Leila Haddaoui, DG de Pierre et Vacances, présidente de l’ANIT : La bâtisseuse
Architecte de formation, cette manager a déjà un CV bien rempli, qu’on ne lui prêterait pas au vu de sa jeunesse. Depuis la CGI à Pierre et Vacances, elle est passée de la table à dessin, où elle concevait des projets touristiques, à la salle de réunion où elle négocie des partenariats public/privé pour apporter une vision d’ensemble au secteur, vu par les privés.
Ce sont parfois des petits détails qui sont les plus révélateurs de la personnalité. plus que le parcours lui-même. Avant même de rencontrer Leila Haddaoui, on se fait une idée ou on se l’imagine, sur ce qu’elle est ou devait être. Elle est ponctuelle au rendez-vous, à la minute près. Une précision de montre suisse, aurait-on envie de dire, sans mauvais jeu de mots et sans justement la nonchalance méditerranéenne. Dès le premier contact, le style confirme les premières impressions: tenue vestimentaire des plus classiques. Elle a opté pour la sobriété d’un ensemble noir et blanc, presque austère, et qui privilégie la commodité du déplacement. Questions bijoux, on préfère les perles, trois, portées aux oreilles et au cou. D’emblée, la force de caractère s’exprime: elle questionne sur tout, jusqu’à l’exercice du portrait pour lequel nous l’avons approché. En somme, le “doute scientifique”, comme si le questionnement pouvait révéler au grand jour une vérité nouvelle. On pense à la citation biblique, si appréciée outre atlantique “dig hard, dig deep, don’t you know that the truth will set you free”. C’est peut-être cette phrase qu’elle s’est appropriée inconsciemment pour mettre en lumière un dernier détail qui pourrait changer tout un problème.
Leila Haddaoui est née en 1975, à Rabat, d’un père diplomate et d’une mère au foyer. La particularité de ce couple, aux apparences classiques est sans doute, l’origine de sa mère Suisse Romande, mais née musulmane depuis la rencontre du grand père de Leila avec la religion de Mohammed. C’est peut-être là que l’on trouve la source de cette exactitude d’horloger et le conservatisme dans le style. Comme la plupart des enfants des hauts fonctionnaires de la capitale, elle grandit dans un environnement protégé : “nous avons grandi entre les enfants des amis de nos parents. En cercle quasi-fermé, en quelque sorte.” A ce moment, Rabat est encore une ville administrative, calme et même endormie selon le point de vue que l’on adopte. En tout cas, ce n’est pas encore Rabat que l’on connaît aujourd’hui et dont on fait le tour en pas moins d’une semaine… Leila connaît tout naturellement une enfance heureuse, où les après-midis à la piscine avec les amis sont une occupation courante autant que la lecture. Des loisirs prépondérants, avant internet et lorsque la TV publique ne fonctionnait qu’à partir de 18h. Leila s’adonne au tennis et pratique la danse classique. En somme, une vie qui ressemblait fort à un long fleuve tranquille.
Rester au Maroc pour les études
Le parcours scolaire de Leila commence dans le système bilingue : “j’étais d’abord scolarisée à St Gabriel, une école tenue par les soeurs. L’ enseignement était dispensé en français le matin et en arabe l’après-midi. Nous n’avions pas de contacts avec les soeurs, et nous faisions tout, pour éviter de nous retrouver face à la direction de l’école”, avance-t-elle, dans un rire discret. Elle change souvent de posture de mains, toujours croisées devant elle, dans des attitudes qui rappellent les cours de maintien… Elle se meut avec une économie de gestes, comme si rien ne devait trahir ses pensées. Quelque part, on pense avoir affaire à une Lady.
Leila est bonne élève à tel point qu’elle est encouragée à sauter une classe. Cette avance fera prendre à sa vie un chemin différent de ce qu’il aurait pu être. Elle passe ensuite au système français, et rejoint le Lycée Descartes. Mais dès après, son père est nommé ambassadeur à Moscou. La famille s’envole alors pour l’URSS de l’époque: “nous n’avions pas réellement de contacts avec les russes. C’était encore l’Union Soviétique en plein milieu du phénomène d’ouverture au capitalisme qui signerait son arrêt de mort, c’était déjà la perestroïka, mais pas encore la chute du mur de l’Est. J’étais d’ailleurs scolarisée dans le système français, où aucun élève originaire de l’Union n’était parmi nous. C’était naturellement, un environnement assez surveillé,” analyse-t-elle, puisant dans ses souvenirs. Mais la famille ne reste qu’une année dans ce pays, le père Ambassadeur, ayant été rappelé à Rabat. Leila reprend alors le cours de sa scolarité antérieure, et obtient son bac C en 1992. A ce moment, elle n’a que 17 ans: trop jeune pour partir à l’étranger. Elle s’oriente vers des études d’architecture, à l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat.
Pour Leila, l’école a un système assez conservateur. Elle se lance donc dans un militantisme estudiantin pour plus de liberté d’expression, plus de droit à l’orientation des études et plus de participation. Son engagement la conduira même par se faire élire représentante des élèves de l’école et à défendre les revendications de ses camarades. Pour ce qui est des études elles-mêmes : “l’apprentissage était assez autodidacte. J’ai lu énormément en sociologie, en architecture et en histoire. J’ai eu la chance de mener différents travaux pour le compte du Ministère de l’Habitat pour la Collection « Repères de la Mémoire » dirigée par Said Mouline, et de faire un stage à Londres sur la restauration du patrimoine. A ce moment, je pense que j’ai eu l’occasion de faire un réel travail d’introspection sur l’identité, le patrimoine marocain. C’est aussi à cette période là que j’ai entamé mes premières réflexions sur le tourisme.”
De la table à dessin aux conseils d’administration
Néanmoins, Leila ne se perd pas dans des questionnements existentiels. Elle aura à coeur de concrétiser ses études et obtient son diplôme d’Architecte. Elle caresse le rêve de poursuivre un cycle de formation en gestion à HEC. Mais cela devra attendre et intégrer d’abord, la vie professionnelle. Leila démarre alors à la Compagnie Générale Immobilière. Mais le travail ne ressemble pas à l’idée qu’elle se faisait de l’architecture : “La CGI a été la véritable école pour moi. A l’époque, on considérait que la place de l’architecte se limite aux études et aux plans. C’est l’ingénieur qui est sur les chantiers. Il m’a fallu batailler pour pouvoir suivre mes projets sur chantier,” explique-t-elle. Leila finit par avoir gain de cause et suivre ses projets sur le terrain. A la CGI, elle gravit progressivement les échelons, et réalise des projets divers, tels les Centres Hospitaliers Universitaires, des projets d’Universités et, bien entendu des projets dans le domaine touristique. Elle prend du galon et devient chef de projet. En parallèle, Leila intègre un master en management en mode projet, formation continue qui se prépare en collaboration avec HEC et l’Ecole des Mines. L’année 2005 verra la naissance de sa fille, née d’une union avec un autre architecte rencontré à l’école. Arrive 2006, quand pour progresser, elle est appelée à la maison-mère, CDG développement. “Cela m’a permis d’avoir une vision d’ensemble sur les projets de développement territoriaux de la CDG,” explique-t-elle sans jamais se départir d’une certaine assurance. Dans le fil de son récit, elle se permet même des touches d’humour.
Nous sommes en 2007, et sa carrière prend un tout autre virage, même si elle reste dans le tourisme. Elle est nommée membre du Directoire en charge du tourisme de MedZ. Sa mission consiste à développer des projets touristiques dans le cadre du développement de la CDG. Le “Plan Azur” est lancé, et mobilise toutes les compétences du moment. 2008 sera l’année de l’envol pour Leila : “j’ai été approchée par un cabinet de “chasseurs de têtes”, pour le compte de Pierre et Vacances. J’ai rencontré son président fondateur Gérard Brémond et d’emblée, j’ai été conquise par le Groupe et leur développement au Maroc”, explique-t-elle. On lui propose le poste de Directeur Général de l’antenne marocaine. La manière de faire du groupe, entre ses “Centers Parks” et ses “Resorts” laisse présager de grandes capacités de développement. Elle poursuit sa carrière dans cette entité depuis ce jour. Tout récemment, elle a même été élue à l’ANIT, pour représenter les investisseurs dans le tourisme. Il faut bien une bonne dose de passion, un soupçon de persuasion et une profonde passion pour le tourisme pour mener à bien les missions de l’ANIT, être architecte/chef de projet ne gâche rien à l’ensemble.