Interview

«Les premiers terminaux gaziers pour 2020-2021»

Le ministre de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Abdelkader Amara a récemment dévoilé la feuille de route pour le développement du photovoltaïque au Maroc. Dans cet entretien, il passe en revue tous ces grands chantiers et toutes ses priorités pour 2015.
Propos recueillis par Roland Amoussou

Challenge: Le marché de l’énergie solaire marocain est un marché très prometteur, mais on constate qu’il n’y a que les entreprises étrangères qui en profitent. Déjà, combien de PME marocaines sont positionnées sur ce marché et comment peuvent-elles aussi profiter de ce gâteau ?

Abdelkader Amara : D’abord, il faut préciser que l’ouverture de la concurrence que j’ai annoncée récemment concerne uniquement le marché du photovoltaïque. Il est clair que le Maroc a une feuille de route en ce qui concerne les énergies renouvelables de manière générale. J’ai toujours dit que le Maroc avait mis le focus sur l’énergie solaire, éolienne et sur l’énergie hydroélectrique. Et il faut rappeler qu’on est tenu d’être en 2020 sur 2000 mégawatts pour chaque axe. Pour l’éolien et l’hydroelectrique, on est déjà pratiquement sur les 2000 mégawatts, c’est-à-dire, déjà faits ou en cours de réalisation. Pour le solaire, nous avons commencé par le solaire thermique à Ouarzazate. Cela nous permet d’avoir la possibilité de stocker cette énergie pour qu’on puisse l’utiliser lors des pointes. Noor I a déjà été lancé et entrera en service avant la fin de 2015, et Noor II et Noor III seraient aussi du solaire thermique. Par contre, Noor IV serait du photovoltaïque, compte tenu des grandes potentialités du Maroc dans ce domaine. Sur ce volet, il y a une partie qui sera faite par MASEN, une partie par l’Office national d’électricité et de l’eau potable (ONEE) dans le cadre du projet qu’on appelle les « Bouts de ligne», parce que nous avons des zones reculées avec des chutes de tension, et le photovoltaïque pourrait très bien répondre à cela. Entre MASEN et l’ONEE, on est en train de parler au bas mot de 800 mégawatts, ce qui représente un volume très important dans le photovoltaïque. Mais, dans le cadre de la Très Haute Tension qui est déjà ouverte au privé, je vais, à partir du début de l’année prochaine, publier l’arrêté sur le zoning, qui définira les zones qui sont réservées à MASEN, étant donné que c’est un projet de l’Etat. Après, libre à chacun d’avoir une ferme solaire photovoltaïque et de vendre à des consommateurs privés. Donc, ce qui est important, c’est qu’en plus des 800 mégawatts, il faut supposer qu’on serait facilement sur quelques centaines de mégawatts de plus. Sur la Moyenne Tension, je me suis engagé à l’ouvrir au privé dès le début de l’année prochaine via un décret qui va justement organiser cette ouverture. Avec tout cela, nous envisageons dans les années à venir un minimum de 1200 à 1500 mégawatts. Je me suis également engagé à ouvrir la Basse Tension à l’avenir. Cela permettra à tout consommateur ayant la possibilité d’installer le photovoltaïque sur son toit de consommer l’énergie que lui-même va produire. Mais, sur le plan technologique, cela est déjà assez ficelé, puisque vous avez la possibilité de consommer et d’injecter sur le réseau. Cependant, sur le plan réglementaire, il y a encore quelques ajustements à faire.
Maintenant, il est important de souligner que le photovoltaïque n’est pas du tout développé dans notre pays. Le Maroc compte à peine quelques dizaines de mégawatts de photovoltaïque. Mais, nous voulons faire de notre pays, un pays de photovoltaïque dans l’avenir. Cela veut dire qu’on est en train de parler de l’intégration industrielle. C’est ce que nous avons fait avec MASEN, c’est ce qu’on est en train de faire dans le domaine de l’éolien et autres. Nous exigeons une certaine intégration industrielle qui va de 30% pratiquement jusqu’à 50% dans le cadre des commandes publiques. Il est demandé au développeur de mettre l’accent sur nos filières industrielles qui devraient se structurer dans les années à venir pour qu’elles puissent profiter du gâteau dont vous avez parlé, et qui représentent un marché. En tant que pouvoir public, je me dois de donner de la visibilité pour les années à venir, mais bien sûr, c’est au Ministère de l’Industrie d’aider ces PME pour se lancer dans ce domaine. Toutefois, j’attire juste l’attention sur le fait que les Chinois sont les meilleurs sur le photovoltaïque dans le monde, et maintenant, il faudrait que nos industriels mettent en place des partenariats dans le but de bénéficier de transfert de technologies, de mettre en place des investissements, et bien sûr de s’ouvrir sur d’autres pays frères de l’Afrique subsaharienne.

La loi sur l’efficacité énergétique entrera-t-elle réellement en vigueur en 2015 ? Et pensez-vous que les acteurs concernés seront prêts à la respecter ?

Pour 2015, nous avons une série de décrets sur l’efficacité énergétique. Nous avons adopté en Conseil de gouvernement un cahier des charges spécial à la construction. Mais, est-ce que cela sera respecté ?. Comme vous le savez, il y a un début pour tout. Dans l’efficacité énergétique, ce qui est très compliqué, c’est le changement de comportements. Il faut dire que l’Etat aussi ne peut pas tout imposer. Mais, nous sommes déjà en train d’implanter le décor législatif et réglementaire pour que les gens s’y mettent. Il ne faut plus percevoir l’efficacité énergétique comme un fardeau, mais plutôt comme une source de recettes. Le chauffage de l’eau se fait au Maroc, soit via l’électricité ou via du gaz butane qui est subventionné par l’Etat. A mon avis, il est aberrant qu’un pays, comme le Maroc, qui est très ensoleillé utilise encore du butane. Si on met en marche tout un système incitatif pour faire l’extension du chauffage solaire, automatiquement, cela va réduire le fardeau de la compensation que l’Etat est en train de payer pour la subvention du butane, et qui dépasse les 15 milliards de DH. C’est ce que j’appelle du win-win. Je propose à l’Etat, via le Ministère de l’Economie et des Finances, qu’en mettant en place un système incitatif bien donné, on est capable réduire cette utilisation. Idem aussi pour le pompage dans le domaine de l’agriculture en optant pour un système de pompage solaire. Il y a déjà un certain nombre de mesures dans le pipe qu’on va bien travailler, bien peaufiner dans le cadre de conventions avec les autres départements. Nous allons entrer dans une nouvelle ère d’efficacité énergétique, et après on sera amené certainement à faire des campagnes de sensibilisation pour imposer un certain nombre de règles. Je pense que dans les années à venir, il serait pratiquement obligatoire au Maroc que toute maison construite soit automatiquement dotée d’un photovoltaïque et capteur solaire pour son chauffage solaire. Mais, tout cela n’est pas possible pour 2015 ou 2016. Il faut d’abord qu’on puisse mettre en place tout un système incitatif.

Quels sont les chantiers prioritaires que vous comptez lancer ou achever en 2015 concernant les énergies solaires, puisque l’AIE a recommandé au Maroc d’optimiser le déploiement de l’énergie solaire et de faciliter l’utilisation du photovoltaïque ?

En 2015, nous allons déjà publier l’arrêté sur le zoning. Cela veut dire, dans le cadre de la loi 13-09 que les énergies renouvelables sont ouvertes aux investisseurs privés. Nous allons adopter le décret qui va permettre d’ouvrir la Moyenne Tension, ce qui va soulager les industriels sur le plan de leurs factures. Il y aura également la promulgation de la loi sur le déplafonnement de l’autoproduction. Actuellement, si quelqu’un veut produire pour lui-même, il est plafonné à 50 mégawatts. Après cette promulgation, le choix sera donné à toute personne de produire ce qu’elle veut jusqu’à 700, ou 800 mégawatts, à condition bien sûr que la personne arrive à prouver qu’elle a besoin d’un minimum de 300 mégawatts pour qu’on l’autorise à faire plus. 2015 verra également la promulgation de la loi sur le Régulateur. En ouvrant la Très Haute Tension, la Haute Tension, la Moyenne Tension et aussi en déplafonnant l’autoproduction, et puisqu’on va venir à la Basse Tension, nous avons besoin d’un régulateur qui instituera les règles liées à l’accès au réseau, pour permettre la fixation des tarifs etc. L’autre chantier concerne le Gaz Naturel Liquéfié (GNL)

Quels sont les grands axes de la Stratégie nationale sur l’Energie ?

Vous savez, en 2008 le Maroc était à 98,5% de dépendance énergétique à l’international. Donc, la vulnérabilité de notre pays sur le plan énergétique est aiguë. Je voudrais arriver en 2025 à réduire cette vulnérabilité à 85%. C’est très important. Pour ce faire, nous allons introduire les énergies renouvelables. Tout cela nécessite bien sûr des chantiers, notamment dans le solaire thermique, car il s’agit de maîtriser les technologies, et de faire des montages financiers acceptables pour qu’on puisse avoir un prix du kilowatt-heure intéressant. Et très important, nous continuerons l’exploration sur les bassins sédimentaires marocains, parce que nous sommes convaincus que nous allons certainement trouver des réserves qui nous permettraient de réduire notre facture énergétique, laquelle est actuellement à 100 milliards de DH. Aussi, allons-nous introduire le gaz naturel liquéfié(GNL), parce que le bouquet énergétique marocain dans le domaine du fossile est constitué à 60% de produits pétroliers, puis du charbon. Le gaz naturel représente une part très très faible. Donc, le but est justement d’introduire ce gaz naturel parce que les coûts sont intéressants à l’international et aussi parce que les réserves du gaz naturel à l’international sont plus importantes. Et une autre raison de taille, c’est qu’il y a un mariage qui très intéressant entre l’utilisation du gaz naturel et les énergies renouvelables.

Pourquoi le projet de terminal gazier tarde-t-il ?

Sur le gaz naturel, la grande problématique, c’est d’avoir une feuille de route. Le débat sur le GNL est un débat qui traîne depuis une quinzaine d’années. Mais la question butait toujours sur le code gazier. Alors en arrivant au département, j’ai dit qu’on n’a pas besoin de code gazier pour lancer le gaz naturel. Certains ont qualifié cela de révolution, et effectivement, c’en est une parce que le Maroc a besoin du GNL dans l’immédiat pour la production électrique, qui va faire pratiquement 70% du marché du gaz naturel dans notre pays. D’ailleurs, les 1 milliard de m3 que nous consommons actuellement concernent la production électrique. Dans ce domaine, on a la possibilité de le faire dès demain. La feuille de route est là, avec tous ses corollaires de montage financier etc. Et puis après, en 2020 -2021, on commencera à avoir les premiers GNL. Cela nous donnera donc le temps d’organiser le secteur à l’échelle industrielle et puis d’augmenter notre consommation, puisqu’à ce moment-là on sera entre 3 et 5 milliards de m3.

Sur le plan pétrolier, Kosmos devrait réaliser un forage bientôt. On dit même que vous êtes récemment allé en Corée du sud pour voir certaines plateformes. Qu’en est-il ?

Par rapport au forage de Kosmos, en principe, l’entreprise devrait démarrer dans les semaines prochaines. Je pense qu’ils sont dans les délais. Ils devraient commencer avant la fin de l’année, parce qu’ils ont déjà acquis la plateforme, qui est d’ailleurs une plateforme de dernière génération. Je pense qu’il vont arriver bientôt dans les côtes marocaines et commenceront le forage sous peu.

Repsol en avait réalisé un à Tanger entre temps avec succès, mais depuis, rien. Que s’est-il passé ?

Vous savez dans le domaine pétrolier, après avoir trouvé il faut bien sûr l’évaluer sur le plan commercial. Et jusqu’à maintenant, Repsol n’a pas vraiment une certitude de faisabilité commerciale.

Que devient le projet d’interconnexion en matière d’énergie avec la Mauritanie et l’Afrique de l’Ouest ?

Pour ce projet, les études vont démarrer sous peu. Nous avons d’abord besoin d’étude technique de faisabilité. Déjà entre la Mauritanie et le Maroc, la volonté est là. C’est un projet très important pour les pays de l’Afrique de l’Ouest, amis du Maroc, parce que la plupart d’entre eux ont une capacité installée qui est très faible, ce qui représente un handicap.

 
Article précédent

Que deviennent les comptes bancaires dormants ?

Article suivant

Ciment : Côte d’Ivoire : La cimenterie d’Anas Sefrioui double sa production