Les banques refusent d’être indexées
Les banquiers ne veulent plus entendre parler de refus de financer les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), car c’est leur principal fonds de commerce. Le problème, disent-ils, est ailleurs, dans l’asymétrie de l’information ou l’hésitation des dirigeants des TPME.
La difficulté d’accès au financement demeure un problème pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME). Voilà au moins une conclusion sur laquelle les professionnels du financement et le patronat tombent d’accord. Même Bank Al Maghrib est obligée de se plier devant l’évidence qui ressort de certains rapports internationaux. D’après l’indice mondial de compétitivité du World Economic Forum (WEF) et concernant le volet développement du marché financier, le Maroc est au 69ème rang en 2013 contre 63ème en 2012. Dans le même ordre d’idées, dans le Rapport Doing Business 2014, certes le classement global du Maroc s’est amélioré de 8 places au 87ème rang en 2014. Néanmoins, sur le critère «obtention de prêt», le Maroc a reculé bien que les indicateurs s’y rapportant se soient améliorés ou maintenus. En effet, l’indice de renseignement sur la solvabilité et l’indice sur les droits légaux y sont pour quelque chose.
Evidemment, au-delà de ce tableau qui peut paraître sombre, tous les participants au séminaire sur ce même thème organisé par la Commission financement de la CGEM, jeudi 21 novembre dernier, reconnaissent qu’il y a une nette amélioration.
«Le gap au niveau des positions exprimées par les entreprises et les banques se réduit au fil des ans», souligne d’emblée Abderrahim Bouazza, directeur de la Supervision bancaire au sein de la Banque Centrale. Il ajoute qu’il y a «une mobilisation pour créer un environnement favorable tant au plan de l’offre qu’au niveau de la demande de crédit des TPME». Et visiblement, il n’hésite pas à brandir certains indicateurs, comparant le Maroc aux pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). «La part des crédits accordés aux TPME sur les crédits globaux est de 0,3% pour le Maroc contre 0,08% dans la région MENA», souligne-t-il. L’accélération récente du développement du réseau bancaire y est peut-être pour quelque chose. Entre 2003 et 2012, le nombre de guichets bancaires est passé de 0,6 pour 10.000 habitants à 1,7.
Néanmoins, les motifs d’amélioration sont nombreux, puisque tout n’est pas rose et là également, Abderrahim Bouazza fait parler les chiffres. «La proportion d’entreprises de taille petite ou moyenne bancarisées accédant au crédit ne dépasse pas le tiers du total de la clientèle entreprise», explique-t-il. Cela peut être lié au fait que beaucoup d’entreprises ne demandent pas de crédit. Il s’agirait donc d’une simple appréhension. Les patrons de TMPE estiment souvent que le crédit leur est, de toute manière, inaccessible. Ils finissement par ne pas chercher à se financer à travers les établissements de crédit. Par conséquent, ils n’accèdent pas au crédit.
De plus, parmi les TPME ayant décidé de franchir le pas, «beaucoup sont recalées à cause d’un dossier mal constitué», explique El Hadi Chaibainou, directeur général du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM). Evidemment, en tant que directeur de l’organisation patronale bancaire, on ne peut pas lui reprocher de prêcher pour sa paroisse. Et il ajoute, sous le contrôle du directeur de l’American chamber of commerce (Amcham), «de toute manière c’est partout pareil, des Etats-Unis au Liban, en passant par la France, le Maroc ou la Tunisie».
Au-delà de ces considérations, il y a toujours le reproche classique que formulent les banquiers. Il s’agit notamment du déficit de transparence des TPME que l’on évoque désormais par le terme pudique «d’asymétrie de l’information» entre le chef d’entreprise et la banque. L’Etat de santé économique et financière des entreprises est généralement très mal connue des établissements de crédit. Beaucoup de questions que se posent le banquier face à son client ne trouvent pas de réponses.
L’arrivée du Crédit Bureau chargé de gérer le fichier des engagements bancaires et incidents de paiements soulage le secteur bancaire concernant les mauvais payeurs de crédits bancaires.
En somme, dans l’ensemble, le Maroc n’est pas si mal loti que cela. Les efforts consentis de part et d’autre permettent de faire évoluer les frontières de l’accès au crédit. Evidemment, les TPME ayant un déficit de transparence continueront à être mises à l’écart.
C’est une situation que les banquiers sont les premiers à déplorer, puisqu’en définitive «la clientèle entreprise constitue leur fonds de commerce», comme le souligne Karim Tajmouati, directeur général adjoint du Crédit agricole du Maroc.