Les réserves de Driss Jettou par ( Jamal Berraoui )
Le président de la Cour des comptes s’est présenté devant le Parlement pour présenter un rapport sur la caisse de compensation. Il a soulevé deux questions d’importance. D’abord, la hausse des prix du carburant « ces hausses ont des limites ». Il en veut une vitale, le point d’inflexion qui porterait atteinte à la compétitivité de l’économie marocaine. Il propose que les économies réalisées soient affectées aux transports publics, au renouvellement du parc automobile, et surtout à la transition énergétique. Domaines qui doivent « devenir des priorités dans les années à venir ».
Mais le gros de l’intervention de Si Driss Jettou a porté sur l’aide directe aux nécessiteux. Il n’est pas très chaud. « Il y a d’énormes difficultés. Quels sont les critères de sélection des familles et quel est l’appareil qui sera chargé de la distribution. Il y a un grand risque que cet appareil coûte plus cher que le soutien lui-même. Il nous faut un outil efficient et sécurisé ».
Les parlementaires ont interprété de manière politique cette dernière phrase. « Il a peur d’une instrumentalisation électoraliste de l’aide », a dit l’un d’eux.
Ces réserves sont soulevées de part et d’autre. Un dirigeant de l’opposition a même affirmé « Le soutien direct permettra à Benkirane d’entrer dans le monde rural pour ne plus en sortir ».
Ce sont des réserves, à mon sens, hors sujet. Nous avons un système à la fois inefficace et inéquitable. La décompensation totale impactera les six millions de Marocains dans la précarité de la manière la plus dure. Par souci de cohésion sociale, il nous faut trouver un filet social à leur adresse. Les pays qui ont choisi le soutien direct ont eux aussi des élections. La « Bolsa familia » au Brésil a sûrement influé sur la réélection de Leïla pour un second mandat et il est normal qu’un gouvernement perçoive les dividendes d’une avancée sociale. Cela n’a pas empêché les bénéficiaires d’être dans les cortèges de la contestation qui secoue ce pays continent alors que le parti des travailleurs est toujours aux commandes.
Avoir peur des élus et de leur incurie, ou de la corruption ne justifie pas l’abandon de l’une des réformes promises par le candidat Benkirane. Même si la RAMED a prouvé que le contrôle n’était pas aussi simple que cela, des milliers d’indigents n’en bénéficient toujours pas, alors que des professions libérales ont pu s’y inscrire.
Ce débat n’est pas tranché, il reviendra sur la table dès que les cours internationaux flamberont, en particulier le pétrole face à l’instabilité de l’Irak et de la Libye. Il est bon qu’il soit institutionnalisé, pour que chacun prenne ses responsabilités. C’est en cela que la réflexion de Si Driss Jettou est importante, parce qu’elle pose les termes du débat. Le choix final incombe au gouvernement et à sa majorité.