Les entreprises marocaines rapatrient la moitié des bénéfices réalisés à l’étranger
Les entreprises marocaines qui investissent à l’étranger ont déclaré avoir réalisé environ un milliard de dirhams de bénéfices en 2011. Un peu moins de 400 millions ont été réinvestis dans les pays d’accueil.
Lorsque les entreprises étrangères installées au Maroc bouclent l’année, une crainte s’installe: quelle part des bénéfices (et en devises bien entendu) vont-elles rapatrier à leur maison mère. Cette question se pose avec acuité surtout dans la conjoncture que nous connaissons, où les avoirs officiels des réserves atteignent les plus bas niveaux, soit 147,835 milliards de dirhams à fin janvier 2013. Selon la Banque Mondiale, au Maroc, le niveau des rapatriements des revenus vers l’étranger a atteint en 2011 les 2 milliards de dollars. Qu’en est-il alors des entreprises marocaines qui investissent à l’étranger ? De plus en plus de grands groupes marocains, mais aussi des PME, vont à l’international. Ceux-là rapatrient-ils leurs bénéfices ? Dès lors où le thème est abordé avec nos interlocuteurs, les mots « sujet sensible » reviennent sur toutes les langues. « Nous n’avons aucune obligation à communiquer ce genre d’information, nous préférons alors ne pas le faire», lance un
directeur général d’une grande banque de la place. Idem auprès des autorités monétaires qui préfèrent rester très discrètes sur les données chiffrées. Selon la réglementation en vigueur, nos entreprises ont l’obligation de rapatrier au Maroc leurs bénéfices si elles ne les réinvestissent pas. Le font-elles vraiment? A l’heure où les devises manquent au pays et où les liquidités sont en baisse, tout laisserait croire qu’elles le font, mais pas de la même manière. D’après nos recoupements d’informations, au cours de ces trois dernières années, elles rapatrient plus de la moitié de leurs bénéfices. En 2009, les dividendes rapatriés ont avoisiné les 300 millions de dirhams. Ce niveau a doublé en 2011 pour atteindre les 650 millions de dirhams. Cela ne correspond pas à la totalité des bénéfices déclarés. Cette année-là, 370 autres millions ont été réinvestis à l’étranger (contre 400 millions estimés en 2012). Notons tout de même que tous ces chiffres ne reflètent que ce que les entreprises ont bien voulu communiquer. Manquant de moyens humains, les autorités marocaines ont du mal à contrôler tout ce qui se passe à l’étranger. Elles se fient alors aux données communiquées par ces structures. Les bénéfices déclarés sont-ils vraiment ceux réalisés ? Les montants réinvestis le sont-ils dans les filiales ou bien sont-ils placés ailleurs ? Des questions qui restent en suspens.
Qui rapatrie ses bénéfices ?
Sur le terrain en tous les cas, les entreprises contactées s’expriment timidement sur ces bénéfices rapatriés qui vont directement dans les poches des actionnaires. Elles ne donnent pas de détails sur les montants. C’est que chacune gère ce dossier selon certaines spécificités qui leur sont propres ou selon la législation des pays d’accueil. Chez HPS par exemple, son président, Mohamed Horani nous confie que son entreprise, qui réalise 90% de son activité à l’export, rapatrie la totalité des bénéfices réalisés à l’étranger, mais tout en y soustrayant la partie réservée au réinvestissement. C’est le cas des banques qui doivent elles aussi respecter les législations en la matière des pays où elles sont installées. Le rapatriement des bénéfices de leurs filiales dépendra ensuite de la politique menée par chaque établissement. De manière générale, une partie seulement des revenus est ramenée au Maroc. « Nous nous attachons à maintenir un certain niveau de fonds propres pour mener à bien notre activité et ne pas fragiliser nos structures. C’est dans ce sens que nous ne rapatrions pas la totalité de nos bénéfices », avance notre source bancaire. Dans sa banque, ce sont environ 50% des bénéfices qui sont distribués, et parfois même plus chez les filiales. Du côté de Maroc Telecom aussi, il semblerait que l’opérateur rapatrie ses bénéfices au Maroc. Dans le cadre des résultats consolidés, la redistribution est ensuite faite en fonction de la part de chacun des actionnaires. Ses revenus ne sont pas taxés parce que l’opérateur jouit de la « non double imposition ». Il est donc exonéré de l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Chez les assureurs, il en serait aussi le cas. Selon une source dans le groupe Saham, celui-ci, qui a investi en moyenne 100 millions de dollars annuellement depuis 2010 (lesquels sont au passage financés par une partie des fonds injectés par ses deux nouveaux partenaires que sont la SFI et Abraaj), rapatrie tous les dividendes au Maroc, «car ces investissements sont faits dans le cadre de filiales du groupe », nous explique-t-on. A propos des sociétés immobilières, et en ne prenant que le cas d’Anas Sefrioui en exemple, il a investi à titre personnel 150 millions d’euros dans 5 cimenteries en Afrique. Pour lui, la question de rapatriement ne se pose pas étant donné que ses cimenteries ne sont pas encore entrées en service. Bref, de plus en plus, les entreprises marocaines s’orientent vers l’étranger, et particulièrement vers l’Afrique, pour chercher plus de croissance. Il n’y a qu’à voir par exemple l’évolution de leurs investissements directs. En 2009, les IDE des Marocains à l’international (les chiffres ne tiennent pas compte des investissements en portefeuille, des prêts entre sociétés mères et ses filiales…) se sont établis à près de 15 milliards de dirhams. Ils ont évolué à environ 16 milliards en 2010 puis 17,3 milliards en 2011. Lorsque les occasions se présentent, elles sont saisies, tout simplement…