Les grands rendez-vous de la rentrée
Livres, musique, théâtre, expositions, cinéma… La cuvée de la rentrée culturelle 2015 s’annonce riche et variée. Voici quelques rendez-vous à ne pas manquer. par Mohamed Ameskane
Balima : images mémorielles
Fondée en 1928, la société immobilière Balima vient de récupérer l’un de ses fleurons, l’incontournable hôtel Balima, implanté en plein centre de la capitale, Rabat. Fermé fin août, il s’apprête à se faire relooker pour le grand plaisir des nostalgiques de ses années fastes. Les travaux, chapeautés par l’architecte Tarik Oualalou, commenceront au début de l’année prochaine et risquent de durer au moins 14 mois. Un événement est programmé pour entamer cette métamorphose qui, au-delà, de l’hôtel, risque de concerner tout le centre de la ville. On s’attend, en effet, à une large opération de rénovation de la prestigieuse avenue Mohammed V. Avec l’exposition «Chambre avec vue», le photographe François Xavier Gbré nous invite à apprécier des clichés, traces d’un Balima qui nous quitte. Diplômé de l’École Supérieure des Métiers Artistiques de Montpellier, il réalise depuis 2009 un travail de mémoire et d’archivage photographique sur des lieux ou des espaces symboles d’une histoire oubliée. D’Israël à Bamako, en passant par Cotonou, Lomé et Rabat, il révèle les traces, l’architecture et les fragments d’histoire, et dévoile aussi des espaces désertés, remplis de souvenirs, de possibles, d’humanité. Une expo, fruit de son séjour-résidence au Kulte Gallery pendant le mois de septembre 2015, explore l’histoire mythique d’un espace qui a vu défiler une infinité de personnalités internationales et d’événements historiques. On reviendra prochainement dans le mensuel «Version Homme» sur cette métamorphose et, surtout, sur l’histoire mythique de la vieille Dame de Rabat.
«Chambre avec vue», Kulte Gallery, Rabat, exposition à partir du 30 septembre 2015.
Livre : «Idbihi» ou le fabuleux destin d’un Marocain d’ailleurs
«Idbihi 1968-1987, parcours d’un Marocain de Renault-Billancourt à l’Olympia» : c’est le titre du livre que vient de nous proposer le duo Youssef Hajji et Mustapha Idbihi, édité par Philippe Broc (éditeurs de talent) en partenariat avec le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME) et l’Association des Anciens Travailleurs de Renault-Billancourt (ATRIS). Ses amis, journalistes et artistes connaissaient son parcours, mais hélas pas le grand public. Avec la complicité de Youssef Hajji, enfin cette histoire est entre nos mains. Le livre fait partie de la rare bibliographie de textes signés par des immigrés marocains. Au fil des pages, largement illustrées de photos et autres documents exclusifs, nous plongeons dans le destin d’un jeune Marocain parti en France pour suivre des cours de photographie et le voilà en pleine usine de Renault, partageant la gamelle et les misères de milliers de manœuvriers, arrachés à leurs patelins pour faire tourner les chaînes de l’industrie automobile en pleine croissance. Mais Mustapha, qui avait fait des études, se passionne dès le début pour le mouvement syndical et l’organisation d’événements artistiques. Rejoignant les comités d’entreprise, il milita pour l’organisation de fêtes pour célébrer les Aids maghrébins, à l’instar des fêtes de fin d’année et autres Noëls. Il fut alors «chargé de nouer le contact avec les artistes marocains, algériens et tunisiens. D’ouvrier chargé du contrôle des véhicules, Mustapha devint aussi imprésario. La journée, en blouse verte chez Renault, le soir en smoking en compagnie des stars du moment. Par son entremise, la troupe Nass El Ghiwane fit ses premiers pas à Paris, Najat Atabou cassa les planches à l’Olympia, Abdelhadi Belkhayat, Abdelwahab Doukkali et beaucoup d’autres firent le bonheur de milliers de Maghrébins par-delà les frontières. Mostafa Idbihi (l’ouvrier et l’imprésario) fut omniprésent dans le soutien à la dignité des travailleurs immigrés et, bien après son départ de l’«usine», il continue à entretenir la promotion des cultures du Maghreb comme lien social. Le livre vient combler un vide car il est l’un des rares, sinon le seul, concocté par un ancien ouvrier. Un témoignage de l’intérieur du vécu de l’émigration. Et il a fallu cette rencontre avec son ami Youssef Hajji pour le pondre ! Ce dernier, natif de Tanger se définit comme «un militant associatif de l’immigration». Travailleur social de formation, il s’investit dans des collectes de paroles de femmes, d’hommes et d’enfants en situation de fragilité, en France, en Palestine et au Maroc. Il est à l’initiative de la création de plusieurs espaces de citoyenneté pour jeunes : Espace Jeunesse en région parisienne, Association Darna à Tanger et Naplouse, Tahounat Sitti à Gaza, Hakoura à Jénine… Depuis 2007, il travaille comme chargé de mission au CCME. Outre le livre sur Mustapha Idbihi, On lui doit de nombreuses publications.
Cinéma : «Aïda» à l’affiche
Primé au dernier festival national de Tanger, sélectionné pour représenter le Maroc aux prochains Oscars et projeté en compétition officielle mardi 29 septembre dans le cadre du festival de Salé, «Aida» de Driss Mrini sort sur les écrans du Royaume. Un film qui mérite plus que le détour. Scénario et dialogues d’Abdelilah Hamdouchi, photo de Xavier Marcos, son de Simou Simohamed, montage de Meryem Chadli, musique et mixage Adil Aissa. Le film raconte l’histoire de Aïda Cohen, une Marocaine de confession juive qui enseigne la musique à Paris. Atteinte d’un cancer, croyant ses jours comptés, elle décide de retourner définitivement dans son pays natal pour y finir ses jours. A ses étudiants, elle délivre un dernier message, citant le regretté Edmond Amran Elmaleh à propos du rôle de la communauté juive marocaine dans l’enrichissement du patrimoine national, notamment la musique andalouse. Un retour aux sources et des retrouvailles avec les odeurs, les saveurs et les sons qui ont bercé son enfance. Accueillie par sa sœur, Suzanne, son mari et leurs enfants, on visite en sa compagnie le tombeau de Sadik Raphael Ankaoua, la synagogue Chalom Ben Zaoui et on écoute un «piyout», chant religieux des plus émouvants. De beaux plans rendent hommage aux villes de Rabat et Salé, à la Marina, au fleuve Bouregreg et au tramway qui les réconcilie. Comment oublier ce plan-séquence ralenti avec l’actrice assise sur un banc de la place Al Joulane ? Le tram qui traverse et l’église Saint- Pierre ? «Aïda» reste, au-delà de cette belle fable, une célébration de la coexistence, du dialogue des cultures et de l’ouverture sur l’Autre. Une manière belle et civilisée de répondre aux fracas du monde. Bref, un hymne à la vie…
Concert pour la Tolérance à Agadir
La ville d’Agadir et sa plage au sable d’or, s’apprête à accueillir la 10ème édition du Concert pour la Tolérance. La grande fête, qui célèbre le vivre-ensemble, la coexistence et l’ouverture sur l’Autre, est programmée au moment où la planète vit sous le coup de l’intolérance, de l’intégrisme, du terrorisme et du repli identitaire. Rebaptisé «Ensemble, le Concert pour la Tolérance», le plateau de cette édition anniversaire est éclectique avec des artistes de renom dont, entre autres, Maitre Gims, Marina Kaye, Vianney, Shy’m, Zaz, Black M, La Fouine, Youssoupha, Amine, La Troupe des 3 Mousquetaires, Saâd Lamjarred, Chimène Badi, Asmaa Lamnawar… La soirée, qui sera animée par Kev Adams et Audrey Lamy, sera diffusée en direct et en prime time sur la chaîne «W9» avec rediffusion sur toutes les chaînes du groupe «M6» et diffusion au Maroc sur «2M» et dans le monde sur «TV5 Monde». Une belle promo pour le Maroc qui ne cesse de cultiver son exception marocaine.
Plage d’Agadir, le 4 octobre 2015.
L’Opéra de Paris à Ouarzazate
Après la réussite de sa première édition, Morocco Solar Festival est de retour. Organisé par Patrick Bauer (créateur du Marathon des Sables) et Mehdi Alaoui Mdaghri (Fondateur du Forum de la Mer), le festival dédié au soleil et aux énergies renouvelables entend accompagner l’ambitieux programme marocain de développement des énergies renouvelables. Et le choix de la cité du cinéma est loin d’être fortuit. Les environs d’Ouarzazate n’abritent-ils pas la plus grande centrale solaire thermique à concentration dans le monde ? Ainsi, la porte du désert va s’ouvrir aux musiciens de l’Opéra de Paris pour un grand concert qui s’annonce éblouissant. Au menu également, des expositions de machines fonctionnant à l’énergie solaire, une remise de prix pour les meilleures initiatives dans le domaine de l’énergie solaire, des ateliers ludo-éducatifs pour les enfants de la région et des conférences sur le thème de l’énergie solaire.
Ouarzazate, du 16 au 18 octobre 2015.
Nuits sonores à Tanger
«Le Festival Nuits Sonores, qui incarne depuis près de 15 ans une idée novatrice et ambitieuse de la nouvelle scène culturelle européenne, a décidé de franchir la Méditerranée en créant, à Tanger, un projet unique de coopération artistique entre la France et le Maroc». Jack Lang, Président de l’Institut du Monde Arabe, annonce ainsi la couleur. Une 3ème édition qui se propose de doter la ville du Détroit d’un événement culturel à sa hauteur. Co-construit entre les acteurs culturels de Tanger et de Lyon, de France et du Maroc, de l’Europe et du Maghreb, il nous convie à une programmation plus qu’alléchante, du 8 au 15 octobre.
Voir les détails de cette programmation sur le site de l’événement, à l’adresse : «www.infoconcert.com/festival/nuits-sonores-tanger».