Les détails du sauvetage de la MATU
Le plan de redressement court jusqu’à l’horizon 2021. Une aide du Fonds de solidarité est sollicitée. Objectif: doubler d’ici-là le chiffre d’affaires. Le réseau de distribution sera élargi aux courtiers.
C
’est une compagnie d’assurance qui n’est pas forcément connue du grand public. Et pour cause. La Mutuelle d’Assurances des Transporteurs Unis (MATU) est une mutuelle composée par des sociétaires qui ne sont autres que les transporteurs de voyageurs. Elle aurait dû disparaître du fait des règles prudentielles qu’elle ne respectait plus, des déficits enregistrés… Mais l’Etat a partiellement fermé les yeux pour maintenir une compagnie qui ne doit pas en laisser une autre, la Compagnie d’Assurance Transport (essentiellement destinée aux taxis), en situation de monopole. Néanmoins, en 2008, la direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale (DAPS) du ministère des Finances lui retire les agréments liés aux risques divers (accident de travail, accident corporel, incendie et RC Générale) pour ne lui laisser que l’assurance RC automobile. Si la Matu en est arrivée là, c’est parce que la gouvernance n’a pas été efficiente. Le modèle basé sur un conseil d’administration et une direction générale a été critiqué par la DAPS. Mais il n’y a pas que cela. « Il a été constaté des irrégularités de gestion mises en évidence grâce à un rapport d’audit externe exigé par la DAPS », souligne Mohamed Afifi, le directeur général de la Matu. Parmi elles, on peut citer le non-respect du cycle inversé de production qui veut que les assurés règlent d’abord leurs factures avant de se faire rembourser. Ajouter à cela l’insuffisance de provisions techniques (donc moins de marge de solvabilité et de couverture des placements), le décalage du système d’information avec les standards du marché et un modèle de développement inapproprié. Pour toutes ces raisons, il a été décidé de mettre en place un plan de redressement décliné en plan d’actions sur une période de dix ans. « Il n’est pas exclu que nous parvenons à nous en sortir avant la fin du plan de redressement», admet Afifi. Sur le plan financier, la Matu a besoin d’une aide financière pour l’entamer. C’est ainsi qu’elle a sollicité le Fonds de solidarité des assurances (FSA) pour lui permettre d’améliorer sa couverture réglementaire et accélérer son redressement. Selon une source ministérielle, la somme allouée pourrait tourner aux alentours des 100 millions de DH. «Le financement du FSA est nécessaire. Le prêt sera placé intégralement en obligation et remboursé à la sortie du plan de redressement », indique le directeur général de la Matu.
Changements organisationnels
Sur le plan opérationnel, ce plan de sauvetage vise d’abord à refondre le mode de gouvernance de la compagnie qui devra switcher sur une structure à directoire et conseil de surveillance. « C’est une condition sine qua non qui devra être menée à court terme », lance Afifi. Il est également question de réorganiser la Mutuelle et d’opérer une mise à niveau opérationnelle au niveau des ressources humaines (avec des recrutements et des redéploiements), des changements des procédures de travail, de l’amélioration du système d’information, du contrôle interne, de l’optimisation des sinistres et de la refonte de la liste des experts conventionnés… La réallocation des actifs fait aussi partie des axes du plan de redressement. « Etant dans une situation de sur-exposition sur le marché actions, nous allons nous mettre aux standards du marché. Probablement, la majorité des actifs seront tournés vers les obligations puis vers le segment diversifié. Le but étant d’assurer une gestion prudente de nos actifs », mentionne le DG. L’optimisation du réseau et le renforcement de l’action commerciale ne sont pas en reste. « Sur les 46 bureaux régionaux dont nous disposons en propre, nous allons en fermer certains (c’est le cas de celui de Taourirt) et en fusionner d’autres (à Nador et Meknès). Nous allons également développer un nouveau canal de distribution via un réseau de courtiers. Nous menons actuellement une expérience pilote avec l’un d’entre eux pour rôder le processus avant de l’élargir », dixit Afifi. La Matu, qui veut doubler son chiffre d’affaires d’ici 2021, souhaite alors se positionner en tant qu’acteur principal du marché du transport public de voyageurs à travers une stratégie qui la changera en mutuelle créative et rentable. Elle pourrait l’être, dans le meilleur des cas, dans les deux à trois années à venir.