dans un environnement où prédominent l’inclusivité et la durabilité.

 
Article précédent

Les créations d’entreprises en hausse de 30% en 2021

Article suivant

Hausse des prix, sécheresse, inflation… le gouvernement dans l'œil du cyclone