Société

Les Bonnes Œuvres du Cœur, un battement pour la vie des enfants démunis

Ils sont attaqués pour des raisons incompréhensibles, et pourtant, les Bonnes oeuvres du coeur continuent de prodiguer un millier de consultations échographiques du coeur, 500 cathétérismes et une moyenne de 400 opérations par an. Parole à la défense.


L
e Maroc est le pays du système D.  Avec peu de moyens, beaucoup de sacrifices et un peu d’assistance, on réalise de grandes choses. Ce qui peut paraître une goutte d’eau douce dans un océan de détresse humaine, peut  sauver des vies humaines. Ce genre d’initiatives, d’aucun ne pourrait contester qu’elles sont louables, d’autant plus que ce sont des vies d’enfants que l’on sauve. Les Bonnes oeuvres du coeurs sont de ces  réalisations là, qui viennent en aide aux enfants démunis, souffrant de problèmes cardiaques, et qui nécessitent des interventions  chirurgicales. Au moment même où le journal “Le Soir” relayait un rapport du Centre marocain des droits de l’homme (CMDH), qui taxait le centre cardiopédiatrique  de Casablanca, dépendant de l’association de “dysfonctionnements”, de “pratiques douteuses” et “d’agissements non conformes à sa vocation humanitaire”.
Challenge s’est rendu sur place pour  recouper les faits.


Au coeur du centre
 
cardio-pédiatrique

Nous nous rendons au 3 Bd Ghandi, à Casablanca. Devant le bâtiment du centre cardio-pédiatrique, une inscription annonce déjà la vocation associative du centre. Quelques marches d’escaliers plus  haut, nous sommes devant l’accueil de la clinique. Rien ne distingue le centre d’un autre établissement de soins privés, si ce n’est l’enseigne des Bonnes oeuvres du  coeur. Après nous être annoncés, nous descendons dans les locaux exigües de l’association, dans l’enceinte même de la clinique. Là, Aïcha Jennane, la fille même du médecin président fondateur  de l’association, nous reçoit. Nous faisons la visite des locaux. A l’étage, les salles de réanimation sont presque pleines. Les “bip” des machines et les souffles artificiels des respirateurs dans les grandes salles, rappellent des séries hospitalières américaines. Le personnel déambule dans les salles se soins, affairé, dans une ambiance de ruche où chacun connaît sa tâche. Mais le geste affectueux et rassurant, accompagnant les soins prodigués, donne cette touche bien maghrébine. Des adultes, mais aussi des enfants en bas  âge, se remettent de l’opération qu’ils ont subie. Pour la plupart, ce sont des patients tirés d’affaires, mais il y a aussi quelques enfants, branchés aux appareils respiratoires,  entre la vie et la mort.

Là, la petite “Sarra” transférée depuis l’hôpital Averoès, attend d’être opérée. A son arrivée, on a décelé une infection respiratoire. Elle  doit être d’abord soignée pour sa maladie, avant d’être opérée. Nous posons aux responsables la question qui fâche: agissent- ils contre leur vocation humanitaire? Evidemment, la réponse est négative.  “Les gens qui se présentent chez nous ont été déboutés de tous les hôpitaux et de toutes les associations avant d’arriver ici,” affirme Aïcha Jennane. Pourtant, le CMDH les  accuse d’extorquer 60 à 72.000 DH aux patients. Selon les informations rapportées par le Soir, le centre ferait du caritatif à des fi ns lucratives. Serait-ce du chan-tage? “Le montant facturé ne couvre que le matériel et les consommables”, affirment les responsables des Bonnes oeuvres du coeur. Car, il faut bien payer les médecins,  eux-même salariés du centre. 

La gestion par la baraka

 
Comme souvent dans ces cas, la gestion relève de la divine providence. On passe de lit en lit devant les malades en phase de réanimation ou de soins post-opératoires,  et les responsables poursuivent leurs explications. Des patients qui ont une mutuelle sont également admis dans le centre. Ce sont ces patients “payants”, qui équilibrent les budgets de fonctionnement  du centre. Pour ce qui est des frais d’hospitalisation, ce sont généralement des entreprises bienfaitrices privées, sollicitées par les services sociaux du centre  qui mettent la main à la poche. “On opère les malades quelle que soit leur condition financière. Quitte à “mendier” de l’argent par la suite auprès de donateurs. Mais lorsque  c’est une question de vie ou de mort, on met sa fierté de côté,” explique Aïcha Jennane. Voilà pour le système D. Mais le centre a également une vocation internationale. A  l’étage, dans les chambres, on rencontre Fatou, une béninoise au chevet de son enfant tout juste opéré. Là, la coopération Sud-sud prend tout son sens. Depuis l’obtention  du visa pour le Maroc, au transport, et au coût de l’opération, plusieurs bienfaiteurs se sont relayés pour que l’enfant soit opéré. Ce sont trois enfants que nous verrons dans cette chambre  d’hôpital, Fatou, elle, reste effarouchée et timide devant les questions. “Le docteur s’est occupé de tout au Bénin”, se contentet- elle de dire, avec l’accent ronronnant du  subsaharien. 

Le transfert de compétences à l’international 

C’est que la réalité est là, l’Europe a fermé ses portes, et les politiques français affirment complètement décomplexés, que “la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde”. Le Maroc semble prendre, à  son échelle, le relais, puisque l’aide médicale aux démunis subsahariens relève d’une volonté royale. Mais qu’en est-il des  enfants morts sur le billard? En fait, une  dizaine d’enfants, déjà en danger sans opération, perdent la vie annuellement. Le cynisme des mathématiques prend le relais, et l’on se dit que c’est bien peu,  que c’est acceptable lorsque plus de 400 opérations sont menées chaque année. Mais la question principale demeure l’accusation d’exercice illégal de la médecine que formule le CMDH. “Les  médecins étrangers n’interviennent que sur des cas compliqués, et sont assistés par des médecins marocains. Depuis deux ans, certaines opérations risquées, qui étaient  sûres de déboucher sur la mort du patient, ont été menées à bien par des médecins marocains”, se défendent les responsables du centre.

C’est le cas d’une patiente qu’on  nous montre, un petit corps maigrelet, emmitouflé dans une couche et une couverture, branchée à un appareil respiratoire. Sa malformation cardiaque l’aurait  menée à une mort certaine, si pendant toutes ces années des chefs de services hospitaliers étrangers n’avaient pas formé les médecins du centre pédo-cardiologique. Cela étant, et d’après les apparences,  les médecins du centre ne roulent pas sur l’or, s’ils ne sont pas aussi démunis que leurs patients, ils ont tout de même cette bonté dans le visage qui rappelle ce bon  vieux “Herr Doctor” des images d’Epinal. Mais cette bonne volonté se trouve aujourd’hui attaquée, peut-être par excès de zèle, peut-être par américanisation des  rapports à la médecine. Peut-être que c’est cela, l’avenir du caritatif, de ne rien faire de peur qu’on vous tombe dessus. Ne rien faire par peur du procès… ■

 
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