Les USA, sans administration ( Par Jamal Berraoui )
Notre culture francophone n’aide pas à comprendre les Etats-Unis. Le principe de la continuité du service public, sacro-saint en France, n’existe pas aux USA. Pour la seconde fois de leur histoire, les fonctionnaires américains sont mis en chômage, parce que le congrès a refusé de voter la Loi de Finances. Il n’y a déjà pas de garantie d’emploi dans l’administration à titre individuel, pas de statut protégé, mais là, ce sont tous les fonctionnaires qui sont concernés. Cela ne va durer que quelques jours parce que les deux parties recherchent toujours un accord et qu’il faut bien que l’Etat fédéral fonctionne. Le sujet de la discorde est toujours l’assurance-maladie, mesure phare du premier mandat de Barack Obama. Les républicains et les classes moyennes dénoncent une mesure « socialiste ». Ils refusent la notion même de solidarité et lui préfèrent celle de responsabilité. Dans leur logique, chaque individu doit saisir les opportunités qui s’offrent à lui sans rien attendre de la collectivité. Le rêve américain n’est pas compatible avec l’assistanat. Même auprès des électeurs démocrates l’assurance-maladie ne fait pas l’unanimité. De là à ce que l’Etat fédéral soit paralysé, personne n’y croyait parce que les cohabitations antérieures n’ont jamais bloqué le système.
Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas sans rappeler Détroit. Autrefois, ville florissante grâce au secteur automobile, elle a subi la crise de plein fouet, au point de perdre la moitié de ses habitants. Le maire a décidé de mettre la ville en faillite. Unique dans les annales. Cela change tous les rapports avec les entités locales. Celles-ci étaient considérées comme un risque souverain, c’est-à-dire proche de zéro. Mais si les villes se mettent en redressement judiciaire, les banquiers vont devenir aussi précautionneux avec les maires qu’avec les chefs d’entreprise. Les adjudicataires des marchés publics exigeront des garanties. C’est une vraie révolution dans le mode de gestion qui se profile. Pas d’inquiétude cependant, cela ne risque pas de se produire au Maroc où l’autonomie des communes est très faible. Dans le cas de Détroit, l’Etat fédéral n’a rien pu faire, parce que la solidarité régionale, par le biais de Washington, n’existe que dans le cas des catastrophes naturelles et non pour les conjonctures économiques.
Cela tient la route parce qu’il y a une vraie flexibilité de l’emploi. Les chômeurs changent de ville, d’Etat pour retrouver du travail, là où il y en a. La Caroline du Sud a vu sa population augmenter de 15 % en quatre ans, grâce à l’exploitation du gaz de schiste et aux emplois qu’elle procure.
La démocratie américaine fonctionne sur d’autres bases. Le mot lobby y est bien perçu, le métier est organisé et participe au financement des campagnes électorales en toute transparence. En France, et donc chez nous, tout ce passe dans le secret. La première puissance mondiale a un système basé sur d’autres dogmes. Ce n’est ni pire, ni meilleur, c’est efficace puisque cela dure depuis deux siècles.