Immobilier

Les banques volent au secours du secteur

Immobilier. La fin du premier semestre de 2016 s’annonce difficile pour le BTP en général et pour l’immobilier en particulier. Les mauvaises nouvelles s’accumulent. A la baisse des prix et à la stagnation des transactions s’ajoute, comme corollaire, la baisse de la consommation du ciment. Face à cette situation, les banques se mobilisent pour empêcher l’effondrement du secteur. par S.ALATTAR

Selon le bulletin d’information publié par la Direction de la Promotion immobilière du ministère de l’Habitat et de la politique de la ville, la consommation du ciment a enregistré durant la fin du mois de mai une baisse de 6,15% par rapport au même mois de l’année dernière.
Le recul des ventes est intervenu après un début d’année 2016 prometteur marqué par des hausses certes modestes, mais prometteuses. Mais la tendance baissière a commencé à pointer dès le début du mois d’avril. La fin du semestre s’annonce donc difficile et s’inscrit en rupture par rapport aux tendances observées précédemment. En effet, l’année 2015 s’est clôturée sur une note largement positive avec une augmentation globale de plus de 5% par rapport à 2014. Dans la plupart des grandes régions on a observé en 2015 des augmentations positives. Ainsi, la consommation du ciment a augmenté de 3% dans la région du grand Casablanca, de 4.4% dans la région Tanger Tétouan, de 8,3% dans la région de Marrakech, de 11, 9% dans la région de Rabat. Malheureusement, ces performances ne sont pas pérennes. En 2016, avec la fin du printemps, le secteur s’essouffle et renoue avec la tendance baissière des années précédentes. En effet, depuis l’année 2012, les ventes de ciment se sont inscrites en repli de 1,6%, puis de 6,4% en 2013 et de 5,4% en 2014. Cette tendance baissière a pris fin en 2015 avec une évolution positive. Mais les espoirs suscités ont été vite déçus. Les résultats négatifs du mois d’avril (-2,71) ont été aggravés durant le mois de mai avec une chute de la consommation de l’ordre de moins de 6,15%.
Le recul des ventes est un indicateur parmi d’autres de la mauvaise conjoncture du secteur de l’immobilier, marqué globalement par une surabondance de l’offre, la cherté du foncier, l’inadaptation des produits offerts aux revenus moyens et à la demande réelle de la majorité des citadins. Dans la plupart des grandes villes les projets déjà autorisés dépassent les besoins réels en logement pour les 20 prochaines années.

Relance significative du FOGARIM

Face à cette morosité, les banques se mobilisent pour sauver le secteur, en adoptant plusieurs mesures. Il y a d’abord la baisse significative des taux d’intérêt pour attirer davantage de classes moyennes. Il y a ensuite et surtout la relance du FOGARIM. En effet, durant le premier trimestre de l’année, le nombre de bénéficiaires et le volume de crédits ont enregistré une nette augmentation de l’ordre de 11%. Cette forte implication des banques trouve son origine dans la situation particulière où se trouve aujourd’hui le secteur bancaire marqué par le phénomène de surliquidité, ce qui incite les banques à assouplir les conditions d’octroi des crédits et à s’ouvrir sur les couches à bas revenus. Après des réalisations très modestes en 2015, le fonds Damane Assakane par lequel l’Etat garantit les prêts immobiliers a été fortement sollicité. Durant le premier trimestre de 2016, un milliard de DH de crédits garantis ont été débloqués avec une progression de 9% par rapport à la même période de l’année 2015. Le nombre de bénéficiaires a connu une augmentation constante pour atteindre 5 361 emprunteurs. Comme on devrait s’y attendre, c’est le Fogarim, ce produit financier dédié à la garantie des prêts au logement pour les catégories sociales à revenus modestes et/ou irréguliers qui explique cette augmentation. Le nombre de bénéficiaires de ce type de crédit a connu une hausse de 11% pour atteindre 3 861 et le volume de crédit a atteint 633 MDH. Le Fogaloge destiné à la classe moyenne a connu également une augmentation de l’ordre de 5%.
Rappelons qu’en 2015, Damane Assakane avait terminé sur une baisse d’activité et du nombre de bénéficiaires de 15%, à 3,79 milliards de DH de crédits alloués. L’augmentation constatée durant le premier semestre de 2016 suscite donc de grands espoirs chez les promoteurs. Depuis longtemps, la FNPI réclame une réduction des taux d’intérêt et un assouplissement des conditions d’octroi du crédit pour solvabiliser la demande. Pour elle, on ne peut absorber l’offre actuelle de logements qu’en développant le crédit et en l’ouvrant au plus grand nombre et qu’actuellement, avec l’abondance de l’offre et l’accroissement des besoins en logements, toutes les conditions sont réunies pour que l’activité du fonds Damane Assakane maintienne la tendance haussière affichée sur les 5 dernières années.
Le regain d’intérêt des banques pour le FOGARIM s’explique pour plusieurs raisons. Il y a d’abord le contexte de surliquidité qui oblige les banques à chercher à diversifier leurs placements. Il y a également la baisse du crédit distribué au profit des grands promoteurs et des classes moyennes. Ces segments classiques semblent avoir atteint leur limite. En effet, les établissements bancaires, malgré la réduction des taux d’intérêt, ont vu l’encours du crédit baisser encore de 2% durant les 4 premiers mois de l’année, à près de 770 milliards de DH.
Pour le ministère de l’Habitat, le fait qu’une grande banque comme Attijariwafa bank revient à la solution Fogarim, en mettant fin à son désengagement du mécanisme, est un signal fort de ce regain d’intérêt pour les financements adossés à la garantie Damane Assakane. C’est un changement structurel. Les banques ont finalement compris que c’est la solution d’avenir et le secteur financier national doit innover pour s’adapter à la structure des revenus de la majorité des Marocains.
A la Direction de la Promotion immobilière, on fait observer que les banques manifestent désormais une adhésion telle, qu’elles acceptent même des baisses de taux sur les crédits Fogarim, ce qui n’a jamais été observé auparavant. Rappelons que le taux d’intérêt moyen des crédits garantis au titre du Fogarim a connu une légère baisse sur le premier trimestre 2016, pour se stabiliser autour de 6,35%. Pour le ministère de l’Habitat, les assouplissements et les améliorations mises en œuvre au début de cette année ont cherché à étendre le FOGARIM au programme de l’Habitat menaçant ruine (HMR). De même, on a introduit pour les établissements bancaires, la possibilité de faire garantir un portefeuille de crédits dans son ensemble au lieu de garantir des prêts individuels, comme c’était la pratique en vigueur auparavant. D’autres mesures d’accompagnement ont été introduites pour renforcer l’adhésion des banques, telle que la dématérialisation totale et intégrale du processus du déclenchement de la garantie. Pour rappel, les banques avaient toujours sévèrement critiqué les lourdeurs qu’elles subissent pour se faire indemniser en cas de défaillance d’un emprunteur et le taux de satisfaction des mises en jeu de garantie ne dépassait pas les 20%. Avec l’entrée en vigueur de la dématérialisation et des services en ligne sur le Web, les délais de remboursements ont été très réduits et le taux de satisfaction des banques est passé à plus de 90%.

 
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Hassan Sentissi, président de l'Association marocaine des exportateurs (ASMEX)

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