Interview

« L’écosystème de Boeing a déjà enregistré ses premiers succès »

Le secteur aéronautique au Maroc est devenu en l’espace d’une douzaine d’années une véritable base avec l’implantation de grands groupes étrangers de renoms. Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie Numérique, décrypte les avancées de cette filière, fleuron de l’industrie marocaine, et dresse les enjeux de celle-ci.

Challenge : Seize ans, c’est le temps qu’il a fallu au Maroc pour s’imposer comme une puissance montante de l’aéronautique. Ce secteur attire aujourd’hui de plus en plus d’investissements. Comment le Maroc en est-il arrivé là ?

Moulay Hafid Elalamy : Le point de départ est la vision de SM le Roi Mohammed VI d’un Maroc industriel positionné dans des secteurs de pointe. Les plans nationaux se sont succédé pour donner vie à cette Vision et créer les fondements de l’industrie aéronautique marocaine : une infrastructure de qualité, des programmes de formation adaptés et une réponse administrative améliorée. Ce socle bâti, la plateforme marocaine a été en mesure d’accueillir les premiers succès aéronautiques qui ont émis le signal de la forte compétitivité du Royaume. Le lancement de MATIS, joint-venture Boeing et Safran en 2001, l’installation au Maroc du premier avionneur Bombardier, l’arrivée d’Hexcel ou le lancement des écosystèmes sectoriels sont autant de points d’inflexions positifs du développement aéronautique au Maroc. Le dernier en date, la signature de l’écosystème Boeing devant SM le Roi en septembre 2016 confirme l’entrée dans une nouvelle ère aéronautique de la plateforme marocaine. Avec l’écosystème Boeing, nous marquons ostensiblement le passage d’une posture de sous-traitant à celle de partenaire industriel.

Qu’est ce qui a motivé le constructeur américain Boeing à s’engager désormais sur le développement d’une plateforme de « sourcing » ?  

Le secteur aéronautique vit un moment charnière ; on estime la demande mondiale à près de 40.000 avions à construire d’ici 2030. Les cadences de production n’ont jamais été aussi importantes et cela pose un défi industriel majeur : l’aéronautique doit changer de schéma de production et s’orienter davantage vers le modèle de l’industrie automobile. Ce n’est pas un hasard si Boeing a sollicité Toyota pour la construction de son site de Renton qui produit la nouvelle génération du 737. De nouvelles plateformes agiles et compétitives doivent émerger, le Maroc a été identifié par les leaders comme l’une des plateformes les plus performantes. Le prérequis du travail avec Boeing était de parvenir à un accord qui n’engageait pas de commande publique en contrepartie, l’accord devait être purement industriel. Le Maroc a convaincu sur les 3 principaux critères d’évaluation de Boeing : Qualité, Livraison à temps et Compétitivité.

À quand les premières implantations dans le cadre de cet écosystème de Boeing ?

L’écosystème de Boeing a déjà enregistré ses premiers succès. Les accords avec les fournisseurs sont en cours de finalisation. Le Salon du Bourget est l’occasion de travailler sur ces projets d’investissements pour le Maroc. Nous préparons précisément avec Boeing les rencontres investisseurs de l’écosystème au Bourget.

En 2014, le Maroc a fait de l’aéronautique l’un des secteurs prioritaires dans son nouveau plan d’accélération industrielle qui vise le doublement de cette activité à l’horizon 2020. Quel est le chemin parcouru par le secteur marocain de l’aéronautique trois ans après le lancement de ce programme ambitieux ?

Le Plan d’Accélération Industrielle (PAI) vise la mise en cohérence des secteurs industriels. Notre priorité a été de densifier la plateforme de production pour localiser davantage de valeur et rendre plus compétitive notre industrie. Pour ce faire, nous avons attiré des acteurs locomotives comme Bombardier ou Stelia qui amènent dans leur sillage de la capacité pour leurs fournisseurs et sous-traitants. Nous avons également attiré des acteurs pionniers, comme Hexcel dans les composites, qui comblent un besoin jusque-là uniquement obtenu à l’import. Ce travail d’identification des besoins importés, au passage, a été fait par les équipes du ministère aux côtés du GIMAS et nous a permis de prioriser les acteurs à cibler pour la plateforme Maroc. La croissance de l’activité enregistrée ces dernières années a été de 17%. Dans le cadre du PAI, nos industriels prévoient à présent une croissance annuelle de 18%.

Qu’avez-vous prévu en matière d’offres de formation de main d’œuvre qualifiée pour accompagner cette montée de régime ?

L’Institut Spécialisé des Métiers de l’Aéronautique et de la Logistique Aéroportuaire (ISMALA) opéré par l’OFPPT et l’Institut des Métiers de l’Aéronautique (IMA) piloté par les industriels travaillent aujourd’hui de concert. Les besoins sont tels que nous avons travaillé avec ces partenaires industriels pour activer les synergies de formations et développer des programmes complémentaires. Dans le cadre du Plan d’Accélération Industriel, 23.000 emplois devront être créés dans le secteur aéronautique. Il est impératif que ces besoins d’emplois soient pourvus en ressources adéquates. Nous avons voulu faciliter la tâche aux instituts de formation et avons ventilé ces 23.000 emplois par profil (ingénieur, opérateur, technicien…), par année et par région. Pour répondre aux besoins, nos partenaires de formation se tiennent à nos côtés : une extension de l’IMA est en cours et l’ISMALA se rapproche des industriels pour développer de nouvelles formations.
Le lancement de l’écosystème Boeing répond également à l’accélération aéronautique. Notre accord avec l’avionneur prévoit, en effet, le lancement d’un programme de formation élaboré par Boeing, financé par le Royaume, et dédié aux fournisseurs qui intègrent l’écosystème.

 

 
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