Les doléances des professionnels du capital-investissement seront-elles écoutées ?
Profitant de la situation actuelle qui favorise la levée de tous les obstacles qui se dressent face à l’acte d’investir et ses corollaires de recrutement et de création de valeur, les professionnels du capital-investissement cherchent à faire passer leurs revendications dans la prochaine Loi de Finances 2020 rectificative. Des revendications, dont les grandes lignes avaient été intégrées au Plan de Relance de l’économie nationale récemment adopté par la CGEM. Y arriveront-ils ?
Trois semaines après avoir dévoilé sa feuille de route en 500 points pour la lutte contre la crise économique générée par la pandémie du Covid-19, on en sait un peu plus sur le contenu du Plan de Relance de l’économie nationale que la CGEM a présenté lors de la huitième session du Comité de Veille Économique (CVE) en mai 2020. En effet, certaines indiscrétions commencent à filtrer de la part des fédérations et organisations professionnelles ayant collaboré, pour pondre ce Plan programmatique émanant du patronat marocain et notamment, pour ce qui est des mesures préconisées en faveur des startups.
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Aussi, en marge des préparatifs de la Loi de Finances 2020 rectificative devant être adoptée d’ici fin juin 2020, l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital (AMIC) qui a été derrière l’insertion d’une batterie de 17 recommandations dans ce Plan de Relance (notamment au sein du corpus des Mesures transversales), s’active aujourd’hui en coulisses pour faire intégrer dans la mouture finale à voter par les parlementaires ses propositions effectives (que le Plan de Relance n’avait pas encore détaillé) déclinées en trois volets prioritaires: l’accès aux compétences, l’accès au financement et l’accès aux marchés. Il s’agit principalement de dispositions fiscales encadrant les acteurs du capital-investissement et les sociétés bénéficiant du concours de fonds d’investissement ou encore d’incitations fiscales à l’endroit des startups, leurs salariés, leurs investisseurs et leurs fondateurs. Concrètement, l’AMIC qui fédère quelques 25 membres actifs parmi les professionnels de l’investissement revendique ce qui suit :
– Exonération de la TVA sur les frais de gestion supportés par les fonds d’investissement. Ce point technique concerne la dualité Fonds d’investissement / Gestionnaire de fonds d’investissement qui caractérise le métier de capital-investissement et qui est le mode opératoire retenu à l’échelle mondiale pour distinguer, d’une part, la structure regroupant les bailleurs de fonds (fonds d’investissement) de celle du mandataire (gestionnaire) désigné par ces derniers pour exécuter, pour leur compte, une stratégie d’investissement prédéfinie et séparer, d’autre part, les responsabilités et engagements de chacune des parties. Or, ce schéma suscite une distorsion fiscale chez le véhicule d’investissement qui ne génère, lui, aucun chiffre d’affaires (ses revenus sont plutôt d’ordre financier, notamment des dividendes et des plus-values sur cessions de titres non assujettis à la TVA), alors que les frais de gestion que lui facture le gestionnaire mandataire sont, eux, grevés de TVA. Ce qui, au vu de l’impossibilité de récupérer cette TVA, transforme celle-ci en charge effective et trahit sa supposée neutralité fiscale. In fine, la capacité d’investissement des actionnaires de ces fonds est grevée par le poids de la TVA non récupérée, soit environ 4 à 5% des fonds qui ne sont pas investis dans le tissu entrepreneurial (une manne équivalente à au moins 100 millions de dirhams par an qui auraient pu bénéficier en fonds propres additionnels à 3 ou 4 PME en quête de financement pour se développer).
–Exonération des droits d’enregistrement sur les réductions de capital. Ces droits qui s’élèvent aujourd’hui à 1,5% sont des plus handicapants pour les fonds d’investissement qui rémunèrent leurs actionnaires et investisseurs principalement par le mécanisme de réduction de capital. Payer un droit additionnel sur la remontée de bénéfices ayant déjà supporté l’impôt sur les sociétés (chez le fonds d’investissement quand il n’est pas exonéré – ce qui est le cas le plus fréquent et chez la société dont le fonds s’est désengagé), est une taxe « punitive » pour des investisseurs ayant opté d’investir dans le non-vote et donc, ne favorisant point l’attractivité de l’investissement dans des fonds à investir au Maroc par des souscripteurs internationaux et nationaux.
–Adoption d’un taux libératoire de 20% pour l’Impôt sur les Revenus pour les salaires distribués par les startups pendant une période de 10 ans à compter de la prise de fonction du salarié.
–Exonération de l’Impôt sur les Revenus pour les stagiaires et chercheurs collaborant avec des startups, ce qui favorise l’employabilité des jeunes et améliore les synergies entre le monde académique de la recherche et le microcosme innovant des startups.
-Adoption d’un cadre fiscal simple et clair pour les stock-options avec une exonération ou un abattement de l’imposition sur les plus-values réalisées par les dirigeants lors de l’exercice de ce mécanisme qui incarne un outil financier et juridique indispensable pour favoriser la performance des entreprises en général et des startups en particulier, en créant le terrain propice pour l’alignement des intérêts entre managers clés et actionnaires.
–Doublement du droit à la réduction d’impôt au profit des entreprises qui prennent des participations dans le capital des jeunes entreprises innovantes en nouvelles technologies (appellation retenue dans la Loi de Finances 2020 initiale) en hissant le plafond actuel de 500 KMAD à au moins un million de dirhams.
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Sachant que l’État est aujourd’hui confronté au casse-tête de conjuguer la relance économique tant par le soutien de l’offre que la stimulation de la demande, avec la préservation un tant soit peu des ressources fiscales, ô combien nécessaires pour financer ladite relance (sans faire exploser l’endettement public !), il est assez éloigné que l’argentier du Royaume ou les parlementaires retiennent l’intégralité de ces requêtes (du moins sans les amender). Et avant cela il faut s’accorder d’abord sur la définition de la Startup, ce qui est une autre paire de manches. Affaire à suivre.